Les Algériens réagissent, comme la légende populaire le rappelle, au quart de tour. Cela dit, la réaction de la presse et des internautes algériens, à la maladresse de Nicolas Sarkozy à propos de la proximité de la Tunisie avec l’Algérie, prouve que l’on accorde parfois davantage d’intérêt au futile qu’à l’essentiel.
En effet, bien que les propos de l’ancien président de la France soient injurieux et inconvenants, il n’en reste pas moins que ce discours est destiné à rassurer ses partisans à l’approche des échéances électorales en France. Doit-on, pour cela, réagir à toutes les sorties médiatiques de Nicolas Sarkozy jusqu’à 2017, voire au-delà. Les Algériens, me semble-t-il, ont d’autres chats à fouetter.
Surtout, ils doivent se préoccuper des difficultés économiques qui menacent le pays. En effet, après avoir raté sa chance historique de relancer sa machine économique –le pays a engrangé plus de 1000M$ en 16 ans –, force est de reconnaître que la crise qui se profile risque de déstabiliser véritablement le pays.
Ainsi, bien que les réactions d’indignation soient, encore une fois, légitimes, doit-on pour autant balayer d’un revers de la main le constat sur le danger menaçant notre pays ? De toute évidence, mis à part le propos sur la situation géographique, on peut émettre les mêmes craintes.
En plus, les commentaires que les Algériens font sur la politique française –en 2012, en pleine campagne électorale pour les législatives, les Algériens étaient plus intéressés par le second tour de l’élection présidentielle, opposant François Hollande à Nicolas Sarkozy, que par les leurs –sont, dans ce cas, autant d’immixtions dans la politique française.
En tout état de cause, si la fragilité du pays suscite autant de débats, les Algériens devront adresser leurs reproches aux dirigeants inamovibles. Car, malgré l’évocation à tout bout de champ de la main de l’étranger qui comploterait contre l’Algérie, la vraie menace pour la stabilité du pays est immanquablement interne.
Du coup, sans se référer aux déclarations des responsables politiques français ou américains, la situation politique interne nécessite une prise de conscience à grande échelle. Hélas, ces réactions sont inaudibles quand il s’agit de s’indigner de la conduite des affaires du pays.
Faut-il rappeler que depuis la chute des recettes pétrolières de moitié, le pays est en paroi à une crise économique d’une ampleur comparable à celle de 1986, et ce, dans la mesure où, comme à l’époque, toute la consommation nationale repose sur les revenus des hydrocarbures.
Et pourtant, lors des différentes campagnes électorales, et notamment celle d’avril 2014, les partisans de Bouteflika se sont déchainés pour imposer leur candidat à la tête de l’État en avançant l’argument selon lequel son intelligence serait d’un grand apport pour surmonter les crises. Le plus zélé d’entre eux, Amara Benyounes, est allé jusqu’à affirmer que Bouteflika était plus intelligent que tous les Algériens réunis.
Finalement, il n’en est rien. Comme tous ses prédécesseurs, Bouteflika se contente de gérer les revenus des hydrocarbures, sans jamais planifier une économie alternative à la dépendance pétrolière. Dans une chronique sur TSA, Mohamed Benchicou –longtemps porte-parole des éradicateurs lors de la décennie noire –affirme qu’en 16 ans, « Bouteflika n’a pas créé une seule usine… »
En somme, bien qu’on ne veuille pas que notre pays soit pointé du doigt par des responsables politiques des autres pays –et qui plus est à des fins politiques internes –, il n’en reste pas moins que la réaction la plus sévère doit être adressée à ceux qui nous gouvernent. Du coup, au lieu d’être choqués par les propos de Sarkozy –à l’automne, il va être reçu à Alger avec des honneurs et en lui déroulant le tapis rouge –, les Algériens feraient mieux de se préoccuper de l’avenir de leur pays.
Boubekeur Aït Benali
4 août 2015