Le drame de la classe politique, notamment celle qui a dirigé en Algérie, c’est qu’elle souffre du problème d’amnésie. En effet, ces acteurs oublient très vite leur passage à la tête des institutions du pays. La dernière sortie médiatique du général Nezzar en est la preuve.
Bien que ces inquiétudes puissent être comprises –cela dit, tout le monde comprend aisément que le général se préoccupe de sa propre situation et non de celle du peuple algérien –, il n’en reste pas moins que durant toute sa carrière il n’a jamais songé à mettre en œuvre les principes qu’il prétend défendre aujourd’hui.
Bien évidemment, le propos ici n’est pas de soutenir les lois injustes sous prétexte que l’ancien homme fort du régime les dénonce. Mais, là où on ne le croit pas, c’est quand il fait semblant d’épouser la cause démocratique. Un proverbe ne dit-il pas : chasser le naturel, il revient vite au galop. Et même si certains veulent être indulgents envers lui, son passé de tyran le rattrapera toujours.
En effet, au moment où les Algériens ont commencé à avoir la parole, et ce, après trois décennies de dictature ayant refusé systématiquement tout compromis avec la société, le chef des armées de l’époque a tout fait pour que les acquis d’octobre 1988 soient littéralement annihilés.
Et quand il dit aujourd’hui que Gaid Salah a tort d’engager l’armée dans la bataille politique –ce qui n’est pas, encore une fois, faux –, dans les années 1990, le haut commandement militaire ne faisait que ça. D’ailleurs, à en croire les mémoires du général Nezzar, n’est ce pas l’armée qui a ramené Bouteflika au pouvoir ?
De quel droit une institution, prestigieuse soit-elle, peut décider, toute seule, de l’avenir d’un pays ? Il y a une seule explication : le haut commandement de l’armée n’a pas veillé sur la démocratie. Nonobstant le retrait des officiers de l’armée du comité central du FLN en mars 1989, comme le rappelle si bien le général Nezzar, il n’en demeure pas moins que le haut commandement –à ne pas confondre avec la quasi-totalité des soldats qui font leur boulot avec abnégation –n’a jamais renoncé à l’activité politique. L’omniprésence des services secrets, à travers l’infiltration de toutes les organisations, dénote de la surveillance sans vergogne de la vie politique du pays.
À l’examen de ces éléments, comment peut-on apprécier la déclaration du général Nezzar appelant les députés à ne pas cautionner le projet liberticide que propose le gouvernement ? Tout le monde sait que le parlement n’a jamais eu le courage de réprouver la moindre décision de l’exécutif. Hormis les députés du FFS et quelques autres courageux, la grande majorité votera le texte sans rechigner.
Cependant, ce que feigne d’ignorer le général Nezzar, c’est que sa responsabilité dans le comportement pusillanime des parlementaires est engagée. En effet, depuis le règne du parti unique jusqu’à nos jours, les décideurs successifs ont tous exercé un chantage intenable afin qu’ils aient une assemblée de godillots.
Pour conclure, il va de soi que la réaction du général Nezzar au nouveau projet de loi réglementant la conduite des anciens officiers de l’armée aurait pu trouver le soutien populaire nécessaire si, durant son règne, il avait garanti les droits élémentaires des citoyens. Hélas, il n’en fut rien. Aujourd’hui, bien qu’il ne faille pas agir comme les ennemis de la démocratie d’hier, la meilleure attitude serait de combattre ladite loi tout en dénonçant les nouveaux convertis à la démocratie.
Boubekeur Aït Benali
1er juillet 2016