Dans l’affaire Matoub Lounès, lâchement assassiné le 25 juin 1998, il est inutile de chercher les raisons qui empêchent l’éclosion de la vérité. En Algérie, on a l’habitude. Les enquêtes sur les assassinats politiques n’aboutissent jamais. Cela ne veut pas dire que la vérité ne jaillira pas un jour.
Mais, dans l’état actuel des choses, il est difficile d’imaginer un dénouement probable. Et pour cause ! Pour qu’une instruction soit crédible ou qu’il ait simplement une chance d’aller à son terme, il ne faudrait pas que les éléments de l’enquête soient d’emblée imposés.
Or, dans l’affaire Matoub, la justice ne veut rien entendre en dehors de la version des partisans du « tout sécuritaire » des années 1990. En fait, à peine Matoub Lounès ait rendu l’âme, le responsable de la milice en Kabylie, Nourredine Ait Hamouda, a imputé le crime aux islamistes, en nommant le GIA comme étant le responsable de l’assassinat.
A-t-il des preuves, quelques minutes après le crime, pour qu’il avance le nom du groupe coupable ? Bien que le propos ici ne soit en aucune façon de disculper ceux qui ont réagi par la violence au coup d’État des militaires, il est difficile, dans le contexte de violence de l’époque, d’identifier –sans une enquête impartiale –les véritables auteurs du crime.
Hélas, à en croire deux journalistes de Libération, Florence Aubenas et José Garçon, toute la procédure judiciaire repose sur les déclarations des responsables du RCD et de celles des proches, notamment la veuve Matoub et ses sœurs, lesquels pointeront du doigt plus tard des anomalies dans la procédure.
Par ailleurs, bien qu’un procès, dit Matoub, ait lieu en 2011, les observateurs affirment que cette parodie de justice vise au préalable à clore un dossier politique, en l’occurrence l’amnistie générale. En d’autres termes, l’institution judiciaire se préoccupe avant tout de rendre crédible les décisions politiques, mais elle se soucie moins de rendre justice.
Qu’en est-il de l’affaire, 18 ans après l’odieux assassinat et cinq ans après le procès factice ? Il va de soi que tous ceux qui rêvent d’une justice équitable ne peuvent se satisfaire ni de la parodie de justice ni du jugement préfabriqué.
Malheureusement, du côté des insatisfaits, la recherche de la vérité n’est pas forcément le but final. En effet, il y a quelques jours, la veuve Matoub signe une déclaration dans laquelle elle s’insurge contre la justice en lui reprochant de ne pas avoir jugé le chef du GIA, Hassan Hatab.
La question qui se pose naturellement est la suivante : peut-on regretter que la justice n’ait pas fait son travail, d’un côté, et lui demander de juger le coupable désigné par les responsables politiques locaux dès le quart d’heure suivant le crime, de l’autre côté ? La réponse est évidemment non. Sans vouloir remettre en cause la bonne foi de la veuve Matoub, il n’y a qu’une façon de chercher la vérité : ne pas imposer les éléments d’enquête.
Pour conclure, il va de soi que la procédure de justice ne doit pas être biaisée. Pour ce faire, l’enquête doit inclure tous les éléments. Et ce n’est pas en voulant remettre sur le devant de la scène des acteurs politiques, comme le fait consciemment ou inconsciemment Nadia Matoub, que la vérité se saura un jour.
Boubekeur Aït Benali
25 juin 2016