La proclamation du gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), le 19 septembre 1958, fut incontestablement l’acte fondateur de la naissance de l’Etat algérien. Toutefois, la guerre d’Algérie fut dés le déclenchement encadrée par des textes fondateurs (Déclaration du 1er novembre 1954 et les résolutions du congrès de la Soummam du 20 août 1956) et des dirigeants de valeur. Mais dans le contexte de l’époque, les difficultés furent multiformes et allaient crescendo. A la répression féroce de l’armée française, les dirigeants algériens avaient un autre souci : la désignation des chefs aux postes clés. Car on le sait désormais que l’idée de la création du gouvernement fut émise début 1957. En effet, dans un rapport au comité de coordination et d’exécution (CCE), Hocine Ait Ahmed avait prôné, de la prison de la santé où il se trouva, la création d’un gouvernement en guise de réponse au rapt aérien du 22 octobre 1956. Surtout, s’il y avait cette proclamation, cela aurait probablement atténué le conflit issu de la Soummam entre Abane Ramdane et Ahmed Ben Bella. Celui-ci fut partisan du contrat moral entre les neufs chefs historiques, alors que celui-là essaya d’intégrer toutes les forces politiques nationales au sein du FLN. En tout cas, sa création aurait mis les nationalistes dans une position de force vis-à-vis du colonisateur et les aurait incités à plus de solidarité gouvernementale. En effet, selon le professeur André Mandouze, l’acception du gouvernement renvoie à celle de l’Etat. Il écrit dans « La révolution algérienne par les textes » : « il faut bien comprendre que, si un organisme révolutionnaire comme l’était le CCE pouvait, à bon droit, exiger une reconnaissance de l’indépendance algérienne avant d’entamer les négociations, il n’en est plus de même pour un gouvernement qui, par son existence même, consacre juridiquement celle de l’Etat qu’il représente. »
Cependant, le rapport de Hocine Ait Ahmed cerna les contours du débat sur les avantages à tirer de la naissance du gouvernement provisoire. Quelques mois plus tard, le colonel Ouamrane, aidé par son conseiller Mebrouk Belhocine, soumit un rapport détaillé à ces collègues du CCE. Il s’agissait, pour lui, d’en finir avec les tergiversations. Le succès de la révolution devait passer, de façon inéluctable, par la création d’un gouvernement, le rejet de toute exclusive contre les pays de l’est et étendre l’action armée en France. Selon Mohamed Harbi, trois autres rapports furent soumis au CCE. Ils furent l’œuvre de Ferhat Abbas, Lakhdar Ben Tobbal et Krim Belkacem. Et leurs opinions se rejoignirent quant à la nécessité de créer un gouvernement provisoire. Toutefois, entre ces suggestions et la proclamation du gouvernement algérien, le 19 septembre 1958, plusieurs événements les séparèrent. Il y eut d’abord l’affaire Abane Ramdane qui entrava pour quelques mois les activités du CCE. Et à peine les membres du CCE reprirent leurs activités, il y avait l’explosion du 13 mai 1958. Bien qu’il soit porté à la tète de l’Etat français grâce un coup de force militaire, plusieurs observateurs, et non des moindres, voyaient en de Gaulle quelqu’un qui allait trouver une solution négociée au problème algérien et ce, à court terme. L’histoire a montré que le général n’était pas disposé, dans les deux premières années de son retour aux responsabilités, ni à trouver une solution politique, ni à lésiner sur les moyens militaires en vue d’étouffer la révolution algérienne. A la demande des Algériens de vivre sans carcans dans leur propre pays, le général de Gaulle répondit par des mesures inadéquates. La première fut la paix des braves. Elle préconisa ni plus ni moins la reddition pure et simple des maquisards. La seconde eut trait à l’amélioration des conditions de vie des Algériens. Ce fut le fameux plan de Constantine du 3 octobre 1958. Il promit aux Algériens que « Le plan prévoyait d’atteindre en l’espace de cinq ans le niveau d’industrialisation visé par les perspectives décennales en dix ans ».
Cependant, les dirigeants algériens, réunis en commission, ont rendu, le 6 septembre 1958, une réponse positive à la création d’un gouvernement provisoire. Pour ces derniers, cette naissance du gouvernement allait avoir au moins deux impacts. L’un sur le plan algérien : « A l’approche du référendum (sur la constitution de la cinquième république française), c’est un encouragement utile qui convaincra le peuple à faire échec à la politique d’intégration prônée par de Gaulle. », et l’autre sur le plan international : « nous nous trouverons dans une meilleure position qui acculerait peut-être l’ennemi à des actes d’humeur profitables internationalement à notre cause et le potentiel matériel et financier de la révolution se renforcerait. » Ainsi, la veille de la proclamation officielle de la naissance du GPRA, soit le 18 septembre 1958, plusieurs délégations du FLN sont allées rencontrer les chefs de gouvernements de tous les pays arabes. Selon Yves Courrière : « A Tunis, c’est Krim Belkacem et Mahmoud Chérif qui rencontrèrent le président Bourguiba dans sa villa d’été. » En Egypte, la mission d’annoncer la création du GPRA a été confiée à Toufik El Madani. Le lendemain, vendredi 19 septembre 1958, le GPRA a pris officiellement ses fonctions. L’annonce de sa création a été faite simultanément à Tunis et au Caire. Quatre pays ont reconnu ipso facto le GPRA. Il s’agissait de la Tunisie, du Maroc, de la Syrie et du Liban. Vingt quatre heures plus tard, c’était autour de l’Egypte de reconnaitre le GPRA. Dans la foulée, l’Irak a suivi l’exemple égyptien. Désormais, chaque reconnaissance qui s’ajoutait à la liste était une victoire pour la diplomatie algérienne. Le GPRA sut mener le pays à la victoire finale. Mais la question qui demeure ouverte est sa mise à mort après la signature des accords d’Evian ? Car il aurait pu gérer la période de transition — 3 juillet 1962 – 2 septembre 1962 — sans ambages et assurer la réelle représentation du peuple algérien à l’assemblée constituante.
Boubekeur Ait Benali
19 septembre 2010
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