Les événements du 20 avril 1980 constituent, pour l’Algérie, la reprise de la contestation politique postindépendance. En effet, après la fin de la crise de l’été 1962 et ses prolongements jusqu’au coup d’État du 19 juin 1965, le régime, dirigé d’une main de fer dans les années 1970 par Houari Boumediene, a repris le contrôle sur l’ensemble de la société.
Ainsi, bien que le mouvement ait lieu en Kabylie, il n’en reste pas moins que les revendications reprennent, pour l’essentiel, celles des différents courants de l’opposition algérienne au double coup d’État de 1962 et 1965. Hormis la revendication culturelle –est-il nécessaire de rappeler par ailleurs que le PRS de Mohammed Boudiaf a inscrit dans son programme de 1978 Tamazigt comme langue nationale et officielle –, le MCB (mouvement culturel berbère) développe les mêmes thématiques, à savoir la fin de règne du parti unique, l’ouverture du champ politique, le respect des droits de l’Homme, etc.
Précurseur, ce mouvement contribuera, huit ans plus tard, à l’éclosion du pluralisme en Algérie. Hélas, le processus étant biaisé à l’origine, l’Algérie demeure toujours bloquée et n’entre pas encore dans la vie démocratique effective. En effet, malgré les acquis arrachés au prix de sacrifices suprêmes, le régime n’a jamais renoncé à son jeu favori : la déstabilisation de la classe politique ne faisant pas partie de sa clientèle.
Par ailleurs, en revenant sur les avancées concédées sous la contrainte de la rue, le régime suscite un sentiment de méfiance, voire une répugnance à son égard. Cela dit, tant que les réactions de rejet ne concernent pas l’Algérie, il est tout à fait normal que le citoyen s’oppose aux dirigeants incompétents mettant chaque jour le pays en danger.
Or, il y a quelques années, un mouvement séparatiste, qui ne se revendique de la démocratie que pour tromper l’opinion, rejette le régime, les institutions et toute l’Algérie. Et là où le bât blesse, c’est que ce mouvement prétend représenter toute la région. À deux reprises, son chef autoproclamé, menaçant et mettant en garde tout le monde, s’adresse à Manuel Valls et à Ban Ki Moon en sa qualité de « président de la Kabylie », forcé par « le système colonial » à l’exil.
Bien évidemment, tout le monde sait que cette allégation est mensongère. Certes, la Kabylie souffre, comme souffrent d’ailleurs toutes les régions du pays, du système politique imposé au pays, mais elle n’a donné de mandat à quiconque pour la représenter en dehors des institutions –encore une fois injustes– de notre pays.
Incontestablement, bien que le séparatiste Ferhat Mehenni ait des partisans, il n’en reste pas moins que les forces politiques de la région sont hostiles à la cession du pays. Mais, pour tromper l’opinion, Ferhat Mehenni n’hésite pas à recourir aux procédés machiavéliques. En faisant du 20 avril une date où l’on mesure la représentativité de son mouvement, il se comporte comme les dirigeants du FLN des années 1960 faisant de la révolution algérienne leur propre domaine.
En tout état de cause, en usurpant cet événement, il met les citoyens de la région dans un dilemme. S’ils sortent dans la rue, ils soutiennent donc le MAK et s’ils boudent le 20 avril, ils renoncent à la célébration de l’une des dates clés de l’histoire postindépendance de l’Algérie.
Pour conclure, il va de soi que le 20 avril et le mouvement qu’il l’a incarné, en l’occurrence le MCB, n’appartiennent à personne. Privatiser un tel événement est indubitablement un acte grave. Cela dit, venant de Ferhat Mehenni, cela n’étonne guère. Depuis ses débuts en politique, il ne cesse de confondre son destin personnel avec celui de sa région de naissance.
Dans ce cas, en quoi son projet diffère-t-il de celui du régime ? Aucune différence. En effet, si le régime s’accapare l’histoire de la révolution en la manipulant à sa guise, Ferhat Mehenni procède de même en usurpant l’histoire du mouvement culturel berbère, dont il a prononcé lui-même l’oraison funèbre un certain 11 février 1989. Hélas, les gens oublient vite.
Boubekeur Aït Benali
16 avril 2016