A l’occasion du 8 mars, le chef de l’État –comme c’est l’usage ces derniers temps –s’adresse à la femme algérienne à travers un message lu en son nom. Bien que les différences soient quasiment inexistantes, selon lui, car il veille à ce qu’il n’y ait pas de différence entre l’homme et la femme, les quelques insuffisances seraient, à en croire le chef de l’État, héritées de la période coloniale. Donc, à bien saisir le sens du message présidentiel, et en dépit d’une indépendance vieille de 54 ans, les erreurs incombent encore à l’ancien système colonial.
De toute évidence, il est indéniable que cette période sombre de notre histoire a causé inexorablement des dégâts colossaux. Pour vaincre ce système monstrueux, le chef de l’État reconnaît que la femme algérienne a joué un rôle capital « pour le recouvrement de la liberté et l’indépendance ».
Pourquoi alors le peuple qui s’est uni pour réaliser l’un des plus nobles combats, en l’occurrence la lutte pour la liberté, se retrouve, après la fin du joug colonial, derechef asservi ? Ce que ne dit pas le chef de l’État, dans son message du 8 mars, c’est qu’un groupe d’officiers se basant aux frontières marocaine et tunisienne a imposé au peuple victorieux un modèle semblable à celui qu’il avait combattu.
Cette usurpation –et c’est le moins que l’on puisse dire –conduit immanquablement à freiner, voire à bloquer entièrement, l’évolution de la société. Pour faire diversion, le chef de l’État critique sévèrement ceux qui attribuent ces blocages « à nos référents spirituels et à notre civilisation… » Bien évidemment, le problème de notre société ne vient pas de la religion, mais de ceux qui l’exploitent à des fins politiques.
Cependant, bien que la mobilisation citoyenne ait permis quelques avancées, il n’en reste pas moins que des améliorations substantielles sont nécessaires. À commencer par l’abrogation du code de la famille.
Par ailleurs, malgré les déclarations de bonne foi du chef de l’État sur la volonté des dirigeants à réduire les inégalités, il faut rappeler que ce code injuste a été mis en place par le même pouvoir gouvernant sans partage depuis 1962.
En tout cas, ses prédécesseurs ont promulgué ce code dans l’arrière-pensée de calmer l’aile conservatrice du parti unique. Comme quoi les premiers adversaires de la femme sont ceux qui sont censés légiférer en sa faveur, dont la mission, en général, est de protéger les plus vulnérables.
Et puisque le code de la famille n’est autre qu’une manœuvre politique, n’est-il pas plus judicieux de l’abroger tout bonnement ? Sur ce terrain, il est fort à parier que le chef de l’État ne s’aventurerait pas.
Pour conclure, il va de soi que les tares de notre société viennent de la politique d’exclusion mise en place au lendemain de l’indépendance. Et qui plus est, dans tous les systèmes où la violence est érigée en mode de gouvernance, les plus fragiles sont les plus exposés.
Du coup, pour qu’il y ait une véritable émancipation de la femme en Algérie, il faudrait, au préalable, que les institutions découlent du libre choix des Algériennes et des Algériens. En aucun cas, elles ne doivent dépendre des hommes forts du moment. Le reste n’est que du blabla.
Boubekeur Aït Benali
13 mars 2016