Ci-dessous une lettre ouverte d’un « pauvre petit juif d’Algérie » imaginaire qui relate l’enfer qu’il vivrait dans notre pays. Cette lettre est diffusée et supplée et supplée par tout ce que l’Algérie compte de petits scribouillards indolents, inconsistants, en perte de repères. Ces missionnés patentés sont qualifiés de médias de « référence » (excusez du peu) par les cocos d’en face qui hiérarchisent nos valeurs et continuent de croire – à savoir pourquoi – qu’ils peuvent nous parler en maîtres.
Les sionistes brûlent des adolescents en Palestine et on nous invente une petite romance pour attendrir les âmes sensibles pour entraîner nos micro-intellectuels indigènes dans une cabale (le mot s’impose) pour la défense d’une judaïté locale imaginaire. Après que les démocrates du dimanche aient échoué à mettre le feu au pays en 2011, les voila appelés à désislamiser le pays.
En vérité il s’agit d’une opération d’intox, du genre de celle que le Mossad organise chez les ploucs, relayé par ce que l’Algérie compte aujourd’hui de néo-harkis qui travaillent l’opinion publique algérienne au corps. Je précise aussitôt : en vain ! « Cause toujours mon lapin tu m’intéresse. » Et pour ceux qui s’interrogent, je leur dis ceci :
Les juifs d’Algérie ont quitté notre pays, en masse, de leur plein gré – l’herbe était plus tendre ailleurs et les mouches ont changé d’âne-, en trahissant leurs « compatriotes » algériens. Ceci en trois circonstances historiques :
1.- En 1870, lorsque Adolphe Crémieux, en leur nom a demandé et obtenu pour eux la nationalité française. Contrairement à l’histoire du petit poucet futur rabbin, personne ne la leur a imposée. Ils ont tout fait pour l’obtenir, car elle confère des droits dont les « sujets » algériens étaient privés. Non seulement ils ne l’ont pas récusée, mais ils ne l’ont pas exigé pour leurs « frères Arabes » et ils se sont mis du côté de l’occupant colonial. Sans état d’âme. Comme ils savent faire.
2.- En 1948, à la naissance forcée de cette caserne enkystée au Proche Orient qu’on ose appeler « Etat ». À bout de bras, portée par l’Europe et l’Amérique du Nord, sous l’influence de lobbys sionistes puissants et influant. Exploitant au maximum la culpabilité tirée d’une interprétation savamment bricolée de la tragédie de la dernière guerre, ils réduisent au silence toute parole critique, désormais criminalisée (Merci à J.-C. Gayssot !)
3.- En 1956, les Juifs d’Algérie et ceux d’Israël se sont accordés pour torpiller l’Egypte. A la fois pour étouffer la lutte pour la libération nationale et aussi pour réduire la résistance arabe et faciliter leur colonisation de la Palestine. Ils ont perdu en 1956, mais ils ont réussi plus tard. Nos dirigeants – regardez dans quel état ils sont aujourd’hui de l’Océan Indien à l’Océan Atlantique – ayant abandonné la station droite et cédé aux lois de la gravitation…
Le FLN avait lancé un appel à la communauté juive d’Algérie, rappelant leurs droits millénaires sur le pays, pour combattre à nos côtés. Tu parles Charles !
Pour éviter tout malentendu ou imprécision, je vous joins ci-dessous cette lettre.
A l’exception de quelques hommes libres qui n’avaient d’ailleurs qu’un lien ténu avec leur communauté religieuse ou tribale – beaucoup de communistes, d’humanistes et de libres penseurs – en masse, ils avaient rejoints les Macias, les Amar, les Benhamou, les Bensaïd, les Benzekri, les Zemmour, les Attali, les Benguigui… Beaucoup ont changé de nom depuis pour se fondre dans les rouages des institutions et de la société française.
D’abord pour prendre les armes contre nous, ensuite pour s’embarquer vers Panam quand ils se sont rendus compte qu’ils ont joué et… perdu.
Certains sont restés pour une « veille »… ça peut toujours servir. Mais on a continué à avoir l’œil sur ces reliquats et sur tous les autres relais… même si aucun algérien ne se fasse d’illusion sur l’infiltration gravissime des institutions de l’Etat par des intérêts étranger. Le régime Chadli est passé par là…
Et de grâce, qu’on ne me sorte pas la ritournelle répétée depuis 1962 : « arrête de nous emm… avec ces arguments éculés prétendant que tous nos ennuis viennent de l’étranger et de la colonisation –achevée depuis plus d’un demi siècle- et ignorer à quel point nous sommes les uniques responsables de nos problèmes… »
Futur rabbin d’Algérie ? Compte là-dessus, boit de l’eau fraîche et tu verras Montmartre !
Un dernier mot sur ce point : certains complexés s’évertuent chez nous à reprendre une falsification historique qui convient aux larbins. Les juifs ne nous ont jamais précédé au Maghreb : nous, berbères et fiers de l’être, nous avons toujours été là, pour autant que l’histoire peut en témoigner. Berbères animistes, puniques, adorateurs du vents et du soleil, sans dieux, grecs à l’occasion, romains quand cela valait le coup, juifs christianisés ou islamisés, chrétiens par la grâce de Constantin le Pieux ou Augustin le sage, vikings selon les flux touristiques au tournant du 1er millénaire, espagnoles par la bande et finalement musulmans, nous avons toujours occupé ce bout de monde et nous n’autorisons personne à nous précéder et encore moins à revendiquer une quelconque légitimé qui l’autoriserait à nous chasser de nous-mêmes.
Depuis plus de 2000 ans beaucoup se sont cassés les dents à essayer.
Aujourd’hui, en Algérie tout le monde est musulman. Même les athées.
Seuls les imbéciles ne l’ont pas compris.
Et cette engence prolifère librement sous toutes les laltitudes.
Djeha,
8 juillet 2014
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Lettre aux Israélites d’Algérie
Quelque part en Algérie, le 1er octobre 1956
Le Front de libération nationale
A Monsieur le Grand Rabbin,
A Messieurs les membres du Consistoire israélite,
Aux élus et à tous les responsables de la communauté israélite d’Algérie,
Monsieur le Grand Rabbin,
Messieurs et chers compatriotes,
Le Front de libération nationale (FLN), qui dirige depuis deux ans la révolution anticolonialiste pour la libération nationale de l’Algérie, estime que le moment est venu où chaque Algérien d’origine israélite, à la lumière de sa propre expérience, doit sans aucune équivoque prendre parti dans cette grande bataille historique.
C’est aujourd’hui un fait notoire que la guerre de reconquête imposée au peuple algérien s’est définitivement soldée par un double échec militaire et politique.
Les généraux français eux-mêmes avec, à leur tête, le maréchal Juin, ne cachent plus l’impossibilité de venir à bout de la Révolution algérienne invincible.
Le gouvernement français, dans sa recherche actuelle d’une solution politique devenue inévitable, veut encore voler sa victoire au peuple algérien en poursuivant la pratique insensée de manœuvres grossières, vouées dès maintenant à un échec retentissant.
L’essentiel de ces manœuvres consiste à tenter d’isoler même partiellement le FLN en portant atteinte à l’unanimité nationale anticolonialiste désormais indestructible.
Vous n’ignorez pas, chers compatriotes, que le FLN, inspiré par une foi patriotique élevée et lucide, a déjà réussi à ruiner la diabolique politique de division qui s’est traduite dernièrement par le boycottage de nos frères commerçants mozabites, et qui devait s’étendre à l’ensemble des commerçants israélites.
Cette double tentative que nous avons étouffée dans l’ouf était, comme par le passé, ourdie par la haute administration et mise en application par une poignée d’aventuriers escrocs au service de la police.
Les policiers mouchards et contre-terroristes assassins ont été exécutés non en raison de leur confession religieuse, mais uniquement parce qu’ennemis du peuple.
Le FLN, représentant authentique et exclusif du peuple algérien, considère qu’il est aujourd’hui de son devoir de s’adresser directement à la communauté israélite pour lui demander d’affirmer d’une façon solennelle son appartenance à la nation algérienne.
Ce choix clairement affirmé dissipera tous les malentendus et extirpera les germes de la haine entretenus par le colonialisme français. Il contribuera en outre à recréer la fraternité algérienne brisée par l’avènement du colonialisme français.
Depuis la Révolution du 1er Novembre 1954, la communauté israélite d’Algérie, inquiète de son sort et de son avenir, a été sujette à des fluctuations politiques diverses.
Au dernier congrès mondial juif de Londres, les délégués algériens, contrairement à leurs coreligionnaires de Tunisie et du Maroc, se sont prononcés, à notre grand regret, pour la citoyenneté française.
Ce n’est qu’après les troubles colonialo-fascistes du 6 février, au cours desquels ont réapparu les slogans anti-juifs, que la communauté israélite s’est orientée vers une attitude neutraliste.
Par la suite, à Alger notamment, un groupe d’Israélites de toutes conditions a eu le courage d’entreprendre une action nettement anticolonialiste, en affirmant son choix raisonné et définitif pour la nationalité algérienne.
Ceux-là n’ont pas oublié les troubles anti-juifs colonialo-racistes qui, sporadiquement, se sont poursuivis en pogroms sanglants jusqu’au régime infâme de Vichy.
La communauté israélite se doit de méditer sur la condition terrible que lui ont réservée Pétain et la grosse colonisation : privation de la nationalité française, lois et décrets d’exception, spoliations, humiliations, emprisonnements, fours crématoires, etc.
Avec le mouvement Poujade et le réveil du fascisme qui menace, les juifs risquent de connaître de nouveau, malgré leur citoyenneté française, le sort qu’ils ont subi sous Vichy.
Sans vouloir remonter bien loin dans l’histoire, il nous semble malgré tout utile de rappeler l’époque où, en France, les juifs, moins considérés que les animaux, n’avaient même pas le droit d’enterrer leurs morts, ces derniers étant enfouis clandestinement la nuit n’importe où, en raison de l’interdiction absolue pour les juifs de posséder le moindre cimetière.
Exactement à la même époque, l’Algérie était le refuge et la terre de liberté pour tous les Israélites qui fuyaient les inhumaines persécutions de l’inquisition.
Exactement à la même époque, la communauté israélite avait la fierté d’offrir à sa patrie algérienne non seulement des poètes, des commerçants, des artistes, des juristes, mais aussi des consuls et des ministres.
Si le peuple algérien a regretté votre silence, il a apprécié la prise de position anticolonialiste des prêtres catholiques, comme ceux notamment des zones de guerre de Montagnac et de Souk-Ahras, et même de l’archevêché qui, pourtant, dans un passé récent, s’identifiait encore à l’oppression coloniale.
C’est parce que le FLN considère les Israélites algériens comme les fils de notre patrie qu’il espère que les dirigeants de la communauté juive auront la sagesse de contribuer à l’édification d’une Algérie libre et véritablement fraternelle.
Le FLN est convaincu que les responsables comprendront qu’il est de leur devoir et de l’intérêt bien compris de toute la communauté israélite de ne plus demeurer «au-dessus de la mêlée», de condamner sans rémission le régime colonial français agonisant, et de proclamer leur option pour la nationalité algérienne.
Salutations patriotiques.
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Moi Naïm, 24 ans, futur rabbin d’Algérie
http://algerie.actudz.com/article3029.html, vendredi 13 juillet 2012.
L’Algérie, pour laquelle ils ont participé à la libération, est leur patrie. Avec les Algériens, ils partagent tout à l’exception de… la religion. Eux, ce sont les juifs d’Algérie. Aujourd’hui, ils continuent encore de se cacher pour mieux vivre. Portrait d’un jeune qui a choisi de sortir de son silence.
Je n’ai que 24 ans. Mais j’ai déjà passé l’essentiel de ma vie à me cacher. A cacher mon secret, celui de ma famille, de mes semblables. Je suis Algérien. Avec mes concitoyens, je partage le ciel, la mer, la terre, les joies et les tristesses. Mais pas la religion. Aujourd’hui, après des études de droit, je pars à l’étranger pour intégrer une école hébraïque afin d’approfondir mes connaissances et me spécialiser dans l’étude du culte nord-africain et du judaïsme algérien en particulier. Je voudrais devenir le futur rabbin d’Algérie pour qu’enfin, un jour, nous puissions célébrer la foi en hachem sur cette terre, en liberté, dans la sérénité et dans le partage, en respectant les lois de la République et du vivre-ensemble.
Je m’appelle Naïm et je suis juif toshavim. Je suis né un certain été 1988 à Alger. Il faisait beau. Rien n’indiquait que l’automne allait prendre un dramatique tournant dans la vie tourmentée de mon pays. Malgré cela, ma famille a toujours refusé de quitter l’Algérie et est restée liée à son histoire depuis des siècles. En 1962, alors que de nombreux juifs partaient dans la précipitation, emportés par les bruits qui couraient selon lesquels les juifs seraient tous « massacrés », mon grand-père décida de rester. « Ici, c’est notre terre. Elle a vu naître tes parents et tes aïeuls et nous n’avons nulle part où aller », répétait-il à chaque discussion.
Mes parents étaient bien tentés de faire leur alya en Israël, mais mon grand-père les en a dissuadés. « En 1963, Israël avait interdit aux Algériens de faire l’alya comme les autres juifs du monde. Le procès intenté au judaïsme algérien et aux juifs d’Algérie en 1963 à Jérusalem était une honte et un mépris envers nous. Sous prétexte que nous n’avons pas fait l’alya en masse et que nous étions particuliers. Mais nous sommes fiers d’être ce que nous sommes. Il ne faut rien espérer des autres. Faisons confiance à nos frères algériens. Promets-moi de rester ici coûte que coûte, mon fils », disait-il à mon père.
Engagement
Mon grand-père, à l’époque commerçant à Znikat Laârayass dans La Basse Casbah, aidait ses frères moudjahidine. Son frère s’était même engagé dans l’Armée de libération nationale. C’est un chahid. Aujourd’hui encore, les vieux et les vieilles de La Casbah se souviennent de l’engagement de ma famille dans la Révolution. La France nous a causé du tort, car elle nous a assimilés puis francisés par ce sordide décret Crémieux*. « La France interdisait à nos frères juifs d’être enterrés sur son sol. Avec ce décret, elle voulait nous séparer de nos frères musulmans et nous mettre dans l’embarras », expliquait doctement mon grand-père. Il portait l’Algérie dans son cœur et ne voyait pas d’autres cieux que celui d’Alger. Il était fier d’être Algérien et n’acceptait aucune autre appellation, refusant les étiquettes « juifs d’Algérie », « juifs d’origine algérienne » ou encore « communauté israélite ou juive d’Algérie ».
Il aimait lamhadjab, zlabia et makrout. El Hadj El Anka égayait ses jours et ses soirées. Le chaâbi était sa musique favorite et Edmond Yafil, un de ses grands amis. Mon père, lui, était un homme discret qui avait tout le temps peur.
C’était un fonctionnaire ambitieux qui, malheureusement, fut écarté des hautes fonctions de l’Etat à cause de son appartenance juive, découverte après de longues enquêtes d’éligibilité faites par les services de sécurité. Il ne nous a rien appris du halakha. Je me souviendrai toujours de cette anecdote. J’avais 6 ans et un jour que je l’accompagnais à la pêcherie, nous sommes passés devant la grande mosquée de Sahat Echouhada. Des barbus étaient en train de manifester devant la grande mosquée. Je contemplais cette magnifique mosquée blanche, ses ornements, quand soudain, j’aperçus des étoiles à six branches : « Regarde cette étoile, elle est bizarre, elle a six branches !, elle ressemble à celle accrochée au mur de ta chambre ! » « Un jour, tu comprendras, mon fils ! », me lança mon père, le regard fuyant, après un long moment de silence.
Pas comme les autres
Je me souviens de l’école, des premières leçons d’alphabet arabe. Puis des cours d’éducation islamique. Nous commencions à réciter Echahada et la Fatiha. Quelque chose d’inhabituel à mes oreilles. La tonalité était la même, mais les mots étaient différents de ceux que ma mère utilisait pour prier le soir ou le jour de shabbat. Le soir, à table, ma mère me sentit perturbé. Elle me posa des questions, mais je ne pus rien lui dire. J’attendais le moment où je la verrai s’asseoir et prier devant une bougie. C’est à ce moment-là que je compris que ma mère ne récitait pas le Coran et parlait bien une autre langue que l’arabe. Elle faisait son dafayoumi. Devant mon silence obstiné, me croyant hanté par un esprit, elle décida de me soigner avec la parole de Dieu. Elle récita des dafa et jeta de l’eau partout jusqu’à ce que je craque et que je lui raconte : « A l’école, nous avons appris le Coran et comment faire la prière. Mais je t’ai observée et tu ne faisais pas ce qu’on nous dit de faire à l’école ! » Elle resta stupéfaite puis éclata en sanglots : « Nous ne sommes pas comme les autres ! Nous sommes juifs, mon fils ! Que Dieu te protège ! »
La mise en garde
De la petite fenêtre de ma chambre, je contemplais le ciel. Chema Béni Israël, Adonai Elohenou, Adonaie’had (peuple d’Israël : Adonai est notre seul dieu, Adonai est un). C’est notre echahada, à nous, les juifs. Je me suis mis à prier Dieu aux côtés de ma mère. La foi est devenue la priorité de mon existence. Ma mère avait pris le soin de me mettre en garde : je ne devais jamais révéler mon appartenance religieuse. Surtout en cette période. Le 23 janvier 1994, mon oncle maternel nous rendit visite pour nous annoncer le meurtre de Raymond Louzoum. Un opticien juif d’origine tunisienne de l’actuelle rue Didouche Mourad, lâchement assassiné en face de la librairie des Beaux-Arts. Mon père rentra précipitamment de son travail. Il passa la soirée à discuter avec ma mère. Je l’entendais crier : « Non ! Je reste ici ! Je n’irai nulle part ailleurs ! »
Mon oncle revint quelques jours plus tard et m’emmena à la synagogue. Enfin, disons plutôt un local aménagé en lieu de prière. Pendant les années 1990, les juifs d’Algérie étaient obligés de se faire encore plus discrets. C’était risqué en cette période sanglante de l’Algérie. Nous avions l’habitude de prier dans une petite mosquée où l’imam nous avait permis de le faire pour shabbat. J’appris quelques années plus tard que les autorités étaient au courant et qu’elles surveillaient les lieux pour notre sécurité. Nous n’étions pas nombreux et étions dépourvus des accessoires nécessaires à notre office. Mon oncle m’initiait et m’enseignait la tradition juive selon le rite des grands rabbins algériens.
Protection
Le 22 janvier 2005, l’avocat Joseph Belaïche fut assassiné. Alger devint morose. Les nouvelles d’assassinats d’intellectuels, de journalistes et d’artistes nous parvenaient chaque jour. Mon oncle reçut la visite de terroristes à son domicile, à Saint-Eugène, qui lui demandèrent de payer la fidya. « Et nous te laisserons tranquille », ne cessaient-ils de lui dire. A force de pression, malgré la résistance de ma mère, nous avons fini par quitter Alger pour Oran. Des gens que je ne connaissais pas étaient venus à la maison pour discuter avec mon père. Mon oncle me révéla quelques années plus tard qu’il s’agissait des autorités sécuritaires. Elles nous avaient conseillé de quitter Alger et de dire aux voisins que nous partions pour l’étranger. D’après mon oncle, les autorités ne voulaient justement pas de ce scénario.
« Ils ne veulent pas voir les juifs quitter massivement leur pays. Ils se soucient de notre situation et font tout pour nous protéger », me confiait-il.
Cet été-là, nous nous sommes donc installés dans un nouvel appartement en plein centre d’Oran. Je découvris alors combien nous formions une grande communauté ! Le reste de ma famille nous avait suivi. Les consignes restaient les mêmes : nous ne devions rien dévoiler. Après un détachement, mon père fut embauché dans l’administration locale. Ma mère, quant à elle, ne sortait plus, sauf pour rendre visite à la famille et aux amis. Nous avons passé beaucoup de temps à Beni Saf, où mon oncle possédait une maison en bord de mer. Chez lui, on faisait shabbat et j’assistai à ma première hayloula. Un moment magique et plein d’émotion. Ma mère me disait : « Ce sont nos traditions, nous devons les vivre pleinement et tu dois les perpétuer à la gloire de Dieu. »
A la maison, nous parlions l’arabe et le français à force de fréquenter la « communauté » où mon oncle était un des animateurs. Oran était un havre de paix. J’apprenais l’hébreu dans une école clandestine, puis le judéo-arabe, si bizarre et si poétique, puis la Torah. Je vivais alors pleinement ma judaïté. Mais entre mes parents, les tensions étaient de plus en plus visibles. Le doute prit le dessus. Ils se séparèrent et mon père se convertit à l’islam. A la rentrée, je repris le chemin de l’école avec le sentiment d’avoir été abandonné par mon père. Il m’avait caché que j’étais juif.
Conversion
Je peux comprendre, mais il a trahi la halakha. A l’école, il m’était difficile de faire face à tant de haine, de mépris et à la négation de tout ce qui est juif. J’appris le Coran malgré moi, même si je respecte cette religion et son enseignement divin, ses valeurs de tolérance et de cohabitation entre les peuples. Mais l’école algérienne forme des xénophobes, des antisémites. Combien de fois ai-je entendu : « Les juifs sont honnis par Dieu. » Ils sont « mauvais », « mécréants », « hypocrites », « sales ». « C’est une épreuve parmi d’autres, un sacrifice mon fils », me disait ma mère, qui a toujours été d’un grand soutien. Elle respectait beaucoup ses concitoyens et vivait pleinement son algérianité.
Un jour, j’ai osé avouer à un camarade de classe ma religion, mais il ne m’a pas pris au sérieux. Pour lui, il était inconcevable que je sois juif. Grâce à ma foi en hachem, j’ai pu passer bien des épreuves, car je continuais, le soir, à fréquenter l’école hébraïque. En réalité, à l’image de la synagogue, cette école avait été ouverte « clandestinement » par le descendant d’une famille de rabbins d’Algérie. On entrait dans ce garage aménagé par une porte discrète située dans une impasse. Un membre de notre communauté faisait le guet et surveillait les lieux. Nos réunions ressemblaient aux réunions secrètes de certaines confréries !
« Nous devons nous protéger. Nous n’agissons pas en secret, mais la situation du pays ne nous permet pas de nous exposer. Il y a trop de dangers. Restez toujours éveillés et discrets », répétait sans cesse notre prof. En 1999, lorsque le président Bouteflika a été élu, un clin d’œil dans son discours a redonné espoir aux juifs d’Algérie.
Réunions secrètes
Tante Sarah, Enrico, des hommes d’affaires… allaient enfin pouvoir revenir. Je me souviens avoir vu ma mère pleurer et avoir prié pour que Bouteflika soit béni. Et puis le rêve tourna au cauchemar. Après une campagne haineuse dirigée à notre encontre, Bouteflika fit marche arrière sous les pressions. Nous avons continué à garder le silence, à prier en cachette et à accepter des compromis parfois contraires à notre religion. Comme ce jour où j’ai assisté aux funérailles d’un « vieux » de notre communauté. Discrétion oblige, la dépouille fut amenée la nuit, au cimetière de Tlemcen, dans une ambulance accompagnée d’un fourgon de police, contraire à la tradition juive.
Cet homme, qui a longtemps soutenu la lutte de Libération nationale, méritait mieux que cela. Cette scène restera gravée à jamais dans ma mémoire. Quand internet est arrivé à la maison, toutes mes premières recherches concernaient l’histoire des juifs d’Afrique du Nord. Je découvris la spécificité du judaïsme algérien, ses pratiques, ses particularités. Je me suis abonné aux cours de paracha, à l’enseignement de la sefer torah. Le site zlabia.com (site officiel de la communauté juive algérienne en Algérie et à l’étranger) me compte parmi les éléments les plus actifs. Je me suis fait plein d’amis juifs en Algérie et à l’étranger, à qui, aujourd’hui toujours, je dis combien je crois en mon pays, pour lequel je nourris beaucoup d’espoir et d’ambition. Je prie hachem matin et soir pour que l’Algérie reconnaisse enfin ses enfants, sa pluralité. Pour qu’elle respecte, comme elle l’a toujours fait, ses minorités, sans distinction. L’Algérie appartient à tous les Algériens. Amen.
*En 1870, le décret Crémieux accorde d’office la citoyenneté française à 35 000 juifs d’Algérie. Dans la foulée, les colons originaires d’Europe sont aussi francisés. Les musulmans d’Algérie sont maintenus dans leur statut d’indigène.
Zouheir Aït Mouhoub – EL WATAN