« Lorsque les impérialistes comprirent que le maintien de la monarchie risque de provoquer une révolution, ils commencèrent à «lâcher» le Shah, sous couvert de préoccupations démocratiques », écrit le journal Riposte, le 3 mars 2009.
Incontestablement, c’est ce qu’on appelle le paradoxe des démocraties occidentales. Bien que les responsables des grandes démocraties se soumettent volontiers, chez eux bien évidemment, au contrôle du peuple, en dehors de leurs frontières, leur logique de profit prend largement le dessus sur le respect des peuples. En effet, pour peu que le dictateur, en charge des affaires d’un pays, leur garantisse l’exploitation des matières premières, ils sont prêts à pactiser avec le diable.
Dans certains cas, ils n’hésitent pas à intervenir directement dans les affaires des autres pays pour imposer leur protégé. «En 1951, Mossadegh, le chef d’un parti nationaliste, le Front national, devient premier ministre. Il reçoit le soutien du clergé chiite et, appuyé par les sentiments nationaux du peuple, il procède à la nationalisation du pétrole. Un complot monté en commun par les États-Unis et la Grande-Bretagne, l’opération Ajax, aboutit au blocus de la production pétrolière. Le chef des ayatollahs lâche Mossadegh qui est renversé et jeté en prison. Le pétrole est privatisé. Les compagnies US peuvent prendre pieds en Iran en démantelant le monopole de la compagnie britannique exerçait avant la nationalisation », écrit Denis Collin, dans « la chute du Shah. Révolution et contre révolution. » Indubitablement, les peuples du « tiers monde » sont soumis à un double rideau de fer.
Mais, quand le peuple se sent humilié, sa réaction peut transcender toutes les embûches. Bien que la dictature, imposée par le Shah, soit terrible, la mobilisation du peuple iranien s’avère plus redoutable que la terreur du régime inique. « Les leaders des différents mouvements tant libéraux que marxistes ou religieux se rendirent compte qu’ils n’avaient pas les moyens, individuellement, d’encadrer un mouvement populaire aussi massif et déterminé. L’improbable alliance religieux-marxistes-libéraux se renforcera donc encore de plus belle », lit-on dans le même article de Riposte. Ainsi, malgré le déploiement d’un arsenal répressif, le régime iranien, incarné par le Shah, cède devant la détermination des Iraniens. Bien que les ayatollahs détournent la révolution ensuite de son itinéraire initial, force est d’admettre que le peuple iranien a accompli son devoir en mettant fin au règne tyrannique du Shah.
En Algérie, seule celle de 1954-1962 peut être considérée comme une réelle révolution. Toutes les tentatives, durant la période postindépendance, ont échoué. En ce sens, ceux qui assimilent les événements d’octobre 1988 à une révolution se trompent lourdement. Bien que le tribut payé par les Algériens soit au même niveau que les sacrifices consentis par les révolutionnaires des pays où il y a eu le changement de système, force est de reconnaître que le régime algérien a court-circuité le mouvement. Par ailleurs, bien qu’il ait lâché du lest en accordant quelques réformes, les dirigeants algériens vont peu-à-peu revenir sur ces acquis. Aujourd’hui, quinze ans après le règne de Bouteflika, on peut affirmer que la situation politique est en perpétuelle dégradation. En tout cas, celle-ci est semblable à la période précédant le simulacre d’ouverture démocratique.
Partant, au risque de contredire ceux qui voient que la solution de la crise algérienne doit être faite en concertation avec le régime en place sont des utopistes. Et ce, à moins que l’on ne veuille pas tirer les enseignements d’octobre 1988. Car, dans ce cas, le régime, en se sentant menacé, va jouer toutes ses cartes en vue de détourner le mouvement. « Le Shah, néanmoins, tenta une ultime fois de rétablir une situation pourtant désespérée. Il entreprit des consultations afin de construire un gouvernement d’ouverture. Pour convaincre de sa bonne foi, il fit dissoudre le parti unique Rastakhiz, et emprisonner le directeur de la terrifiante SAVAK (l’équivalent du DRS algérien). Il alla même jusqu’à faire emprisonner son ami, l’ancien Premier ministre Amir-Abbas Hoveyda », lit-on sur un site internat traitant de la révolution iranienne. Ce revirement du Shah explique à quel point les tyrans résiste jusqu’à l’ultime seconde en vue de sauver leurs privilèges.
Dans le cas algérien, force est reconnaître que les mouvements de contestation sont rarement coordonnés. Et quand il y a un mouvement embryonnaire, tel que le projet de sortie de crise élaboré par les opposants algériens à Sant-Egidio, les premiers à combattre ce projet ce sont les soi-disant opposants. Le régime n’a qu’à s’appuyer ensuite sur sa clientèle pour justifier son refus de se mettre autour d’une table en vue de négocier une issue à la crise politique algérienne. De la même manière, à chaque fois que des acteurs politiques sérieux, à l’instar de Hocine Ait Ahmed ou d’Abdelhamid Mehri, évoquent la nécessité d’un large rassemblement, les faux opposants mettent en avant l’exemple iranien. En d’autres termes, il ne peut pas y avoir d’alliance entre Algériens pour la simple raison que la révolution pourrait subir le même sort qu’en Iran. Du coup, par l’acharnement des éradicateurs, l’Algérie est condamnée à avoir des dirigeants insultants comme Sellal et Benyounes ou des impotents comme Bouteflika.
Pour conclure, il va de soi qu’il ne s’agit pas de copier un modèle. Chaque peuple a ses spécificités. Les Algériens sont assez grands pour choisir le modèle leur convenant. Ce qu’ils n’ont pas le droit de faire en revanche, c’est de rester bras croisés. Et si jamais ils ne font rien dans les brefs délais, l’avenir de notre pays sera sérieusement compromis. Dans ce cas, il ne faudrait pas pleurnicher.
Boubekeur Ait Benali
22 mars 2014