Comment peut-on juger la solidité d’un parti? La force d’un parti réside surtout dans sa promptitude à réagir aux événements. En effet, il y a quinze ans, suite à la démission du chef de l’État, Liamine Zeroual, la direction du FFS de l’époque lui adresse illico un mémorandum dans lequel les rédacteurs n’épargnent pas les intrigues du régime. Bien que le général Zeroual ait voulu faire de ce retrait un exercice démocratique [c’est pour permettre l’alternance au pouvoir, dit-il, qu’il écourte son mandat], les observateurs avisés savent qu’il n’en est rien. En tout cas, pour le FFS, celui qui a été installé au pouvoir, en 1994, par l’armée ne peut pas contrarier le système en restituant le pouvoir à son dépositaire, c’est-à-dire le peuple algérien.
De toute évidence, le FFS n’a pas attendu la démission du chef de l’État pour prendre les initiatives politiques. Depuis 1992, le FFS « n’a cessé de prévenir sur les dangers liés à la poursuite de l’option résolument sécuritaire qui fait l’impasse sur une solution politique, pacifique, démocratique et globale de la crise », lit-on dans le mémorandum du 30 septembre 1998. Or, jusque-là, au nom des intérêts occultes, le régime a toujours tourné le dos à aux solutions pacifiques. Et leur grenouillage politique a été couronné par une victoire à l’élection présidentielle du 15 novembre 1995 où le pouvoir algérien a rejeté définitivement les solutions négociées. Bien évidemment, « le FFS a dénoncé cet enchainement d’arbitraire, de déni, d’exclusion et de détournement de la volonté populaire », font-ils remarquer les rédacteurs du mémorandum.
Cependant, bien que les clans paraissent unis autour du noyau dur du régime, cette solidité ne se manifeste en fin de compte que pour saper les initiatives émanant de la société. Dans un article, coécrit par Dominique Lagarde et Baki Mina, publié le 17 septembre 1998, soit une semaine après le fameux discours de Zeroual, les deux journalistes écrivent : « Il y a quelques semaines, selon une bonne source, le général Lamari et le général Mohamed Mediene, le patron de la sécurité militaire, avaient même sommé le président Zeroual de limoger Betchine [son conseiller et ami]. Le chef de l’État jugeait, dit-on, ces pressions de plus en plus insupportables. » Dans le mémorandum déjà cité, les FFS met ces intrigue en exergue.
Mais, que faut-il faire ? Pour être à la hauteur des événements, le parti qui veut ouvrir sa bouche doit avoir dans ses rangs un homme d’une grande probité, à l’instar de Hocine Ait Ahmed. En fait, considérant que le peuple algérien est la première victime de ces règlements de compte, Hocine Ait Ahmed appelle tous les acteurs politiques à « assumer pleinement leur responsabilité devant l’histoire. » Dans le même temps, il demande « au président Zeroual d’ouvrir un dialogue franc et transparent avec toutes les forces politiques qui rejettent la violence et le terrorisme, à l’exception des groupes armés, pour réaliser le consensus politique et social le plus large possible autour d’une issue politique, pacifique et globale de la crise. »
En somme, après avoir exposé ce point de vue à Liamine Zeroual [il y aurait même eu, dit-on, une rencontre entre les deux hommes], où ce dernier s’est engagé à veiller personnellement au bon déroulement des élections anticipées d’avril 1999, Hocine Ait Ahmed décide de participer au scrutin. Toutefois, tout en se lançant dans la bataille électorale, il avertit qu’au premier dépassement, il n’hésitera pas à dénoncer le complot. Hélas, au fur et à mesure que la campagne électorale avance, le régime se sent en danger. Pour mettre encore une fois fin aux espoirs démocratiques, le régime favorise son candidat, Abdelaziz Bouteflika.
Enfin, contrairement aux élections de novembre 1995 où les lièvres ont joué leur rôle jusqu’au bout, en avril 1999, le régime est contrarié par l’autonomie des six candidats. Et s’il y a un enseignement à tirer de cette participation, c’est que le FFS n’hésite pas à venir au secours de l’Algérie en danger, mais il n’accepte pas qu’on l’utilise comme rampe de lancement. Pour s’affirmer ainsi, il n’y a pas beaucoup d’hommes politiques en Algérie qui soient capables d’être attentifs à la situation qui menace le pays et ne pas tolérer le moindre dépassement. Parmi ce groupe infinitésimal d’hommes politiques, Hocine Ait Ahmed occupe certainement la première place.
Boubekeur Ait Benali
30 septembre 2013