Quelles sont les « faveurs » visées par la campagne de récupération de la tragédie américaine qui agite actuellement les milieux éradicateurs dans les médias et la diplomatie au service du putschisme ? Quels sont les argumentaires déployés par les opportunistes qui l’animent ?
Le texte présenté ci-dessous n’est pas une analyse sécuritaire, politique, idéologique ou psychologique des actes de terreur commis aux Etats-Unis, de leurs significations, causes ou conséquences. Il se circonscrit aux réactions internationales.
Plus précisément, il s’en tient à l’analyse de certains discours politique en réactions à la tragédie américaine, en particulier à l’appropriation de cette tragédie par la rhétorique éradicatrice. Ce texte propose aussi quelques observations comparatives entre les discours éradicateurs Algérien et Israélien.
Ce texte est structuré en réponse aux deux questions ci-dessus.
1. Que vise la campagne de récupération ?
On recense 4 buts principaux dans cette campagne : Légitimer le coup d’Etat de janvier 1992, légitimer le rétablissement de la toute-éradication, mobiliser le soutien international pour l’éradication du FIS, et disculper les responsables de crimes contre l’humanité en Algérie. Ils sont exposés ci-dessous à tour de rôle.
1.a. Légitimer le coup d’Etat de janvier 1992
Péché fondateur irrémissible, véritable syndrome du wounded knee, le coup d’Etat hante toujours – par affirmation, négation ou occultation – les paroles des éradicateurs algériens.
« Réalise-t-on ce qu’il serait advenu de l’Algérie aujourd’hui si le FIS avait pris le pouvoir en 1991 ? Une base des Talibans. Mais c’est tellement shocking […] ! »[6] jubile le folliculaire Mohamed Benchicou. Abdelhak Brerhi, démagogue vénal qui a fait le perroquet de tous les régimes, légitime ses contrôleurs militaires du moment ainsi: « Certains pays […] n’ont-ils pas condamné l’arrêt du processus électoral qui nous aurait mené à terme tout droit vers un Etat théocratique moyenâgeux, celui-la même qui pourrait abriter des commanditaires d’actes barbares comme ceux du 11 septembre ? »[7] Même le fugitif recherché par le droit pénal international pour crime contre l’humanité, Khaled Nezzar, profite de l’« aubaine » pour s’absoudre. Ses crimes, nous dit-il, ont sauvé l’Algérie de « devenir un Etat islamique » et de « servir de laboratoire pour les Etats arabes et musulmans. » Le génocideur en fuite ajoute : « Dire également que les maquis algériens se sont constitués parce que nous avons privé le FIS de sa victoire est une hérésie. »[8]
La logique considère les propositions contre-factuelles comme non-fonctionnelles de vérité, mais dans son exaltation jubilante Benchicou ne voit pas la contraposée logique de son affirmation : si le FIS avait pris le pouvoir il n’y aurait pas eu 180 000 morts, des dizaines de milliers de prisonniers politiques, autant de torturés, 17 000 disparus, plus d’un million de déplacés à l’intérieur, un demi-million de réfugiés et d’exilés à l’étranger, 40 milliards de dettes, $ 8 milliards de dépenses répressives, l’éradication de la classe moyenne, 14 millions de pauvres, l’explosion de l’analphabétisme, de la malnutrition, de la promiscuité, des maladies, de la prostitution, de la toxicomanie, des divorces et des suicides, tout cela dans un climat de recul de toutes les libertés et de perte de souveraineté nationale, le tout policé par presque un million d’hommes armés dont un demi-million de miliciens.
Le raisonnement contre-factuel, qu’il soit indicatif ou conditionnel, ne prouve rien mais les obscurantistes qui se fardent de rationalité pour défendre le terrorisme d’Etat n’en ont cure.
Inutile de rappeler au vénal Brerhi que sa république barbare abrite déjà Hadj Smain Lamari qui, comme l’a indiqué le colonel Samraoui, a exprimé l’intention de purifier l’Algérie de 3 millions de ses citoyens, qui a fait assassiner un chef d’Etat et a commandité à ses Groupes Infiltrés de l’Armée (GIA) plein d’attentats barbares à Paris pour s’assurer le soutien indéfectible d’une France apeurée. Faut-il aussi lui rappeler les massacres barbares de Bentalha, Beni-Messous, Sidi-Hamed, Relizane et les centaines d’autres commandités par ses contrôleurs militaires pour « priver le poisson d’eau »? Brerhi a sûrement entendu parler de la recherche de la vérité, non par les commissions d’enquêtes expertes internationales, mais par la torture au chalumeau, au chiffon, à l’électricité et par le viol et il sait, comme l’a rapporté Souaidia, que le chef d’Etat major de l’armée de sa république moderne reçoit des têtes et des oreilles humaines sur son bureau. Excepté la technologie associée à la gégène et au chalumeau, tout le moyenâge y est.
Quant à Nezzar, il semble oublier qu’après le coup d’Etat qu’il a dirigé, l’Algérie est devenue non seulement un laboratoire pour des ex-sergents de l’armée coloniale plutôt traîtres et abrutis, pour des brigands d’Etat, pour le FMI et pour des régimes arabes coupés de leurs peuples, mais aussi un atelier pour des experts militaires en stratégie contre-insurrectionelle, en massacres, en disparitions, en torture et en technologie de contrôle politique ainsi qu’un turf pour des multinationales de guerre déployant des mercenaires français, américains, israéliens, sud-africains et ukrainiens venus offrir, pour quelques poignées de pétrodollars ou des actions dans les compagnies de pétrole et de gaz, leurs « conseils et services militaires et sécuritaires », c’est à dire pour assister la brutalisation et le pillage du peuple algérien. Le vieilâgeux Nezzar s’évade de la réalité comme il le fait de la justice, parce qu’invertir, comme il le fait, la relation causale entre son coup d’Etat et la population des maquis, puis assigner l’hérésie à celui qui en doute, en dit long sur l’autisme dans lequel il a sombré.
1.b. Légitimer le rétablissement de la toute-éradication
On note aussi que la récupération des évènements tragiques en Amérique vise le rétablissement de la toute-éradication en deux temps : i) saborder la « concorde civile de Bouteflika » puis ii) intensifier la guerre éradicatrice. On va le voir, quand on examine la presse israélienne on remarque des similitudes frappantes avec cette forme de récupération. On observe que les faucons du Likoud israélien ont eux aussi instrumentalisé les attaques aux USA pour i) saborder l’autorité palestinienne et ii) intensifier l’agression contre les Palestiniens.
Oulebsir, éditorialiste du Matin, hurle : « La concorde civile de Bouteflika vient d’être ensevelie sous les gravats du World Trade Center. […] La concorde avec l’islamisme a mérité son sort. »[9] Son camarade dans le fascisme militariste, Mokhtari, lui clame : « L’Algérie officielle ne peut intégrer la coalition à l’ombre de la concorde nationale. Si elle ne s’en défait pas, l’alliance de ce ‘Seif El Hadjadj’ dans la lutte internationale du terrorisme, là où il se trouve, sera, comme il le reste présentement, l’infaillible allié des islamistes. »[10] Le directeur général de la Torture Nationale, colonel Tounsi, lui établit « un constat d’échec de la concorde par le seul fait que les GIA ont été formés en Afghanistan, à l’école terroriste de Ben Laden. »[11] Youcef Rezzoug, aux ordres d’un chaouche connu de la DRS, s’esclaffe que Bouteflika est « soutenu par les Taliban » qui « considéraient la concorde civile halal (licite) »[12], pour suggérer – par répulsion sans doute vu la personnalité aliénée de cet excité – que la concorde est devenue haram (illicite), probablement suite à une nouvelle fatwa de Mollah Hadj Smain. Le petit clerc du fascisme, Benchicou, lui exploite les attentats en accusant Bouteflika d’avoir « pactisé avec le GIA »[13] et de « vouloir sauver le GIA et le GSPC de la foudre de George W. Bush » avec « une ardeur qui rappelle celle des grandes campagnes d’évangélisation des tribus sauvages. »[14] Le vénal Brerhi lui, en mission commandée, sonne l’hallali : « Le Président algérien s'est contenté d'un message de condoléances et de solidarité adressé au Président américain. Est-ce le fait de sa compromission de plus en plus affirmée avec l'islamisme intégriste qui ne lui permettait pas de s'adresser directement à son peuple pour condamner avec force le terrorisme et pour appeler à une lutte sans merci contre ce fléau avec l'aide internationale? Le Président algérien qui, du compromis tactique a poussé à la compromission stratégique avec l'islamisme, aura-t-il le courage de faire son mea-culpa et reconnaître la faillite de sa démarche réconciliatrice chimérique et suicidaire? Aura-t-il la force de sortir de son fourreau le fameux Seif El Hadjadj tant de fois brandi? »[15]