C’est le 30 juin que je signais le texte ci-dessus intitulé « Immoralité internationale », pour lequel j’ai reçu beaucoup d’encouragement, y compris de Juifs, parmi lesquels un rabbin. Plus de deux semaines plus tard, la situation ne cesse de s’aggraver, l’État d’Israël ayant entrepris une destruction systématique non seulement de Gaza et du reste des territoires palestiniens, mais du Liban.
Quelques voix courageuses se sont élevées, comme celle du prix Nobel argentin, Adolfo Pérez Esquivel, depuis toujours un grand supporteur de la cause juive mais se voyant obligé de considérer désormais l’Était d’Israël comme un état terroriste. Les grandes puissances occidentales restent cependant inactives devant cette orgie de violence démentielle, et très ambigües dans leurs condamnations embarrassées, proférées du bout des lèvres.
Pendant que les chefs d’État du G8 réunis à Saint Petersburg offrent à la presse quelques vagues déclarations invitant toutes les parties en cause à la « retenue », selon la ridicule expression classique devenue incontournable, et que les analystes de tous bords s’en donnent à qui mieux mieux dans la répartition des torts historiques, je me permets de signaler quelques données qui, pour moi, sont devenues des évidences :
a) Depuis la déclaration unilatérale d’indépendance de l’État d’Israël en 1947 et l’expulsion de millions de Palestiniens, Israël a toujours refusé la création d’un État palestinien, malgré de temps à autre l’expression de velléités en sens inverse. La destruction actuelle des infrastructures matérielles dans les territoires palestiniens et l’élimination – par assassinat ou par emprisonnement – de la classe dirigeante palestinienne s’inscrivent dans une politique menée systématiquement depuis longtemps. L’enlèvement d’un soldat juif ne fut qu’un prétexte de plus pour intensifier cette opération et s’assurer une fois pour toute qu’il n’y aura jamais d’état palestinien – en tout cas pas d’état palestinien viable et gouvernable.
b) Quelque chose dans la psychologie de ceux qui, depuis plus d’un demi-siècle, dirigent l’état d’Israël leur rend insupportable l’existence près d’Israël d’un état arabe prospère. Après avoir envahi le Liban à plusieurs reprises depuis 1947 et après l’avoir occupé et littéralement mis en ruine durant les années 80’, tuant plusieurs dizaines de milliers de citoyens libanais, Israël n’attendait qu’un prétexte – qui lui fut offert par l’enlèvement de deux soldats Israéliens par Hesbullah – pour mettre à nouveau en ruine tout le Liban, sans le moindre respect pour la population civile.
c) La nature des interventions militaires d’Israël dans les territoires palestiniens et au Liban a démontré plus clairement que jamais qu’aux yeux des dirigeants d’Israël la vie humaine n’a aucune valeur si ce n’est pas la vie d’un Juif. Tout comme d’ailleurs les USA démontrent quotidiennement en Irak comme en Afghanistan que la vie humaine n’a pas de valeur pour eux si elle n’est pas celle d’un citoyen USA. D’ailleurs les deux armées – aussi bien celle d’Israël que celle des USA – se sont toujours révélées inefficaces sur le terrain, trouvant leur supériorité dans des bombardements aériens massifs, quels qu’en puissent être les effets collatéraux catastrophiques sur les populations civiles.
d) L’équipe au pouvoir à Washington n’a jamais fait un secret de sa décision d’envahir militairement la Syrie et l’Iran avant la fin du présent mandat présidentiel. Or, l’effroyable gâchis dans lequel les militaires USA se sont enlisés en Irak (comme d’ailleurs en Afghanistan) fait que la population des USA, si efficacement anesthésiée qu’elle puisse être, supporterait difficilement une aventure militaire directe des USA en Syrie ou en Iran. Sans oublier l’approche d’une autre élection présidentielle aux USA. La présente invasion du Liban, jointe aux déclarations des militaires israéliens et à l’appui inconditionnel de George W. Bush à cette opération criminelle, semble bien indiquer assez clairement que cette invasion est une guerre américaine par proxy, incluant comme deuxième et troisième étapes sinon l’invasion de la Syrie et de l’Iran, au moins des attaques ciblées sur ces pays.
e) Le Conseil de Sécurité des Nations Unies, avec son système aberrant de véto, permettant à quelques grandes puissances de bloquer non seulement toute intervention efficace de la Communauté internationale dans des crises comme celle-ci, mais empêchant aussi toute possibilité de modification de ce système, assure à Israël une totale immunité. Les dirigeants d’Israël savent qu’ils peuvent tout se permettre et que, quelle que soit la nature du crime qu’ils pourraient commettre, toute condamnation d’un tel crime par le Conseil de Sécurité recevrait systématiquement le véto des USA !
f) Le silence assourdissant des Églises en cette crise – au-delà des appels généraux à la retenue et à la diplomatie – sera probablement jugé par l’histoire aussi sévèrement que leur silence durant la Shoah.
g) Alors que l’État d’Israël poursuit sa marche autiste vers son autodestruction, le seul espoir qui reste d’arrêter cette marche et aussi de limiter les souffrances des peuples palestinien et libanais – aussi bien que celles du peuple juif – ne peut résider dans des interventions des organismes internationaux, qui ont démontré leur totale incapacité d’intervenir efficacement en cette situation. Cet espoir ne peut résider que dans un soulèvement mondial des consciences.
Armand Veilleux
16 juillet 2006
Source : http://users.skynet.be/bs775533/Armand/wri/postcriptum.htm