Personne ne doute que ce jeune intellectuel prometteur ait été assassiné par l’armée française. Une place porte son nom au centre-ville d’Alger et le maire Bertrand Delanoë a inauguré une place à son nom en 2004 en plein coeur du 5ème arrondissement à Paris. Mais il serait politiquement inopportun de reconnaître ce dont personne ne doute aussi bien parmi les historiens que chez politiciens.
Madame Audin a saisi le président Sarkozy de l’affaire. Cela ne semble pas avoir donné de suites.
Le 19 0ctobre 1995, Bernard Borrel, un magistrat français de 39 ans, détaché à Djibouti, comme conseiller du ministre djiboutien de la Justice, disparaît. On retrouve son corps à demi carbonisé à 80 km de la ville de Djibouti. L’affaire fut vite classée comme suicide par les autorités locales appuyées par Paris. Mais personne n’y crut jamais vraiment. La veuve du jeune magistrat n’a pas cessé depuis lors de se battre pour que la lumière se fasse.
Des impératifs politiques, militaires et économiques sont en jeu. Djibouti est le site de la base militaire française la plus importante en Afrique – une partie de cette base a d’ailleurs été louée aux États-Unis depuis 2001. On apprit rapidement que Bernard Borrel, bien qu’officiellement détaché auprès du gouvernement de Djibouti pour aider à la réforme du code pénal, menait aussi une enquête sur une affaire de drogue et de vente d’armes qui impliquait celui qui allait devenir le président de Djibouti, Ismael Omar Guelleh, ainsi que des citoyens français.
Selon les témoignages recueillis par la juge d’instruction Sophie Clément, l’armée française était au courant de la mort du juge deux heures et demie avant la découverte du corps. Personne n’a jamais cru à la thèse du suicide, mais on n’a jamais voulu révéler toute la vérité, pour ne pas mettre en danger les intérêts stratégiques de la France à Djibouti.
Madame Borrel a saisi le président Sarkozy de l’affaire et celui-ci a manifesté sa volonté que la lumière se fasse sur cette affaire.
Dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 sept moines du monastère cistercien de N.D. de l’Atlas, en Algérie étaient enlevés par un groupe d’hommes armés. Ce n’est qu’un mois plus tard qu’un communiqué du GIA, adressé au président de la République Française, revendiquait cet enlèvement et proposait un échange de prisonniers. Quelques semaines plus tard, les négociations s’étant entremêlées, un deuxième communiqué annonçait que les moines avaient été décapités. Encore un peu plus tard, fin mai 1996, au moment où l’Église se préparait à célébrer les funérailles des moines, en même temps que celles du Cardinal Duval, le gouvernement produisait les têtes des sept moines qui auraient été découvertes à l’entrée de Médéa.
Le gouvernement algérien ne fit aucune enquête mais laissa se répandre la « version officielle » selon laquelle les moines auraient été enlevés et assassinés par un groupe du GIA sous la direction de Djamel Zitouni. Le gouvernement français, visiblement embarrassé par cette affaire, mais ne voulant pas compliquer ses relations avec Alger, s’en tint à cette version.
Pour quiconque s’est efforcé d’étudier un peu les événements entourant la mort des moines il devint rapidement évident que la version officielle soulevait plus de questions qu’elle n’apportait de réponse. De nombreux témoignages concordants, dont certains furent donnés au cours de procès liés aux événements de la guerre civile d’Algérie, révélèrent que le GIA était infiltré par la Sécurité Militaire algérienne avec laquelle travaillait Djamel Zitouni. Diverses informations recueillies en Algérie portèrent rapidement à penser que la Sécurité Militaire pouvait bien être impliquée dans cet enlèvement (qui n’aurait sans doute pas dû se terminer tragiquement), et qu’il y avait des chances que les services français en aient été prévenus.
Cinq ans après les événements on apprenait que des agents de la DST ainsi que Jean-Charles Marchiani, préfet du Var et depuis toujours bras droit de Charles Pasqua, avaient entrepris des négociations pour la libération des moines – négociations qui, d’après Marchiani, auraient avorté à cause de la reprise en main de l’affaire par la DGSE sous les ordres du premier ministre Alain Juppé.
Le dépôt d’une plainte contre « X » obligea la justice française à ouvrir une enquête sur cette affaire en 2003 Cette enquête, confiée au juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière ayant des liens étroits avec les services aussi bien algériens que français a évolué jusqu’ici au pas de tortue.