Les autorités françaises déclarent ne pas vouloir se
mêler des affaires algériennes. (Cf. dépêche jointe plus bas)
C’est sage. Elles ont bien raison. Cela pourrait se retourner contre elles si
elles s’avisaient de l’oublier.
Nous savons par ailleurs qu’il ne faut pas être naïf : les Français ne peuvent pas ne pas s’en mêler. A la fois directement par le château fort que représente leur ambassade sur les hauteurs d’Alger, leurs consulats et par toutes sortes d’organismes économiques et culturels. Mais aussi indirectement ; il y a plein d’Algériens qui ne demandent que ça. Evidemment, tout cela se fait discrètement car le peuple algérien est très chatouilleux sur ce chapitre.
Toutefois, il faut comprendre que c’est la règle du genre. Comment peut-il en être autrement.
Comment la France pourrait-elle ne pas intervenir dans un pays géo-stratégiquement aussi important ?
Au cœur de Méditerranée Occidentale, du Maghreb (que les pieds nickelés -que vous connaissez bien- continuent à désigner par son sobriquet colonial, « d’Afrique du nord »), mais aussi du Sahel.
Tous ces ensembles plurinationaux sont en crise, y compris l’Europe du sud, avec les problèmes grecs, franco-italiens, la gestion des flux migratoires, les difficultés espagnols, aussi bien sur le plan interne (crise gouvernementale, régionale – en Catalogne, en Andalousie ou au Pays basque) qu’externe (les médias français ne s’intéressent que marginalement -à tort bien sûr- aux liens de la péninsule ibérique avec le Maroc, l’Amérique du sud sous contrainte trumpienne. Ce qui se passe au Brésil, au Nicaragua ou au Venezuela devrait retenir toute votre attention.
L’Algérie est aussi un vaste pays riches en hommes et en matières premières variées, sans compter les paysages et le patrimoine culturel, sur lequel lorgne avec intérêt une multitude de rapaces transnationaux (des Etats-Unis à la Chine, en passant par ce qui reste des rapaces français et européens) qui voudraient bien mettre la main dessus, par exemple en favorisant l’arrivée aux manettes de pantins favorables à leurs projets.
Quitte à rejouer la carte islamiste, toujours d’actualité (cf. dès son arrivée au pouvoir, les louvoiements de Bouteflika entre amnistie et amnésie). Des barbus sans barbe se sont glissés un peu partout dans les rouages de l’Etat, notamment favorisés par l’informel.
Il y aura partout des fauves, nationaux et internationaux, avec lesquels nous ne pouvons entretenir de bons rapports que si on est capables de nous gouverner.
Mais je ne voudrai vous raconter d’histoires de fées et de sorcières mes chers compatriotes.
Ce sera très difficile.
Si vous croyez qu’il suffirait de voter de manière transparente, claire, sur la base de programmes limpides, de campagnes loyales, constitutionnellement validés, pour élire de braves députés compétents, honnêtes, contrôlés démocratiquement…. et patati et patata… les désillusions risques d’être très douloureuses.
En une quarantaine d’années l’Algérie s’est fabriquée des monstres voraces hydrocarburo-dépendants, de vrais parasites puissants, qui ont pris de mauvaises habitudes et qui se battront pied à pied pour ne pas céder un pouce de leurs intérêts. Ils ont des alliés internes et externes qui ne renonceront à rien de ce qu’ils ont et de ce qu’ils s’imaginent être leur espace vital de chasse.
Ils sont prêts à tout pour cela. Une nouvelle guerre des religions.
Une guerre avec nos voisins. Ou encore un déchirement régionaliste qui opposera les Algériens les uns aux autres en de nouvelles tragédies.
Ou alors tout à la fois.
Observez dans quel état se trouve la Libye, l’Irak, l’Afghanistan, le Yémen, la Somalie, le Soudan divisé.
Et dire que les armadas occidentales sont venues délivrer ces peuples de leurs dictateurs locaux.
Jamais Saddam Hussein, jamais M. Kadhafi, jamais Assad, jamais… n’ont détruit leur pays d’une façon aussi radicale, faits des millions de morts, poussés leurs concitoyens à fuir leur pays.
Tandis que le peuple palestinien, étranger chez lui, chassé par un régime militariste désormais ouvertement raciste, est ignoré par ce que pudiquement on appelle la « communauté internationale ».
Chacun de ces syriens, somaliens, afghans ou irakiens aurait été fondé à supplier l’Occident de ne plus vouloir son bonheur en le débarrassant de ses montres indigènes.
J’ignore comment, sans payer un prix élevé, le peuple algérien va pouvoir s’en débarrasser et établir un régime politiquement satisfaisant, économiquement aussi équitable que possible avec un Etat accepté par tous, quelle que soit la manière avec laquelle sa légitimité sera établie.
Le peuple algérien s’en fout des théories et des belles constructions que les experts étalent sur les plateaux de télévision à son intention.
L’essentiel est qu’on lui donne la possibilité de boucler honorablement ses fins de mois, que dans l’ensemble une justice ordinaire lui soit rendue, que ses enfants n’aient crainte de leur avenir et que l’image qui lui soit restituée de son pays ne lui rougit pas le front.
Cela dit, cela nous pendait au nez depuis longtemps. Les mécanismes qui nous ont permis de nous libérer en 1962 ne pouvaient, sans être perverties, et elles le furent, se perpétuer au-delà d’un délai raisonnable, aujourd’hui largement dépassé.
Comment allons-nous prendre pacifiquement notre destin en main?
Aujourd’hui, si comme vous j’espère le meilleur, je suis contraint de faire pétition d’ignorance et d’incompétence.
Je n’ai aucun mode d’emploi.
C’est normal, car ces modes d’emploi c’est l’histoire qui les fabrique, pendant que les peuples apprennent à se tenir debout.
Bonne chance à tous.
L. 04 mars 2019
La France réaffirme sa ligne sur la présidentielle en Algérie
Reuters, L. 04/03/2019 à 13:47
PARIS (Reuters) – Après un week-end marqué par de nouvelles manifestations en Algérie contre la candidature d’Abdelaziz Bouteflika, la France a réaffirmé lundi sa ligne sur l’élection présidentielle du 18 avril, souhaitant que le scrutin se « déroule dans de bonnes conditions ».
« Nous avons pris note de la candidature du président Bouteflika », a déclaré la porte-parole du Quai d’Orsay lors d’un point presse électronique. « Nous souhaitons que l’élection présidentielle se déroule dans de bonnes conditions. C’est au peuple algérien qu’il appartient de choisir ses dirigeants et de décider de son avenir. »
Face à la menace d’une déstabilisation dans un pays encore meurtri par la guerre civile contre les islamistes armés durant les années 1992-98, la France observe avec prudence la situation de crainte d’un procès en ingérence dans son ancienne colonie.
Ni l’Elysée ni Emmanuel Macron ne se sont exprimés publiquement sur ce sujet depuis le début des manifestations.
Mercredi dernier, le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a souhaité une « campagne transparente » et une élection qui réponde « aux aspirations profondes » de la population algérienne.
Dimanche, des dizaines de milliers d’Algériens sont de nouveau descendus dans les rues d’Alger et d’autres villes du pays, en réclamant qu’Abdelaziz Bouteflika, qui vient d’avoir 82 ans et très diminué physiquement depuis un accident vasculaire cérébral en 2013, renonce à briguer un cinquième mandat. Face à cette fronde sans précédent depuis son accession au pouvoir en 1999, le président algérien aurait proposé, selon la chaîne de télévision Ennahar TV, de ne pas aller au bout de son mandat et de se retirer à l’issue d’une présidentielle anticipée s’il était élu en avril prochain. (Marine Pennetier, édité par Yves Clarisse