Il y a une semaine, le FFS a perdu une de ses voix de sagesse. Indéniablement, celle de Mourad Kacer va être associée à la longue liste des militants qui ont voué leur vie pour le combat démocratique. Cela dit, bien qu’il rejoigne des militants de valeurs, à l’instar de Rabah Aissat et autres, sa disparition à fleurs d’âge en rajoute un peu à la douleur. En tout cas, que ce soit au sein de sa famille politique, le FFS, ou chez les militants de la cause démocratique, sa perte est ressentie comme une onde de choc. Cette reconnaissance est un juste retour à son engagement. Car, le guerrier de la cause démocratique n’a jamais lésiné, de son vivant, sur les efforts. Dès son jeune âge, il s’est engagé en politique. Très vite, il s’est forgé une réputation de militant infatigable.
Dans les années 1990 et 2000, Mourad Kacer jouissait d’une réputation incommensurable à la fac de Tizi Ouzou. Il n’y avait pas à l’époque un étudiant qui ne connaisse pas son nom. Déployant des efforts sans vergogne, Mourad et quelques camarades ont fait de la section estudiantine « Ali Mecili » une véritable rampe de lancement du parti. Naturellement, sa compétence l’a propulsé à des hautes responsabilités au sein du parti. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Mourad s’est acquitté avec brio de sa mission. Pour rappel, au début des années 2000, la mission consistait à éviter la dislocation de la Kabylie. Ce qui n’était pas une mince affaire.
Toutefois, bien que le but de cette note ne vise pas à remuer le coteau dans la plaie, ce n’est pas non plus une occasion de trop de rappeler que le mouvement des Arrouch –un mouvement qui a détourné la colère saine des jeunes de la région –surfait sur la vague du fascisme. Bien que quelques militants de base soient désabusés par un discours où l’exploitation du sang a été mêlée aux calculs machiavéliques des faux représentants de la région, les esprits vaillants étaient là pour déjouer le complot. Mourad Kacer a été, à cette occasion, en première ligne. Pour fermer cette parenthèse, il va de soi que le temps a donné raison à la ligne politique défendue par Mourad. Et surtout, il a contribué amplement à réduire l’influence de ce courant extrémiste.
En tout état de cause, malgré son départ aux États-Unis, cet infatigable militant n’a pas renoncé au combat. Bien que le sort se soit acharné contre lui ces dernières années, il a milité jusqu’à l’ultime round. Je pense notamment à la campagne pour les élections locales de novembre 2012. En tout cas, si je dois retenir une chose de Mourad [on a activé à des degrés différents : je suis un militant de base et lui un responsable compétent], ce sera indubitablement sa simplicité. Je retiens de Mourad son aisance à expliquer simplement les choses au militant, et ce, quel que soit son niveau. Au du moins, il disait avec des mots simples ce qu’on avait du mal à formuler
Grâce à l’avènement des réseaux sociaux, les échanges avec lui furent à chaque fois une occasion d’apprendre quelque chose. En tout cas, il a toujours répondu aux sollicitations. Après l’éclosion des printemps nord-africains, il a tout de suite mis son expérience au service de la cause du changement. De New York où il résidait en 2011, il a publié une contribution décrivant les dérives dictatoriales en Afrique en général et en Algérie en particulier. Pour lui, le contact de ces sociétés avec les puissances occidentales n’a pas permis l’instauration de la démocratie. Et pour cause ! La colonisation –un système sur lequel les Occidentaux ont voulu transmettre les valeurs universelles a été porté par des incultes –avait fait régresser les pays occupés. Après la libération de ce système ténébreux, des hommes qui pensaient comme les colons leur ont succédé. Résultat des courses : la justice sociale, les libertés et le droit de choisir librement ses représentants sont renvoyés aux calendes grecques.
Quoi qu’il en soit, malgré ces vicissitudes, les idéaux et les aspirations, selon Mourad Kacer, sont restés vivaces. « Ils se sont transmis comme une mémoire commune, d’une génération à une autre au sein de ces peuples opprimés et spoliés de leurs libertés par l’installation aux commandes de leurs Affaires de véritables gouvernements vassaux qui, au fil des temps et des renoncements, se sont avérés être de véritables reliquats, et même pire que les régimes coloniaux », argue-t-il. Ainsi, pendant plusieurs décennies –ça perdure encore –, les Occidentaux ont encouragé ces systèmes en vue d’assouvir leurs intérêts mercantilistes, et ce, au détriment des peuples aspirant à la liberté.
Dans le cas algérien, après l’éclatement des révolutions, on n’est pas obligés, écrit Mourad Kacer, de faire un parallèle avec les pays voisins pour envisager la solution à la crise algérienne. En un mot, chaque pays a ses spécificités. Pour notre cas, Mourad Kacer a proposé trois mesures. En premier lieu, il s’agissait de rétablir les libertés. Ensuite, il fallait organiser des élections libres pour « une assemblée constituante ». Enfin, il fallait procéder à la séparation des pouvoirs et surtout la définition du rôle de l’armée.
En guise de conclusion, il va de soi que si l’Algérie veut sortir de la crise, elle devra mettre en œuvre ces trois mesures. Hélas, comme en 1962, le régime algérien ne pense qu’à la pérennité du système. La rente pétrolière est utilisée pour que le régime allonge sa durée de vie. Entre temps, l’Algérie se retrouve à la croisée des chemins. D’ailleurs, à huit mois des élections présidentielles, les Algériens naviguent à vue. Faut-il pour autant renoncer au combat ? Cette éventualité ne faisait pas partie du vocabulaire de Mourad Kacer. Du coup, le meilleur hommage à lui rendre, ce sera de continuer le combat qu’il a porté depuis plusieurs années.
Boubekeur Ait Benali
28 juillet 2013