J’ai bien mangé ce jour, merci. En me voyant bouffer un peu sauvagement il est vrai, un collègue général m’a dit : « Si Ahmed, que vous a fait cet agneau pour le dévorer de la sorte ? Son père vous-a-t-il donné un coup de cornes ? Je lui ai alors répondu : « Et toi, il te fait de la peine parce que sa mère t’a donné à téter peut-être? ». Ah ! On se marre bien au mess des officiers !
Résumons donc: tu veux toi aussi ya takhir ezzaman devenir président quand tu seras grand? Mais tu en as tout le droit puisque tu es algérien, tu as plus de 40 ans et moins de 105 ans, et tu as fait la guerre, soit dans l’ALN, soit avec Massu (on n’est pas très regardant au sein de l’ANP, vois-donc le nombre de Harkis devenus généraux-majors chez nous). Donc : tu prépares ton dossier pour 2019, ta lettre de motivation, et le parrainage de…attends je regarde les règles… de… 315 généraux.
Dans ta lettre de motivation, tâche d’être succinct et direct. Tu peux dire simplement : « Je suis au chômage, et j’ai vu qu’il y avait un poste de président à pourvoir en Algérie ». Par ailleurs, rien ne t’empêche d’être inventif ; tu peux écrire, si tu es à court d’idées : « Je ne veux pas être président, mais étant donné l’appel de millions d’algériens, je ne peux que m’incliner devant la volonté populaire »…
Tu sais, pour changer un président dans les pays anormalement anormaux comme le nôtre, il y avait plusieurs possibilités jusqu’en 2000. J’en cite quelques-unes :
– Faire un défilé militaire en présence du président et s’assurer que ça dérape à un moment donné, si tu vois ce que je veux dire…
– Organiser un discours présidentiel dans un théâtre à Annaba, et planifier un… comment dire ? un coup de théâtre vers la fin…
– Envoyer des Mig-29 bombarder El-Mouradia sous prétexte de dératiser le palais.
Mais avec le passage du 31.12.1999, il y eut ce qu’on appela le « Y2K bug » dans le logiciel de l’ANP, et ainsi les anciennes méthodes pour changer de présidents sont devenues impossibles à accomplir, tu vois ? Maintenant, l’ANP est une armée républicaine, c.-à-d. : on bouffe ce qui tombe entre nos mains, mais on n’élimine plus les présidents, et on ne bastonne plus la populace qui manifeste, ça c’est la police de Bouteflika qui s’en charge désormais. Peux-tu alors me donner une seule raison pour que nous complotions contre notre cher président ?
Si tu persistes dans ta dérive, je te prie de croire que j’ai beaucoup d’arguments pour t’envoyer en taule et même en hôpital psychiatrique. J’ai faim ya bouguelb et je m’en veux beaucoup d’avoir perdu mon temps avec un cinglé…
Mounir Sahraoui
7 sptembre 2017