Ça s’appelle : « qui veut aller en prison ».
C’est un jeu de hasard inventé cette année par le Hirak en Algérie. Pour
décrocher le gros lot, il faut faire son possible pour atterrir à la case «
prison » pour de longues, très longues années. Les premiers participants
s’appellent Saïd, Toufik et Tartag. A voir leurs mines, on dirait qu’ils sont
franchement enthousiasmés par ce nouveau jeu de… massacre. Allons-y !
Tu t’appelles Saïd. Tu es à Genève ce matin de
la fin février 2019. Tu es dans un hôtel cinq étoiles avec vue imprenable sur
le Lac Léman et sur les Alpes généreusement enneigés. Hier tu as dîné dans ta
chambre, tu ne veux pas être vu par peur du mauvais œil. Le menu habituel :
caviar, homard, saumon fumé. Les boissons habituelles aussi. Ce matin donc, tu
passes chez ta banque pour une visite d’inspection et de courtoisie à tes
comptes. Tout va bien, merci : quelques centaines de millions d’euros qui
dorment paisiblement. Tu reçois entre-temps un appel du Sheikh des Emirats, un
ami de ton frère aîné. Il te dit qu’en Algérie la populace est en furie contre
ta fratrie, et qu’il vous octroie l’asile humanitaire. Question : que fais-tu ?
Tu ramasses ton frère aîné, et tu te barres avec
lui pour le ranch familial aux Emirats. Réponse A.
Tu restes avec ton frangin à Genève en attendant
que la fureur populaire s’atténue. Réponse B.
Tu rentres en Algérie et l’étau se referme.
Réponse C.
Saïd : Je rentre en Algérie, n’exagérons rien, ce n’est quand
même pas une prison…
Aux suivants ! Ah vous jouez à deux ? OK. Tu
t’appelles Toufik. Tu as 80 ans, de l’argent sans compter. Tu as aussi sur la
conscience des dizaines de milliers de victimes, mais en principe, tu n’as rien
à craindre, tes réseaux sont partout, donc une protection en acier. Toi, tu
t’appelles Tartag, et tu es chef du renseignement. Tes victimes, si elles sont
encore en vie, te nomment « le monstre de Ben Aknoun » pour l’ensemble de ton
œuvre durant tes dix ans à la tête de la caserne DRS de Ben Aknoun. En ce
février, et avec le nom qui est le tien, tu devrais normalement savoir que ça
va péter. Toufik et Tartag, que faites-vous ?
Vous rasez les murs, vous vous faites tout
petits, et attendez que la tempête s’estompe. Réponse A.
Vous vous cassez en France pour être près de vos
comptes bancaires en ces moments douloureux. Réponse B.
Vous complotez avec Zeroual, lequel vous vend le
lendemain à la presse pour le dinar symbolique. Réponse C.
Toufik & Tartag : Nous restons en Algérie.
Comme le dit Saïd, n’exagérons rien, ce n’est quand même pas une prison…
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