Dans le monde d’aujourd’hui les patrons s’en donnent à cœur joie. Un taux de chômage (sous évalué par toutes sortes de manipulations statistiques et réglementaires) qui atteint des sommets et les esclaves font la queue devant les entreprises.
Les frontières ouvertes mettent en concurrence toute la planète laborieuse.
Mais cela ne leur suffit pas. Il faut baisser les impôts et les « charges » (en bon français on dit « cotisations sociales »). Il faut déréglementer, pour ne pas dire démanteler, le marché et le droit du travail. Il y a longtemps, avec la complicité de Mitterrand qui n’est jamais revenu dessus, on a fait disparaître l’« autorisation préalable de licenciement ». Aujourd’hui ils veulent le beurre et son argent, avec ce que vous savez de la crémière…
Parfois ils se barrent avec la caisse, un peu comme chez nous avec le jeu de l’import-import qui masque le trafic de devises et les fuites de capitaux vers l’étranger.
Nos patrons à nous s’appelaient il n’y a pas longtemps des trabendistes. Avant ils rasaient les murs, changeaient de passeports dans les avions à 11 000m d’altitude et soudoyaient les douaniers. Maintenant ils sont organisés en syndicat, ils se sont payés des anciens cadres de sociétés nationales pour la vitrine et la parlotte. Et deux ou trois uniformes étoilés ventripotents pour la protection rapprochée. Ils ont pignon sur rue et se permettent d’interpeller les ministres.
Dans le monde développé, les délinquances patronales sont sous la protection de la loi.
Comme dans le cas de ce patron normand qui vide son usine pendant que ses salariés sont en vacances. C’est cynique, c’est inhumain, mais c’est parfaitement légal.
C’est çà le capitalisme : « je fais ce que je veut de ce qui m’appartient. C’est çà un pays de liberté.
« Et si les salariés sont sur la paille ce n’est pas de ma faute. »
« Ils n’ont qu’à créer leur propre boîte. Et exploiter les ploucs et les cancres qui n’ont pas réussi à l’école. Cela fera baisser le taux de chômage et cela donnera le goût du travail aux fainéants qui profitent de nos impôts. »
Ecoutons ce patron sympathique qui dit tout haut ce que ne dit pas le patronat.
« …mes employés manifestaient depuis longtemps un mauvais état d’esprit et se faisaient mettre en arrêt maladie pour des broutilles. Leur comportement a coûté cher à l’entreprise et a contribué à sa perte, tout est de leur faute. »
Et si tu bouges, ce sera la VIème flotte qui viendra t’apprendre les rudiments de liberté et de démocratie et faire de toi un être civilisé.
De ce côté-ci de l’univers, il n’y a pas de lois pour protéger ce système où la légalité est le stade le plus raffiné de l’illégalité et du vol comme le disaient certains hommes lucides dès le XIXème siècle vers lequel nous allons à très grande vitesse.
Dans notre monde à nous, regardez ce qui se passe en Egypte, en Colombie, à Sri Lanka, au Mexique, au Bangladesh… on ne prend même pas le prétexte ou l’alibi de la forme légale.
Vous avez vu dans quel état se trouvent nos tribunaux ? C’est comme les hôpitaux : personne n’a intérêt à tomber malade.
C’est le triomphe de l’informel.
Même en Chine où le capitalisme de la transpiration mondialisée fait fortune : sur le prix 100$ d’un produit fabriqué dans l’Empire du Milieu, seulement 8 à 9$ reviennent aux Chinois – et encore pas à ceux qui l’ont fabriqué.
Au fond, les salariés normands qui reviennent de vacances (c’est une utopie pour de nombreuses familles africaines ou asiatiques, y compris dans les pays que l’on dit « émergents ». J’ai envie d’ajouter : surtout dans ces pays-là), peuvent toujours aller pointer au « chômage » et tenter de trouver du boulot ailleurs, même si cela devient de plus en plus un parcours de fous…
Qui veut encore de la « liberté » et de la « démocratie » ?
Ma description, une caricature qui travestit la réalité ? Un parti-pris doctrinal et idéologique ?
Allez dire çà à tous ces malheureux qui traversent la Méditerranée avec leur famille au péril de leur vie et de leur dignité.
Allez le dire à ces pauvres bougres qui travaillent à Dacca dans des usines bringuebalantes qui menacent de s’écrouler et qui – à force de respirer des odeurs toxiques – ont une espérance de vie de vers de terre.
Allez l’expliquer à ces Haïtiens qui vivent encore sous les tentes, des années après un tremblement de terre abominable et meurent de dysenterie, abandonnés par toute la charité qui a fait le bonheur des associations humanitaires privées de rien qui exploitent les images des malheurs du monde.
Allez en persuader ces Palestiniens qui vivent ( !!!) en prison à ciel ouvert depuis plus de 70 ans, envahis par de dangereux parasites, aujourd’hui en vacances à Panam, qui attendent la bonne occasion pour les exterminer définitivement.
Djeha
14 août 2015
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Eure : quand le patron vide l’entreprise pendant les vacances
Le Parisien, 14 août 2015
Dans la fâcheuse et périodique série « Un patron quitte le navire en catimini après avoir tout vendu », un nouvel épisode vient d’allonger la liste de ces dirigeants indélicats. Cette fois, cela se passe dans une bourgade normande de 1 100 habitants, Normanville, près d’Evreux (Eure). Les quatre salariés de la société Eurometal Ceilings, entreprise spécialisée dans la fabrication de faux plafonds métalliques, sont abasourdis et dépités. Il y a quelques jours, l’un des employés découvre fortuitement les faits. Il prévient l’un de ses collègues, Thierry Haucourt, qui affiche treize ans d’ancienneté dans l’entreprise. Ce dernier se rend alors sur place et constate avec stupéfaction que l’entreprise a été entièrement vidée de ses machines et de tout le stock. « J’ai été prévenu sur mon lieu de vacances qu’une grue se trouvait effectivement devant l’entrée de l’entreprise. Je suis rentré en hâte pour voir de quoi il retournait et j’ai vu que tout avait été déménagé. Croyez-moi, cela fait un choc ! » Une grue et des camions ont emporté machines et bobines de feuille de métal en deux temps trois mouvements.
Le patron d’Eurometal Ceilings, Jean-Louis S., 65 ans, résidant dans la région angevine, justifie cette méthode singulière dans les colonnes de « Paris-Normandie » : « Je n’ai pas averti mes salariés pour la simple et bonne raison qu’ils étaient partis en vacances et que je ne pouvais pas les contacter. » Il ajoute : « Une société nordiste s’est intéressée à mes machines, j’ai donc saisi l’opportunité sans attendre et j’ai tout vendu. Je précise que mes employés manifestaient depuis longtemps un mauvais état d’esprit et se faisaient mettre en arrêt maladie pour des broutilles. Leur comportement a coûté cher à l’entreprise et a contribué à sa perte, tout est de leur faute. »
Les quatre employés, quant à eux, sont amers, découragés et réfutent en bloc et collégialement les propos du patron. « Il nous disait qu’on allait finir à la soupe populaire, il nous traitait avec le plus grand mépris, n’ayant aucune considération pour nous. Dommage car, si des difficultés financières existaient, nous avons réalisé tout de même un chiffre d’affaires d’1 M€ l’an dernier », regrette Thierry Haucourt qui, comme ses collègues, s’inquiète pour son avenir et aurait préféré « apprendre d’une façon plus humaine et plus franche que l’entreprise allait mettre la clé sous la porte ». Il conclut, avec une pointe d’humour dissimulant mal son écoeurement : « Drôles de vacances pour nous et nos familles. Là, le plafond nous est vraiment tombé sur la tête. »