Jamais Alger ne fut aussi belle et rayonnante
Nous dansions, nous jubilions, nous nous embrassions
Les youyous de nos mères, de nos femmes, de nos sœurs
Fusaient de partout et illuminaient l’horizon
En ce juillet 62, ce vibrant « Tahia Al Jazaïr » enveloppa le pays
Et enflamma tout un peuple
Porté par l’espoir que la culture coloniale est sortie
de l’Algérie pour toujours…..
Hélas, cette liesse populaire ne fut qu’une éclaircie
La nuit coloniale de nouveau s’abattit sur l’Algérie
Les faux frères venus des deux côtés de la frontière
En vainqueurs, marchèrent sur Alger la meurtrie
L’Armée des Frontières et à leur tête l’Imposteur
en dominateurs perpétuèrent l’esprit colonial
De la culture coloniale à la culture militaire
De l’indigène au domestique
Le peuple n’est pas le Maître chez lui
L’Algérien, comme hier, face à la même situation
N’a le choix qu’entre la soumission ou la révolte
Elève de l’Armée d’Afrique, l’Armée des Frontières
Liquide, torture, emprisonne, interne, intimide, menace, injurie et bâillonne
En guerre dès son règne contre l’histoire et la mémoire
Et aujourd’hui, plus qu’en 65, pour asseoir sa fausse légitimité
Dans une lutte où se joue sa survie
La chasse à mort contre la parole libre, juste et courageuse
A l’Algérien de se lamenter, de pleurer, de quémander ses Maîtres les Bourreaux
D’implorer le ciel ou de prendre la mer
Tout sauf le droit à la parole, à la contestation organisée…
Pour sa survie, plus que la politique de la terre brûlée
C’est l’idée même de l’Algérie qui est menacée de disparaître
A toi peuple du 22 février qu’incombe la mission
de libérer l’Algérien de cette culture qui l’opprime et le méprise
De grâce n’écoutez point ceux qui ont servi dans l’Armée de l’Imposteur
Et même ceux qui ont gouverné avec et au nom de l’Imposteur
Les deux ont perdu leur virginité pour s’adresser au Peuple
Nous avons admis que le 1 er Novembre fût l’acte de notre Naissance
Et refusé de voir qu’en ce jour est né aussi les clans et la lutte pour le pouvoir
Nous avons sacralisé le 1er Novembre et l’Imposteur
Pour récolter l’injustice, la pauvreté, le mépris, l’exil et la terreur
Ce sept mars 2019, de mes propres yeux vu, de mes propres oreilles entendu
naître, face à la faillite d’une classe politique affaissée, le fils du peuple
Accepteriez vous que la grandeur de l’Algérien soit réduite à l’éternel « Meskine »
Accepteriez vous que cette jeunesse au lieu d’affronter son destin meurt en mer ?
Peuple de 22 février ! N’abdiquez pas ! Ne jetez pas l’éponge !
Vous êtes le contre exemple de Chadli et de Zeroual
Votre honneur est de vivre et de mourir dignement
Le rêve d’une vie ailleurs n’est qu’une chimère
Qui se brisera dans la mer ou dans la froideur européenne
Vous êtes les dépositaires d’un grand rêve
Dont le commencement fût Abdelkader
Repris par Messali dans l’Etoile Nord Africaine
Peuple de 22 février, vous êtes notre promesse
Les véritables héritiers de ce grand rêve
Il n’y a pas de troisième voie
Entre la domesticité et la liberté.
Je me suis permis de m’adresser à vous, Génération du 22 février, sur un mode testamentaire car mon âge ainsi que ma vie m’autorisent à le faire. La cause du Peuple m’habite et me dévore. J’appartiens à une génération qui se sent trahie. On nous a vendu un rêve et on nous a si gonflé dans les années 70 que nous avions cultivé une illusoire grandeur qui a fini par nous perdre. Cette fausse grandeur n’avait pour contrepartie politique que la domestication du peuple. L’Armée des frontières possédée par l’amour du pouvoir a phagocyté l’Algérien et désertifié l’Algérie. L’horizon en Algérie n’est possible que si on extirpe de l’espace politique et sociétal le poison de la culture militaire.
Mahmoud SENADJI, juillet 2020 (Vigilance Populaire)