Elle ne se décrète pas, elle se mérite. La franchise universitaire est loin d’être fixée et définie exclusivement par des lois, révisables et abrogeables, interdisant aux forces de l’ordre l’accès à l’enceinte de l’établissement. Ces mesures sont tributaires de préalables incontournables, relatifs à la mission même de l’université et ses attributions. La franchise universitaire n’est qu’un prolongement logique et naturel de la respectabilité de l’université et sa capacité à gagner les égards de la société, en tant que temple du savoir. Et une fois acquise haut la main, cette estime dépasse alors largement les murs de l’établissement, et franchit même les frontières du pays.
Le système éducatif, entre espoir et désillusion
C’est quand le déclin touche substantiellement son système éducatif que la déchéance d’une nation devient chronique et le désespoir profond. Le phénomène des harragas n’aurait jamais atteint toute son ampleur tragique, si la jeunesse n’avait pas perdu confiance en sa patrie, en ses gouvernants, et en son système éducatif. Un recalé du collège ou du lycée est d’autant plus prédisposé à accepter son sort, et à se frayer dignement un chemin dans la vie, qu’il sait que ses meilleurs camarades auront la carrière qu’ils méritent. C’est seulement en réhabilitant la légitimité du mérite et l’éthique scientifique dans les écoles, lycées, et universités, qu’on peut espérer mettre sur les bons rails la marche d’une société.
Le statut et la place d’une nation sont indissociables de ceux qu’occupe son système éducatif, et l’image de l’université auprès du citoyen forge celle qu’il se fait de son pays, et se répercute inévitablement sur son patriotisme, son intégrité et sa productivité. Une université respectable finit par être respectée, et c’est autant de considération envers la science et les hommes et femmes de science, et c’est autant de révérence envers l’égalité des chances et la concurrence loyale, et c’est autant de contribution à la moralisation de la gestion du pays.
La crédibilité de l’université est en outre un préalable au tissage des passerelles avec le secteur économique. Elle forge et stimule la confiance en soi des individus et celle de la communauté, ainsi que les capacités individuelles et collectives à relever les défis. La confiance en soi réanime le potentiel inexploité, surmonte les fausses craintes, et révèle des ressources insoupçonnées. Une société qui en est dépourvue ne tire jamais profit de toutes ses capacités et demeure misérablement coincée en deçà d’elle-même.
La confiance en soi permet par ailleurs de tempérer et positiver l’opinion et l’admiration qu’on a pour ceux qui réussissent. L’émerveillement devant les succès des autres, doit stimuler et encourager, et non inhiber et provoquer des doutes en soi. Les gens qui réussissent le font surtout parce qu’ils pensent fermement à l’avance pouvoir le faire.
L’avenir d’une société dignement dirigée par l’exemple dans la persévérance de la confiance en soi, et donc en son système éducatif, tend toujours à épouser et refléter l’image ambitieuse qu’elle se projette d’elle-même.
Ces valeurs et ces recettes ont été implémentées avec succès dans plusieurs pays tels le Singapour, Corée du Sud, Brésil, et aussi la Malaisie et la Turquie. Ces réussites et exemples de success-story ne furent rendus possibles que grâce au courage et à l’intégrité de la compétence, ainsi qu’à sa perspicacité et sa persévérance.
Lacunes et carences pédagogiques, il faut en parler
Il est délicat de l’évoquer tout en veillant à rassembler et mobiliser, mais éviter d’appréhender la faiblesse du système éducatif en prétendant vouloir le redresser, n’est qu’une fuite en avant, et une dérobade irresponsable vers le pire.
Qu’elle soit délibérée, planifiée, fortuite, ou collatérale, la démolition est toujours plus facile que la construction. Les conséquences néfastes sur un système qui se nourrit de lui-même sont profondes et imparables, et sont désormais irréfutables, même aux yeux de ceux qui ne pouvaient pas les voir venir ou refusaient de le faire. Mais comme toujours, une faiblesse humaine bien assumée est une faiblesse plus qu’à moitié palliée. Corollairement, s’obstiner à refuser d’assumer ses lacunes pour les combler, c’est se faire mal doublement et sévir davantage.
Un bon enseignant ce n’est pas celui qui connait plus, ou qui n’a pas ou peu de lacunes, c’est plutôt celui qui aime continuer à apprendre en exerçant son métier. Enseigner sans désir d’apprendre et de s’améliorer, c’est désapprendre et étourdir. Rien n’empêche tant de continuer à apprendre que l’orgueil et l’illusion d’avoir déjà suffisamment appris.
La responsabilité est donc générale sans distinction élitiste, et seule l’attitude fait la différence. En se préparant à diffuser son cours en ligne de manière transparente, pour parer notamment aux situations épidémiques exceptionnelles, telle celle que nous traversons avec le Coronavirus, un enseignant est normalement plus motivé et attentionné.Le feedback qu’il reçoit ne doit pas le dissuader ou l’embarrasser, puisqu’il permet d’améliorer le contenu du cours ainsi que la présentation pédagogique et linguistique. Tirant le meilleur de chacun, la transparence est le garant durablede la culture de la déontologie et de la concurrence loyale, et les universitaires se doivent d’être à l’avant-garde. Les vertus de la transparence sont si nombreuses et ses bienfaits si importants qu’on devrait songer à limiter les dérogations à la seule pudeur.
Le redressement du système éducatif devrait gagner l’adhésion de la majorité écrasante, et ne risque en fait de heurter que les mauvaises intentions et les attitudes malsaines. L’espoir est désormais de nouveau permis, et le moment de prêcher l’optimisme est enfin de retour. On peut certes mieux faire, mais encourager la métamorphose du système politique, fût-elle poussive, c’est aussi œuvrer avec autant de sincérité et de patriotisme pour le changement tant espéré.