« Si ta maison est en verre, ne donne jamais une pierre à ton ennemi »
Jamais des élections présidentielles n’avaient provoqué de tels remous et pour des raisons aussi plausibles les unes que les autres !
Né le 2 mars 1937 à Oujda au Maroc, Abdelaziz Bouteflika est le 7e chef d’État et président de la République depuis le 27 avril 1999 à ce jour.
A 77 ans, après trois mandats successifs et à l’instar des autres despotes du monde arabe, il s’accroche désespérément au pouvoir, ressemblant ainsi aux autres dictateurs déchus ou morts d’Égypte, de Tunisie, du Yémen, de Libye ou de la Syrie.
c’est sous son instigation que le verrou limitatif à deux mandats a été supprimé en 2008 pour lui permettre de briguer un 3ème mandat en 2009 !
Malgré la gravité de son état de santé, poussé par sa camarilla, il se présente quand même ce lundi 03 mars 2014 pour annoncer sa candidature à un 4e mandat alors que son dossier n’était nullement conforme à l’article 136-7 du Code électoral. Ce texte prévoit la présentation d’un certificat médical dûment signé par des médecins assermentés, justifiant de ses dispositions physiques et mentales…
Il va sans dire que beaucoup s’y opposent…
D’emblée, on s’interroge sur les réelles motivations, de cette vaste campagne contre un 4e mandat pour le président Bouteflika !
Il y a bien sûr ceux qui font tout pour ce 4e mandat ! Évidemment, leurs profondes motivations sont pour la plupart d’ordre beaucoup plus mercantile que politique…
Tous ceux qui rejettent purement et simplement l’idée même d’un 4e mandat sont très pragmatiques et militent pour une alternance du pouvoir selon des règles démocratiques transparentes !
Quelques remarques très pertinentes:
1/Anachronisme
On nous annonce la candidature de Abdelaziz Bouteflika, « le candidat indépendant » ?!
Dixit la chaine Ennahar…
– Comment un président de parti (le FLN) peut-il être « indépendant » ?!
– Comment un président valétudinaire encore en exercice, peut-il se succéder à lui-même en qualité d’indépendant ?
– Pourquoi toutes ces mesures de sécurité ? De l’esbroufe ? Qui va prendre des risques pour « attenter » à un président égrotant ? Par ailleurs, toutes les mesures de sécurité prises avec le président Boudiaf, n’avaient servi à rien ! Il a bel et bien été assassiné par ceux qui devaient le protéger…
2/Contre-mesures
L’idéal aurait été d’attendre la fin du mandat du président Bouteflika le 19 avril 2014 puis de laisser une commission nationale indépendante organiser les élections présidentielles et lui permettre ensuite de superviser le scrutin dans une parfaite transparence ! Dans ce cas seulement, nous aurions dit oui, Abdelaziz Bouteflika est un candidat indépendant à la course électorale !!!
– Or, ce n’est pas le cas ! Bouteflika mène à la baguette, les polices politiques, les services de sécurité, tous les membres de son clan, toute la bourgeoisie comprador ainsi que les affairistes de tous bords qui ont amassé en un temps record, de très grosses fortunes…
– Toute l’administration est tenue par des affidés zélés et dociles…
– Les deux chambres (députés et sénateurs) lui sont acquises…
– Une presse servile.
– Les chaines nationales et privées de TV sont bien dociles et complètement soumises. (à part quelques exceptions)
3/La campagne électorale du président moribond
Une équipe de revenant qui s’agrippe mordicus au pouvoir !
Des hommes sans personnalité qui pratiquent le culte de la personnalité pour perdurer le plus longtemps possible dans les grâces du seigneur du moment !
a) Sellal est à la fois Premier ministre, président de la Commission de préparation des élections et futur directeur de campagne. Ses bourdes ont fait le tour de la planète…
Il affirme sur un ton péremptoire, ce 01 mars 2014 à Illizi :
«Nous avons des institutions fortes, un gouvernement fort, une armée très solide et des services de sécurité très efficaces (…)
Allusion très directe relative à un éventuel printemps arabe en Algérie ?! Ces propos suggèrent plutôt un embrasement et non un apaisement » Puis faut-il explicitement rappeler, qu’un pays fort se reconnait à son indépendance politique, économique, culturelle et sociale ! Pour l’Algérie de Bouteflika et son équipe, ce n’est pas le cas !
Sellal parle de gouvernement, de l’armée et des services de sécurités !
Un langage dictatorial et rien de plus…
Tous ceux que vous avez cité, sont des enfants de l’Algérie ! Aujourd’hui, ils sont de votre côté mais demain, qui pourra prédire l’avenir ?
Tant que vous ne faites pas partie du G8,(3) taisez-vous !
Tous ceux qui étaient à votre image et tenaient le même discours fielleux et arrogant, ne sont plus de ce monde ou subissent l’opprobre de leurs peuples !
Tenez :
– Le mardi 14 janvier 2011, Ben Ali prenait la fuite…
– Le 11 février 2011, Hosni Moubarak était chassé du pouvoir…
– Depuis mars 2011, la Syrie est déchirée par une guerre civile…
– Juin 2011, Ali Abdallah Saleh du Yémen est grièvement blessé…
– Le 20 octobre 2011 près de Syrte, mort de Mouammar Kadhafi dans une canalisation…
b) Benyounès Amara et Khalida Messoudi deux transfuges du RCD, sont deux opportunistes, adversaires farouches de l’islamisme. Leurs langues fourchues leur ont attiré des inimités sans bornes…
c) Belkhadem alors ministre des affaires étrangères, est l’homme qui a été désigné par Bouteflika, en septembre 2003 pour préparer le « congrès de redressement du FLN », un exécutif parallèle pour contrer le FLN « légitime » de monsieur Ali Benflis secrétaire général du vieux parti majoritaire à l’Assemblée nationale et ce à 07 mois des élections présidentielles ! Il a été carrément évincé de son poste de secrétaire du FLN au profit de Saïdani un autre laudateur zélé du régime. Dès lors, Belkhadem l’arroseur arrosé, s’est mis prudemment à l’ombre en attendant l’hallali…
d) Saïdani, un faux comparse a été désigné pour donner une douteuse répartie dans une pièce de théâtre de très mauvais goût devant un auditoire désabusé…
e) Ahmed Ouyahia un homme du sérail, l’homme au yaourt et des basses besognes ! Donné en cavale, il pointe subitement du nez ?! Un opportuniste sans vergogne qui déblatère à longueur de journée en nous prenant pour des débiles. C’est lui qui avait remplacé monsieur Ali Benflis au premier ministère en 2003 !
f) Amar Ghoul exprime clairement son allégeance et son soutien au maître du céans. Avec tous les scandales qui avaient éclaboussé son parcours ministériel, il s’en sort malgré tout indemne, sans avoir entaché sa carrière politique ! Il se permet même le luxe de créer un parti politique ?!
g) Nommé le Dimanche 15 Septembre 2013 à la tête du Conseil constitutionnel, l’ex-ministre des Affaires étrangères (depuis juin 2007) Mourad Medelci (né à Tlemcen) remplace Tayeb Belaïz désigné mercredi, ministre de l’Intérieur lors d’un remaniement ministériel.
Cependant, le peuple algérien, sa révolution et ses martyrs, n’oublieront jamais, ce mercredi 7 décembre 2011 où devant la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale française, Mourad Medelci alors ministre des Affaires étrangères avait souillé la mémoire des Martyrs, en déclarant ouvertement qu’« Il n’y a pas plus Européen que l’Algérie et Que si l’Histoire avait été différente, nous serions déjà membres à part entière de l’Union européenne puisqu’au moment du traité de Rome, nous étions encore Français ! »
Et dire que toute cette forfaiture, c’est juste pour avoir le soutien de la France auprès de Bruxelles en vue d’un statut de partenariat privilégié qui permettra à l’Algérie de participer à la Politique Européenne de Voisinage (PEV) ?!
Il faut aussi rappeler que le mercredi 19 décembre 2002, monsieur Abdelaziz Bouteflika, le chef de l’état algérien, était à Bruxelles pour une visite de travail en vue de signer l’Accord d’association entre l’Union européenne (UE) et l’Algérie dans le cadre du processus de Barcelone qui lie les Quinze aux douze pays du pourtour méditerranéen.
Les pays africains signataires de l’Accord de Barcelone, qui a généré le processus du même nom sont : Maroc, Algérie, Tunisie et Égypte. La Libye est admise en qualité d’observateur.
Petit rappel
L’objectif du processus de Barcelone est de créer d’ici à 2010 une zone de libre-échange entre l’UE et les pays associés du pourtour méditerranéen. Dans le cadre de cet accord d’association euro-algérien, l’Algérie va bénéficier d’une aide financière de 160 millions d’Euros pour la période 2002-2006 au titre du MEDA, instrument financier du processus de Barcelone.
Durant la cérémonie, le président Bouteflika aux côtés de Romano Prodi, (Président de la Commission européenne) a déclaré devant un parterre de journalistes internationaux :
– « En vérité, l’Algérie n’a pas besoin de devenir membre associé de l’Union européenne puisque lors de la signature des traités de Rome en 1957, l’Algérie était département français. La France étant membre fondateur de l’Union européenne, nous sommes donc déjà dans l’Union européenne »
lien: http://dzactiviste.info/bouteflika-en-2002-lalgerie-est-un-departement-francais/
Medelci n’a fait donc que reprendre ( le même jour et le même mois) la déclaration de Bouteflika…
4/L’homme providence
Mohamed Boudiaf (Allah Yarhamou) était en 1954, cette étincelle qui avait transformé notre patrie spoliée en un gigantesque et terrible brasier pour le colonisateur français !
Après Boumédiène et Boussouf, il eut Ben Bella. (encore 3 B)
Boudiaf intervient pour rétablir le juste équilibre mais les décideurs décidèrent autrement… il le paya de sa vie !
5/L’homme du compromis
Bouteflika accepta le deal avec les « vrais » décideurs et consentit à être l’arbre qui cache la forêt !
Cette décennie noire est une plaie ouverte pour le pouvoir qui se cherche une légitimité populaire bafouée par tant d’injustice et de mépris. Et la plèbe accorda d’emblée au nouveau venu, un satisfecit pour avoir rétabli la quiétude et la sérénité sociale et après avoir globalement éradiqué le terrorisme tel que le pouvoir en place le définit.
Seulement voilà, les choses ne sont pas aussi simples que ça.
Tout le monde sait que les maquis étaient infiltrés tout comme le sont, les partis politiques et toutes les institutions dans le pays !
L’application de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale est un pont qui va permettre de « récupérer » les infiltrés et tous ceux qui se retrouveront dans la nasse !
Les dispositions de la Concorde civile vont élargir les mailles du filet et tout ce menu fretin se retrouvera à l’air libre. Côté jardin et grâce à ces lois scélérates, c’est l’impunité totale !
6/L’épée de Damoclès
Voilà que maintenant Bouteflika est sacré « Roi » en vertu de ses vertus salvatrices, lui l’homme de la stabilité sécuritaire ! Le pompier pyromane va sûrement pâlir de jalousie…
Cette tirade est devenu le leitmotiv de son staff qui vous rappelle à tout bout de champ que c’est grâce à sa lucidité éclairée que nous vivons aujourd’hui dans une parfaite béatitude ! Nous ne devons à aucun prix nous démarquer de sa grande magnanimité et de sa sagesse. Nous lui sommes redevables à vie ! C’est comme le fameux détroit de Messine avec son Charybde et Scylla ! Ou moi, ou l’hécatombe…
Où est la part de vérité dans tout cela ?
– Devrons-nous féliciter ceux qui ont mis le pays à genoux ?
– Devrons-nous les récompenser parce qu’ils ont tué, violé, kidnappé et brimer nos libertés naturelles ?
– Devrons-nous rester immobiles en éternels assistés ?
– Devrons-nous monter consentants sur la potence et offrir à nos bourreaux les cordes de notre impuissance ?
Non !
7/La « théorie des deux démons »
En Argentine, la loi du Point final du 24 décembre 1986, et la loi d’Obéissance du 04 juin 1987, couvrirent le reste des militaires de toute poursuite (à l’exception du vol de bébés), invoquant l’amnistie jugée politiquement nécessaire et le principe de hiérarchie militaire.
– En 1989, le président Carlos Menem amnistia l’ensemble des personnes condamnées lors du Procès de la Junte.
– En 1990, confronté à l’opposition de l’armée, le président Carlos Menem amnistia par décrets des centaines d’autres militaires, dont des généraux.
Aucune poursuite n’était donc possible !
– En juillet 2003, le président Nestor Kirchner abrogea certains décrets d’amnistie.
– En 2005, la Cour constitutionnelle argentine déclara anti-constitutionnelle les lois d’amnistie passées sous Carlos Menem.
Pourquoi selon le principe de la compétence universelle limitée, la France en créant un « précédent » avec le cas de « L’ange de la mort » qui a été condamné par contumace à la prison à perpétuité, n’a pas jugé utile d’appliquer la même procédure dans l’affaire des moines de Tibéhrine ?
En Algérie, on opta pour la « théorie des deux anges » !
8/Le 4e mandat
A Sétif, le président Bouteflika avait cru bon de prévenir qu’il allait jeter l’éponge vu son âge et son état de santé. Son AVC du 27 avril 2013, confirma son vœu en semant le désarroi dans le clan présidentiel et la panique dans le cercle des véritables décideurs inféodés à l’ancienne puissance coloniale…
Que doit faire ce régime en perte de vitesse pour éviter la rupture des équilibres et gérer toutes ses contradictions internes qui se profilent à l’horizon ? Une seule solution possible :
– Ou mettre en application l’article 88 (1) ou ménager la chèvre et le chou ?
9/L’alternative
De tous les candidats en course, à part Bouteflika, le seul outsider valable reste Ali Benflis ! Cependant, Bouteflika pourrait poser problème…
Qui est Benflis ?
Magistrat de formation, Kasdi Merbah le nomme ministre de la Justice en novembre 1988, poste qu’il conserve pendant trois ans sous les gouvernements de Hamrouche et de Ghozali.
– En juillet 1991, Il quitte le gouvernement pour marquer son désaccord avec les mesures d’internement administratif prononcées en dehors de tout contrôle judiciaire.
– En 1987, il est l’un des membres fondateurs de la Ligue algérienne des droits de l’homme.
– En 1999, il dirige la campagne de Abdelaziz Bouteflika qui le nomme secrétaire général puis directeur de cabinet de la Présidence. Il prend dans la foulée le secrétariat général du FLN.
– En août 2000, il est chef de gouvernement.
– En 2003, Benflis est limogé mais conserve son poste de secrétaire général du FLN. Son gouvernement tombe. Ahmed Ouyahia hérite du Premier ministère.
– En 2004, il se lance dans la course à la présidentielle.
Il arrive deuxième avec 6,42% des voix.
Abdelaziz Bouteflika est réélu.
C’est la disgrâce, dans la dignité !
Ali Benflis démissionne du poste de secrétaire général du FLN et disparaît de la scène politique…
A l’intention de Benflis, le président Bouteflika lança la légendaire boutade de César : « même toi, Brutus ! » (2)
Une autre version avec : « toi aussi, mon fils ! »
Ce qui laisse supposer d’après Bouteflika que Benflis l’aurait trahi…
10/Le deal
Élu en 2004, avec 6,42 % de voix, Benflis avait senti l’orage passer. Pourquoi ira-t-il encore une fois affronter l’ouragan ? Bouteflika est toujours aux commandes !?
Le candidat Ali Benflis, 69 ans, a déposé son dossier de candidature à la présidentielle du 17 avril 2014, au siège du conseil constitutionnel. Originaire de Batna, très discret et réputé intègre, il a la bénédiction des militaires.
– Le scénario le plus plausible est l’élection sans surprise de Bouteflika comme façade avec un score de 78 % et au 1er tour pour éviter la vacance de la présidence, suivi d’un Benflis avec le score honorable de 61 % ! Les autres lièvres seront récompensés ultérieurement…
– La mise en place d’une vice-présidence, garantira à monsieur Ali Benflis une ascension fulgurante et un tremplin de droit pour la présidence en cas de vacation du poste !
– Monsieur Ali Benflis, vice-président pourra dès maintenant prendre en main, les destinées de la nation.
Mon entière sympathie va à monsieur Ali Benflis que je ne connais même pas si ce n’est à travers ses apparitions télévisées. Son programme politique à la limites des lignes imparties, est très séduisant !
Il est expérimenté, a du métier et des idées…
Kamel Seddiki
26 mars 2014
Notes :
(1) Article 88 stipule que lorsque le chef de l’État, «pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l’impossibilité totale d’exercer ses fonctions, le Conseil constitutionnel […], après avoir vérifié la réalité de cet empêchement par tous moyens appropriés, propose à l’unanimité au Parlement de déclarer l’état d’empêchement». Après s’être prononcés à la majorité des deux tiers, les parlementaires chargent le président du Conseil de la nation (Sénat) – en l’occurrence Abdelkader Bensalah, 72 ans – d’assurer l’intérim pour une durée qui ne peut excéder 45 jours. Si l’incapacité du chef de l’État à exercer ses fonctions se poursuit, une «vacance par démission de plein droit» est déclarée. «En cas de démission ou de décès» de l’intéressé, le Conseil constitutionnel – dirigé par Tayeb Belaïz, un proche de Bouteflika – «constate la vacance définitive» du pouvoir. Le président du Sénat assume alors un intérim de 60 jours, au cours duquel une élection présidentielle est organisée. Soit trois mois et quinze jours après le début de la procédure.
(2) Marcus Junius Brutus, le fils d’une des maîtresses de César qui serait lui aussi impliqué dans l’assassinat de Jules César.
(3) Groupe informel de discussion entre les chefs d’état et de gouvernement des pays les plus industrialisés.