Décès de Cheikh Mahmoud Bouzouzou
Intervention d’Abbas Aroua, directeur de la Fondation Cordoue, du vendredi 28 septembre 2007, à l’occasion de la prière pour le défunt cheikh Mahmoud Bouzouzou, à la mosquée de la Fondation culturelle islamique à Genève.
Au nom de Dieu, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.
Louange à Dieu, et Paix et Salut sur Son Prophète.
Certes nous sommes à Dieu, et c’est à Lui que nous retournerons.
Nous sommes rassemblés aujourd’hui pour dire adieu à un père et un frère qui nous est cher. Un instructeur et un guide qui nous quitte un jour béni d’un mois noble. Nous saluons Cheikh Mahmoud Bouzouzou qui a rendu l’âme au milieu du mois du Ramadhan, mois de miséricorde et de pardon.
Cher Cheikh vénéré,
Tu es né le 10 Joumada 1er, 1336 H (22 février 1918) à Bejaïa, cette ville de science dont tu étais fier et n’as cessé d’avoir la nostalgie. Tu as choisi d’être inhumé en son sein.
Tu as passé une partie de ta jeunesse à Constantine – une autre ville de science – sous l’œil attentif de cheikh Abdelhamid Benbadis et en compagnie de ses frères de l’Association des Oulémas algériens. Après avoir terminé tes études, tu t’es consacré à l’enseignement dans une Algérie que l’occupant voulait noyer dans l’ignorance. Tu as contribué à la fondation de mosquées et d’écoles privées pour enseigner l’arabe, langue combattue à l’époque.
Tu étais l’un des pionniers du Mouvement des scouts musulmans algériens au milieu des années 1940. En tant que Guide Général tu as contribué à la formation de toute une génération de militants de la cause nationale, dont certains ont été les initiateurs de la Révolution algérienne, et dont la plupart l’ont rejointe, beaucoup d’entre eux y ont d’ailleurs trouvé le martyre.
Tu étais l’un des pionniers du journalisme algérien engagé, à travers tes écrits dans « al-Bassaïr » et « al-Manar ». Cette dernière publication que tu dirigeais était au début des années 1950 une tribune remarquable dans la lutte contre l’occupation française et le dévoilement de ses crimes, notamment les massacres de mai 1945. « al-Manar » était un outil efficace de conscientisation politique.
Cher Cheikh vénéré,
Tu étais incontestablement l’un des pionniers du Mouvement national algérien, appelant à l’unification de ses diverses composantes. Les autorités coloniales te considéraient d’ailleurs comme l’un des pères spirituels de la Guerre de libération nationale et te classaient – c’est le cas de tout résistant à l’occupation – comme « un dangereux élément subversif ».
Tes positions nationalistes t’ont valu beaucoup d’ennuis : la prison et la torture, puis l’expatriation. Tu t’es exilé d’abord au Maroc, ensuite en Europe où tu t’es rendu dans plusieurs villes avant de t’établir à Genève.
A Genève tu t’es dédié au service de la communauté musulmane, à l’enseignement de la langue arabe et à la présentation de la religion et la civilisation islamiques.
Tu as été l’un des fondateurs du Centre islamique en 1961 et tu as contribué à la constitution de la Fondation culturelle islamique en 1975. Tu as occupé dans ces deux institutions la fonction d’imam. Tu as aussi été membre du Conseil de la Fondation Cordoue dont tu as bien voulu héberger son premier siège chez toi.
Tu as été professeur de langue arabe pendant une vingtaine d’années à l’Ecole d’interprétariat de Genève et à l’ONU.
Tu accordais une attention toute particulière aux jeunes. Tu les accueillais dans ton bureau ou à ton domicile. Tu les écoutais, et leur prodiguais des conseils. Tu veillais à leur conscientisation.
Cher Cheikh vénéré,
Tu étais adepte du juste milieu et tu détestais les positions extrêmes. Tu étais sage dans tes rapports avec les autres. Ta conduite exemplaire et tes qualités humaines étaient la meilleure carte de visite que tu pouvais offrir de l’islam.
Nous témoignons que tu t’es distingué par une vaste culture et une ouverture à l’Autre. En est preuve ta bibliothèque qui contient des milliers de volumes en diverses langues couvrant les sciences de la religion, les lettres, les arts, l’histoire, la philosophie, le droit et les sciences politiques, économiques et sociales.
Ce que je retiendrai de toi en particulier, mon cher Cheikh, c’est l’importance que tu accordais à la science et à l’action. La science utile intimement liée à l’action bénéfique, ainsi que ton amour pour le livre.
Puisse Dieu t’accorder Sa miséricorde, t’honorer et te réserver le Paradis comme demeure en compagnie des bienfaisants et à leur tête notre Prophète – Paix et Salut sur lui. Puisse-t-Il accorder à ta famille, à tes élèves et à tous ceux qui t’aiment endurance et consolation.