Basé sur l’éthique et le mérite, un système éducatif peut devenir performant jusqu’à constituer la dynamo motrice d’une nation avec un développement durablement fondé sur l’économie du savoir ; faute de quoi il risque de se transformer en un fâcheux frein moteur, entravant sérieusement tout processus de réforme et ruinant profondément tout espoir de redressement. Il s’agit donc d’une arme à double tranchant, devant être gérée et manipulée avec responsabilité, perspicacité, et autant de sagesse que de courage.
Sans compter les multiples dommages collatéraux, chaque diplôme immérité grille directement deux compétences, en livrant un mauvais cadre ne pouvant que parasiter la profession et l’employeur, et gâchant, du coup, le bon artisan qu’il aurait pu devenir. Il en est de même pour les rangs et titres immérités. On ralentit ainsi la machine en alourdissant sa charge avec un nouveau chômeur, ou en grippant sa mécanique avec un énième imposteur.
Se nourrissant de lui-même, le système éducatif encaisse de plein fouet les effets dévastateurs directs d’une mauvaise gouvernance, et ce retour de manivelle persistant peut causer une descente aux abîmes difficilement réversible.
Arrivé à un stade avancé d’effritement, et en assumant favorablement que le train est enfin remis sur les rails et que le gouvernail est désormais entre de bonnes mains, le redressement d’un système éducatif boiteux constitue le plus grand défi que doit relever une nouvelle direction politique, résolue à rompre définitivement avec la déliquescence.
Le défi est d’autant plus délicat qu’il doit être relevé en composant avec l’encadrement existant, qu’il faut absolument remobiliser en évacuant les mauvaises habitudes, tout en bravant le désengagement et le scepticisme, sans refuser de faire face à l’éventuelle hostilité des malintentionnés et autres défenseurs du statu quo.
C’est un parcours long et hargneux, avec un passage incontournable à travers des stations et mesures stratégiques, telles la sélection adéquate du leadership, la réhabilitation du mérite et de l’éthique, ainsi que la rupture avec le favoritisme et les passe-droits.
L’activité syndicale, enseignants et étudiants, doit courageusement faire son mea-culpa et entamer sa mue, l’école et l’université étant par excellence les lieux où la revendication des droits ne doit pas occulter le sens du devoir et des obligations. Le laxisme chronique a fini par générer des dérives comportementales aux antipodes des formes légitimes et civilisées de la revendication universitaire.
Si la réhabilitation de la qualité de la formation prendra forcément du temps, certaines mesures doivent toutefois être immédiatement implémentées. C’est le cas notamment de la rupture définitive avec la permissivité à l’égard du plagiat et autres atteintes à la déontologie scientifique.
Pour mener ces réformes, le nouveau ministre de l’enseignement supérieur a insisté sur la priorité de réhabiliter l’éthique pédagogique et scientifique. Il n’a nullement fait allusion à une quelconque charte de l’excellence, ni d’élitisme exclusiviste ou méprisant, comme semblent l’accuser certains cercles, sans doute indûment favorisés par le statu quo. Tout enseignant universitaire, sérieux et intègre, fait partie de l’élite scientifique, et non moins patriotique, concernée par le redressement du système éducatif. En évoquant courageusement la faiblesse du secteur de l’enseignement supérieur, qui n’est qu’un affligeant secret de polichinelle, le professeur Chitour ne nie pas du tout sa part de responsabilité, comme tout autre responsable ou enseignant.
L’Algérie a traversé une récente et douloureuse parenthèse historique où l’intégrité intellectuelle ne pouvait que survivre en hibernation ou marginalisation, mais il est désormais permis d’espérer que le processus de sortie de cette éprouvante période est sérieusement amorcé.
Les sceptiques, les idéalistes, les pessimistes et autres nihilistes, ne manqueront pas de chercher et de trouver des arguments pour entretenir le doute et le désespoir ; mais les réalistes et les optimistes refuseront de fermer les yeux et reconnaitront que des opportunités réelles d’assainissement du système éducatif se présentent, et qu’elles doivent être impérativement soutenues. On ne peut pas désirer le changement et rejeter la métamorphose ou ne pas l’encourager, fût-elle lente et poussive.
Ouvrons donc grands les yeux, l’Algérie a bel et bien connu par le passé un système éducatif très performant, et l’ère de la descente aux abimes est définitivement révolue. Et osons le croire fermement afin de pouvoir le soutenir tout autant, cela prendra du temps mais le redressement du système éducatif est résolument en marche !
Prof. Abdelhamid Charif