Le président français Emmanuel Macron s’est rendu jeudi 13 septembre 2018 au domicile de Madame Josette Audin, veuve de Maurice Audin, arrêté en 1957 par l’armée française, en pleine « bataille d’Alger », torturé et qui a disparu depuis. Plus de 60 ans après les faits, l’Etat français reconnaît ainsi que Maurice Audin est bel et bien « mort sous la torture du fait du système institué alors en Algérie par la France ».
Nous ne pouvons que nous féliciter de ce geste humain qui réhabilite la mémoire de Maurice Audin et qui apaise la souffrance de sa veuve et ses enfants, ce qui est aussi un geste politique contribuant à jeter un peu de lumière sur un épisode obscur de l’histoire récente de France.
Nous tenons à relever que ce geste est en accord avec les déclarations d’Emmanuel Macron à Alger le 14 février 2017, alors candidat à la présidence, où il qualifiait la colonisation de « crime contre l’humanité » et de « vraie barbarie », et où il estimait que « la colonisation fait partie de l’histoire française […]. Ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l’égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes ».
Lors de sa visite à Madame Audin, le président français a aussi annoncé « l’ouverture des archives sur le sujet des disparus civils et militaires, français et algériens ». De fait, des milliers de personnes ont été victimes de la disparition forcée – aujourd’hui crime imprescriptible selon le droit international – lors de la « bataille d’Alger » lancée en 1957 par Robert Lacoste et dont la conduite fut confiée au général Jacques Massu, commandant de la 10ème division de parachutistes, avec son lot de ratissages, d’arrestations arbitraires, d’internements extrajudiciaires, d’exécutions sommaires individuelles et collectives, de viols, et de tortures. Selon le journaliste Albert-Paul Lentin, témoin des événements, « en dix mois, 80’000 Algériens de quinze à quarante ans ont été arrêtés pour interrogatoires, 30’000 ont été « assignés à résidence », plusieurs milliers ont été torturés, 5000 ont « disparu », morts des suites des sévices endurés, ou exécutés sommairement. » (L’Algérie entre deux mondes : Le dernier quart d’heure. Julliard, Paris 1963)
De nombreuses voix s’élèvent pour dire que ces milliers de Maurice Audin méritent aussi reconnaissance et réhabilitation. Un site a même été créé pour collecter des informations les concernant : www.1000autres.org.
Nous gardons l’espoir que durant son mandat, Emmanuel Macron va ouvrir effectivement les archives concernant ces exactions commises durant la guerre d’Algérie dont les plaies sont toujours ouvertes, empêchant l’établissement de relations saines et apaisées entre les peuples algérien et français. Le traitement du passé de façon sereine et constructive est un pas indispensable dans le processus d’une véritable réconciliation. En outre, cela permettrait à des milliers de familles en Algérie et en France de savoir la vérité sur ce qui est réellement passé à leurs proches et ainsi de soulager leurs souffrances.
Hoggar
22 septembre 2018
Pour en savoir plus sur les crimes coloniaux :
Reading Notes on French Colonial Massacres in Algeria
https://hoggar.org/1999/08/15/reading-notes-on-french-colonial-massacres-in-algeria/