Lorsque des analphabètes prétentieux s’autoproclament guérisseurs pouvant traiter même les maladies incurables, il y a péril en la demeure. Lorsque leur nombre augmente de jour en jour et que des médias complaisants leur servent de relais, il faut s’attendre au pire. Et cela devient un véritable fléau lorsqu’il endosse l’habit de la religion et fait de celle-ci sa référence. Là il y a lieu de sonner l’alarme car l’Islam, les croyants et la société dans ses prolongements religieux et culturels pâtissent de ces pratiques et surtout de leur matrice que consacre l’habit du moine. La religion est malheureusement détournée pour devenir un outil de propagation de la bêtise alors qu’elle est censée la combattre. La médecine se révélerait-elle impuissante au point de céder la place aux apprentis – sorciers qui opèrent au nom de la roqia ? Il faut s’entendre sur des choses essentielles et reconnaitre d’emblée que certaines formes de maladie relèvent de la roqia.
Les cas les plus courants qui la nécessiteraient sont le stress, les dépressions dues aux contraintes liées à la vie familiale et aux conditions socio-économiques. Le vide ou le manque spirituel contribue sans doute à des manifestations maladives évidentes. Le traitement approprié reste sans conteste l’approche psychologique. Mais la psychologie traditionnelle importée de l’Occident ne saurait convenir au patient musulman car elle évacue le coté spirituel de l’homme qui est pratiquement finalisé en objet ou en animal. Là intervient le Coran. Son impact sur le croyant est indéniable, mais encore faut-il savoir être à sa hauteur pour ne pas en faire un outil d’abrutissement comme c’est hélas! le cas de nos jours. Une grave déviation du message divin s’est opérée et a abouti à des pratiques cauchemardesques. Le Coran n’est plus source d’apaisement, de calme et de détente mais une clé pour le monde de l’exorcisme, des djinns, de la magie noire et du mauvais œil. Et à en croire ces guérisseurs le mal est partout – enfin chez les musulmans uniquement ! – tout le monde est atteint de cette calamité ou de l’autre. Des cités entières seraient contaminées, peut – être même des villes. Les exorcistes sont à pied d’œuvre, ils ont affaire à des démons destructeurs et réussissent à les mater et même à leur faire embrasser l’Islam !!! La médecine est morte, vive la roqia. Un vent de folie semble s’être emparé de tout un peuple censé avoir la meilleure foi et être chatouilleux sur le dogme. Des chaines de télévision martèlent à longueur de journée les signes de sihr, mess, ain, haced et tout le monde se sent concerné. Des journaux accueillent à bras ouverts des guérisseurs douteux qui crient au loup à tout bout de champ et < le peuple Belahmar> – selon l’expression d’un confrère -, superstitieux jusqu’au ridicule, dégradé, crédule, toute rationalité mise au placard, rejoint le bal collectif de l’hystérie ambiante. Piteux, miteux, calamiteux, affreux. Et dire que l’Islam nous a inculqué le bon sens et le discernement. Qui est le monstre : le charlatan ou la victime consentante ?
La roqia légitime est un traitement spirituel qui prend en charge la faiblesse de l’homme et ses défaillances. Le raqi n’est ni un exorciste ni un chamane ; c’est un musulman qui comprend le message coranique et possède des connaissances en psychologie et en relations humaines notamment. Plein de bonté, il sait écouter le malade, apaise son âme, lui fait surmonter ses peurs, son angoisse, son anxiété, son mal-être et ses doutes. Il lui récite avec compassion et bienveillance des versets compatibles avec son état, invoque Dieu, lui prodigue des conseils amicaux,le fait sourire pour lui remonter le moral et lui redonner confiance en lui-même. Tout ça au lieu de l’accabler avec des histoires invraisemblables de mauvais esprits et de magie qui influeront sur son état encore plus négativement et sont en elles mêmes des sources de dépressions et de maux divers. Des scènes de lapidation et autres châtiments corporels sont courantes et les < malades> s’y soumettes volontiers. Invraisemblables, disais-je et j’ai eu à le vérifier moi-même. Des parents m’ont soumis une fois le cas de leur jeune fille vivant avec eux à Paris où elle est née. Intellectuelle, portant le hijab, récitant le Coran et très attachée à la prière, elle est souffrante et on a diagnostiqué – et à Paris s’il vous plait ! – une attaque de djinns ! J’ai souri et leur ai demandé pourquoi ce démon maléfique a t-il choisi une musulmane pratiquante et en principe immunisée plutôt que Sophie Marceau ? Entendons- nous bien, je ne récuse en aucun cas les vérités énoncées par le Coran et la Sunna mais je conteste leur utilisation abusive et intéressée qui n’a rien à voir avec la vérité et la Révélation et qui prend les dimensions d’un phénomène de société ne pouvant déboucher que sur l’abrutissement collectif et la déformation de notre religion. Nous attendons des diplômés en sciences islamiques de grands efforts d’ijtihad er de renouvellement susceptibles l’améliorer les conditions de notre Oumma et de servir l’Islam ; l plupart d’entre eux s’investissent plutôt dans ces sciences occultes qui ne peuvent que nuire aussi bien à nous qu’à notre religion. Quand celle-ci nous guidait, elle a fait de nous les maitres de la civilisation et du rayonnement culturel ; aujourd’hui, de tristes individus la dévient de sa mission et font de nous la risée des nations. Et le cirque continue ; ses fans, détrompez – vous, ne se comptent seulement parmi les pauvres gens,loin de là. La haute société – femmes d’abord – est un abonné assidu et au diable la rationalité.
Abdelaziz Kahil
8 novembre 2016