Raymond Le Rouge est l’auteur d’un des meilleurs plaidoyers, d’un des plus grands hommages à l’œuvre sociale du Prophète. Devant la formidable crise qui secoue le monde moderne depuis la première guerre mondiale, il scrute attentivement le système de l’Islam et la personnalité de son Prophète pour déterminer dans quelle mesure ils permettront l’épanouissement d’un nouveau monde pacifié et réconcilié.
« … le fondateur de l’Islam se rattache (…) aux préoccupations du temps présent. Il est, en effet, le promoteur de la première révolution sociale et internationale dont l’histoire fasse mention ».
« L’Islam revêt dès lors le triple caractère des grands bouleversements sociaux des temps modernes, auxquels nous donnons le nom de révolution, il est démocratique dans son essence, international dans ses fins, éventuellement guerrier dans ses moyens».
Ces lignes écrites dans son livre « Vie de Mahomet » paru voilà soixante dix ans en 1939 à Paris aux éditions Fasquelle revêtent une actualité brûlante après la crise financière de 2008 où pour la première fois les règles de la finance islamique ont été approuvées par bon nombre d’économistes non musulmans.
Dans sa préface à ce livre, le premier recteur de la Mosquée de Paris n’a pas manqué de citer les plus belles pages qu’Anatole France a écrites sur le Prophète ; Cependant une grande différence sépare les deux hommages, celle d’Anatole France décrit les prouesses et l’œuvre passée du Prophète, celle de Raymond Le Rouge prend date pour l’avenir et y voit les promesses d’une œuvre pour l’avènement d’un nouveau monde juste et fraternel.
« Allah, d’une bonté aussi large que sa justice, est l’ennemi des contraintes qui paralysent l’homme et l’isolent de ses semblables. L’épanouissement, l’expansion, la fusion des individus, des peuples et des races, sous le signe de la justice et l’amour : voilà son vœu, voilà sa loi ».
Notre auteur attend des hommes de l’Islam qu’ils soient à même de dénouer le terrible nœud gordien synonyme de l’impasse civilisationnelle qui perdure et qui amplifie de plus en plus la crise du monde actuelle. Ce dénouement ne se fera pas avec l’épée d’Alexandre le Grand mais avec la sagesse coranique.
« Au frémissement qui l’agite sous l’impulsion d’hommes nouveaux, il est facile de constater qu’une adaptation des principes coraniques aux exigences de la société moderne est en train de s’élaborer : obstacle à l’extension des deux autres systèmes révolutionnaires [le libéralisme et le communisme] et, peut être, synthèse originale destinée à remédier un jour à leur commun échec. Mahomet, en dépit de ses quatorze cents ans, est un homme du jour ».
Tout est dit dans cette phrase d’une densité historique cosmique. C’est un des meilleurs résumés de l’attente d’un monde d’hommes de bonne volonté pour la réalisation de la promesse mineure de l’Islam pour reprendre la vision de Bennabi, la promesse majeure ayant pour but la réalisation dans la vie future.
Raymond Le Rouge prouve, s’il en est besoin, la phénoménale capacité de l’Islam à intégrer dans sa weltanschauung, dans son organisation de la société ceux qui ne partagent pas ses convictions strictement religieuses. Dans un monde devenu un, cette aptitude devient essentielle, incontournable.
Notre biographe nous rappelle que « l’Islam est une création de l’idéalisme le plus ardent et du réalisme le moins chimérique ».
Le récit de la vie du Prophète brossé par Raymond Le Rouge est intéressant par le regard neuf qu’il pose et ce malgré les anachronismes de cette biographie qui par moment s’éloigne sensiblement de la tradition, pourrait il en être autrement lorsqu’un esprit positif s’intéresse à un phénomène que ne régit pas totalement les données rationnelles ?
Cependant, il ne méconnaît pas les résultats que peuvent avoir les éléments qui échappent à la raison sur les actes et les pensées.
« Il convient de remarquer que ces conclusions ne sont pas l’aboutissement d’une simple démarche intellectuelle. Elles sont la création d’une foi qui opère, dans l’âme du Prophète, à la manière sourde et intelligente d’un germe vivant ».
Il est plus sensible à ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui le fait religieux qu’à la religion.
L’introspection de notre auteur est différente de celle par exemple de Bennabi qui par l’étude rationnelle du Phénomène coranique en déduit l’authenticité du coran et de l’Islam alors que lui ne cherche qu’à redécouvrir les moyens de l’efficacité sociale, voire sociétale de l’Islam.
Dans cette biographie toute humaine et toujours en comparaison avec Bennabi, il n’arrive pas à distinguer en Mohamed ses deux faces, celle du Prophète tournée vers les hommes et celle du Saint tournée vers Dieu.
La valeur de cet ouvrage réside pour les musulmans de le rappel de leur mission, leur devoir envers tous les hommes, envers l’humanité entière et aussi comme le dit à juste titre le préfacier de « rendre sensible à des lecteurs non musulmans la valeur inestimable du Prophète ».
26 juillet 2009
Abderrahman Benamara
2 commentaires
el misdasya
Quelle crédibilité à accorder aux intellocruels? Les vertus de l’islam ne leur permettent même pas de maîtriser leur rejet inné de la berberite
Tribalisme
La « berbérité » n’est qu’un relent de tribalisme désuet et le’ berbérisme une trahison des idéaux portés par le peuple maghrébin depuis quatorze siècle; Il n’y a aucun cruauté à le constater.
Si certains se complaisent à regarder derrière eux, grand bien leur fasse. C’est une peur panique de l’avenir et ils ne feront rien de bon pour leur société.
C’est dans un grand Idéal qu’une société se forge et maîtrise son destin. Et seul l’islam peut le procurer. Et c’est ce que j’ai compris dans cet article où même un intellectuel non musulman a réussi à apercevoir la grandeur de l’islam.
L. DIB