La leçon de Nasser
« Celui qui ne se contente jamais de peu ne sera jamais content de rien » Epicure
Dans mes désarrois d’homme perdu, j’ai repensé pour me désaliéner et me requinquer, à mon copain Nasser que j’ai perdu de vue depuis son départ de notre bourg. J’ai conservé son numéro de téléphone pour constater ravi qu’il ne l’a pas changé, j’ai donc échangé quelques mots avec lui. J’avais toujours douté des joies de Nasser tant mon désespoir était immense, mon pays plongé dans la plus grande incompréhensible barbarie. Comment peut-on ?
Nasser avait tout simplement la foi en Jésus Christ, en Dieu, en l’Eglise, et cela ne dérangeait pratiquement pas mon islam populaire, j’étais ouvert à tout tant je me cherchais toujours, aussi les causes de mon malheur qui remontent à bien loin, mais dues aussi à mon ignorance sans toute vie spirituelle. Et je n’avais pas vraiment pris conscience de ma classe sociale, de l’Etat aussi de délabrement du Tiers-monde, et qu’est ce qui me poussait à chercher à me surpasser, à rester isolé ? L’influence de la vie helvétique confinant l’individu dans l’isolement m’avait changé, adolescent, j’étais humble, simple et proche des autres ; je supportais tout et si je n’étais pas gai, j’étais néanmoins tranquille, l’âme apaisée comme Nasser que j’avais rencontré au hasard…
Nasser habitait en haut du village, dans des baraques de fortune. Il a passé son temps comme simple manœuvre avant que le filet social ne lui offre une très maigre rétribution pour quelques travaux de nettoyage à l’une des écoles du village. Il s’habillait de vêtement achetés à la friperie et Dieu sait combien il avait rêvé de repas plantureux… Nasser fréquentait les Eglises de la région sans manquer parfois de m’y inviter. Lorsqu’il m’avait annoncé sa rencontre avec une secrétaire médicale, j’étais ravi et surpris, dans ma tête les mariages dans les familles kabyles, du moins celles quelque peu aisées, ce sont les grands ennuis de grandes dépenses, de moutons à égorger, de salles à louer etc.
Il n’est point question de tout cela m’avait dit Nasser, avec ma femme on aura juste une cérémonie avec les amis à l’Eglise, l’important c’est qu’elle m’aime, qu’on s’aime…
Au téléphone, Nasser était toujours le même à louer la vie, à louer Dieu. Il m’apprit que son fils a atteint l’âge de dix neuf mois.
Que Dieu te protège et protège ton fils et tous les tiens Nasser.
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Boghni : de nouveau la régression !
Plus d’une semaine pour une simple ligne téléphonique signalée en dérangement et ils ne sont pas encore là…
Ces dernières années, au grand soulagement des abonnés, on a vu chez les télécommunications une amélioration des services, pas plus de 48 heures après avoir signalé la panne, ils arrivent remédier aux problèmes des lignes perturbées. Mais voilà depuis quelques temps, il est à se demander s’il y a un retour aux vieilles pratiques. Renseignement pris chez les employés et ouvriers du téléphone, le raccordement des villages avoisinants nécessite plus d’heures de travail, alors, paraît-il, chaque jour de la semaine est consacré à un village…
La question qui se pose, étant donné le chômage élevé chez les jeunes, pourquoi ne recrute-t-on pas un nouvel personnel pour faire face à la demande ? Les caisses ne croulent-elles pas de pétrodollars ? Et ne faut-il pas mettre à bon escient l’argent de tous ? Utiliser cet argent au développement du pays ?
Cinquante deux ans après l’indépendance, on n’est pas sorti de l’auberge, dans tous les secteurs il faut faire intervenir quelqu’un pour, par exemple, un dérangement d’une simple ligne de téléphone. Pour ma vieille mère qui a juste cet outil pour rester en contact avec ses enfants, dernièrement plus de quinze jours s’étaient écoulés après que la panne ait été signalé au n° 12, il a fallu que mon frère d’Alger touche quelqu’un qui…
Sommes-nous damnés à rester mendiants même en déboursant notre argent ?
Nourdine Amokrane
9 juin 2014