Ce n’est pas en vérité parce que c’est un pays musulman que la Turquie éprouve beaucoup de difficulté à intégrer l’Europe malgré ses capacités dans le développement beaucoup plus puissantes que certaines composantes nationales dans cette communauté économique.
Ce que Bruxelles craint, pour ne pas dire Paris et Berlin surtout, c’est plutôt ce pari du « au cas où ». Les rouages fluides du management démocratique bien ancrés dans les mentalités de cette Europe bien assise sur les automatismes économiques du libre échange iraient paradoxalement contaminer sur les idéologies ottomanes pour promouvoir « démocratiquement » la pensée islamiste dans l’existence officielle de la Turquie parmi ses partenaires européens unis. A la manière – qui sait ? – qu’une élue d’Ankara au Parlement européen prendra la parole à Strasbourg, par exemple, en niqab, avec au demeurant pourtant aucune incidence sur quelque entité économique ou stratégique qui soit, ainsi capable de corrompre les puissants circuits d’échange.
La croix dans toutes ses configurations admises à l’intérieur du consortium mondial de la chrétienté ne pose pas de problème européen dès lors qu’elle se présente dans les valeurs conventionnelles de la laïcité productrices de richesses ; l’étoile de David, quant à elle, n’intervient ouvertement que lorsque une flagrante manifestation antisémite est démontrée sur les individus hébraïques ou sur leurs symboles, genre profanation de tombe ou calomnie sur l’Holocauste.
C’est le croissant qui est de tout temps difficile à admettre en terre européenne depuis la prise de Constantinople, la Reconquista et les décolonisations.
En France on interdit le voile intégral mais les Musulmans de l’hexagone font la prière dans les trottoirs car la loi républicaine n’interdit pas au policier de proximité d’être musulman et de couvrir ses coreligionnaires priant et à une ressortissante qui ne laisse transparaître que ses yeux de se présenter comme candidate à une grande consultation électorale.
Seulement le geste de cette citoyenne comparé à un barbu algérien, tunisien ou marocain, qui veut accéder au pouvoir ne possède pas la même signification idéologique.
En France elle est purement culturelle, une façon comme une autre de s’identifier à travers un ensemble démocratique dans le respect des uns et des autres. Mais au Maghreb ce geste est pensé et vécu avec des valeurs radicalement différentes et quasi exclusives : les présidents de la république, de l’Assemblée nationale, du Sénat, s’ils ne vont pas à la mosquée un jour de fête religieuse ils sont plus condamnables que s’ils aient commis une forfaiture de l’ordre de l’intelligence avec l’étranger.
S’inscrire dans une forme de pensée et d’action qui sort du cadre constitutionnel de la spiritualité existentialiste relève carrément de la trahison sur sa nation. Ceux qui y croient en y tenant sont de facto considérés comme dans une situation de guerre patente. Des ennemis virtuels tant que leur démocratie théorique ne va pas au-delà de l’intimité individuelle.
Autant aux dernières nouvelles, personne n’est revenu de l’au-delà pour nous traiter du paradis ou de l’enfer, autant aucun imam, où qu’il soit et quelles que puissent être l’honnêteté et la probité qui émaneraient de son exemplaire comportement devant les fidèles et par la rigueur de sa sagesse, ne peut-il nous démontrer rationnellement qu’il est croyant. C’est-à-dire qu’il est convaincu de tout ce qu’il connaît par cœur dans le Livre et son interprétation dans les grands préceptes. Personne n’a le droit de lui faire des reproches projetés tant qu’il ne se résolve pas à comprendre que la foi – n’importe quelle foi – elle est un don et non une science qu’on apprend en discernant les arguments de l’entendement, au moyen de laquelle on peut faire n’importe quoi en incitant aussi les autres à l’accepter et le faire accepter.
En revanche on peut apprendre la politique pour apprendre et faire apprendre les préceptes de la démocratie qui interdit le radicalisme comme il est facile de se mettre à la politique pour détourner la croyance sur les chemins de l’exclusion spirituelle qui ne s’accommode pas de la démocratie.
C’est ce satané serpent qui se mord la queue depuis que Boumediene, pour fédérer le commun culturel national gravitant autour des repères de l’érudition orale basée sur la crainte de la providence divine, a ouvert les portes des frontières algériennes à la Fratrie musulmane de Hassan el Banna dont l’antienne idéologique a la peau dure et qui est en train, aujourd’hui, de faire tourner en bourrique – dans le sens barthésien du terme – les dirigeants du pays qui scandent l’article Deux de la loi fondamentale et qui ne s’empêchent pas en même temps d’ effacer l’ardoise de l’entreprise publique qui fabrique le millésime, en rouge, en rosé et en clairette.
C’est ce lugubre python, donc, comme droit sorti d’une drôle de jungle stérile longtemps assimilée comme habitée par des singes qui décourage les familles, pratiquantes ou non, les entreprises, qui possèdent des salles de prière ou non, des associations, agrées ou non, depuis le retour de Bouteflika aux affaires- ramené par qui ou par quoi, cela ne réédifie en rien les convictions citoyennes tant que les chefs militaires achètent les armes de leur puissance avec l’argent du pétrole qui appartient au peuple et qui retournent les armes contre lui quand il n’est pas d’accord avec eux, et ils tirent sur lui parce qu’ils disent qu’il n’arrive pas à bien vivre ensemble – et depuis qu’il a dit en direct à la télévision sous le regard de toute la planète, répétant trois fois : « je ferais la paix ! » Pour faire semblant de le faire, il improvise une pièce de théâtre référendaire qui se solde par la grâce sans jugement de milliers de criminels de sang, de dignité et de biens dont beaucoup reviennent parmi leurs anciens riverains meurtris pendant la période des assassinats et attentats pour les narguer avec l’argent ramassé dans les rackets contre eux.
Il n’y a pas longtemps avec Abderrahmane Mahmoudi nous parlions des magistrats faussaires et il en avait longtemps publié dans l’Hebdo Libéré. Comme il y a eu depuis toujours les islamistes faussaires. Les plus dangereux et plus subtiles dans les cercles de la réflexion en communauté. Des prédateurs sournois, ya elkhaoua, qui vous causent de Abdelhamid Ben Badis avec le sourire de la piété lascive mais qui ourdissent en concert avec les escrocs des banques internationales pour faire marcher les citoyens désespérés sur les genoux. Vous les voyez frayer en tant que dirigeants jamais mandatés par les populations dans les affaires graves désormais foutues pour les contemporains, quand même hypothéquant les générations à naître.
Où est-elle alors cette paix-là donc quand ce bric-à-brac d’« Alliance présidentielle », non pas alliance républicaine pour bien définir clairement qu’on n’est pas en démocratie en Algérie, décide à huis clos d’un alignement mental sur le modèle de l’Egypte, la Libye, la Tunisie et le Maroc afin d’obéir à la nouvelle adoption occidentale de l’Islam ? Pendant que nous sommes en train de perdre le contrôle des arrières sahariens de notre pays dans lequel il est difficile de donner la moindre couleur morale aux bandits qui le régentent. Et dont il faut aussi compter sur la puissance occidentale pour tenter de le pacifier.
Enfin pour terminer sur une note de rationalité concernant les identifications respectives des degrés de foi en Islam – car les saloperies qui se passent dans les églises et les temples ne nous concernent ni de près ni de loin parce que lahoum dinouhoum les puissants de l’Occident et leurs coqs ont bien le droit de se pavaner sur nos terrasses et l’inverse non – il faudrait patienter jusqu’au Jugement dernier pour voir qui de Louisa Hanoun la marxiste et Khalida Toumi la laïque et de Boudjerra Soltani et Abdelaziz Belkhadem les wahhabites ira en enfer ou au paradis combien même tous les quatre ils ont pris le pli de discuter en secret avec les fées du logis présidentiel pour dire oui aux oracles du Nord qui parlent dans les oreilles du chef de l’Etat et des généraux.
Nadir Bacha
17 décembre 2011