Vous aviez eu raison d’avoir été suspicieux et j’avais eu tort avec certains d’avoir cru à leurs mensonges. Pendant qu’on dormait, espérant une cité idéale, un Etat de droit, une démocratie, ils s’étaient rempli les poches, nous leurrant vraiment en s’érigeant en maitres du pays.
Mais de quel droit, de quelle légitimité usent-ils pour nous asservir à tout prix ? Notre éveil, notre expérience font qu’on se solidarise tout de suite, aujourd’hui avec le peuple égyptien. Et permettez-moi de vous faire part de ma révolte lorsque l’article m’informant de ce qui se passe en Egypte est tombé dans ma boîte électronique. Qu’ai-je lu qui m’a blessé profondément ?
Après des mois de révolte et presque un millier de mort et à l’approche des élections législatives, l’armée égyptienne a décidé d’émettre un document dit « des principes au-dessus de la Constitution ». Ce document parle d’Etat « civil » pour éviter que la nouvelle Constitution — qui sera rédigée par une commission choisie par une majorité parlementaire probablement à domination islamiste (Frères musulmans et Salafistes) — ne rédige une Constitution qui instaure un Etat religieux. Ce document a provoqué la colère des Islamistes, mais également des autres forces politiques, car il contient un passage qui fait de l’armée une institution au-dessus de tout contrôle politique ou financier. Même après la Révolution de 1952, les officiers libres n’ont pas inscrit cette clause dans la Constitution. Si l’armée portugaise en 1974 avait déposé des dictateurs civils pour instaurer la démocratie, l’armée égyptienne est elle en train de trahir la nouvelle révolution égyptienne ?
Au fond, ce qui dérange vraiment avec les militaires, dont le rôle est plutôt la défense et la sécurité du pays, c’est l’usage de la force devant les citoyens généralement affaiblis et les mains nues. Certains s’offusquent qu’un civil vole des bonbons mais ne disent rien quand l’aide américaine à l’Egypte va à leurs soutiens militaires égyptiens. Basta !
Il est urgent que cesse dans le monde arabe le bruit des bottes maintenant que ce monde a quelque peu évolué. N’est-ce pas que les temps des colonies étaient des périodes de domination par la force. Les peuples s’en souviennent, constatant que peu de choses ont vraiment changé aujourd’hui. A quand donc des armées vraiment révolutionnaires qui redonnent le pouvoir, tout le pouvoir, aux civils ?
Nourdine Amokrane
26 novembre 2011