En l’espace de quelques jours, coup sur coup, plusieurs articles paraissent dans la presse algérienne, et une vidéo sur Youtube, qui traitent, de façon inusitée, de sujets tabous, jusque là, et qui impliquent directement, ou par lourdes allusions, le DRS dans la manipulation du terrorisme, ou qui tentent, bien maladroitement, de le dédouaner. C’est la partie visible de la lutte qui fait rage.
Chamboulements…
Il y a du rififi dans l’air. Dans l’air vicié du régime. Dans son antre la plus sanctuarisée, le DRS.
Des informations persistantes, et recoupées, et des fuites organisées, font état de tiraillements, voire de conflits ouverts, entre le haut commandement de l’armée, massivement acquis au clan Bouteflika, et un groupe de généraux du DRS, eux-mêmes lâchés par leurs pairs de la même structure, et très vraisemblablement par leur propre patron, le tout puissant Général de Corps d’armée, le fameux Toufik.
Deux constats semblent se dessiner dès lors : Le premier est que la direction du DRS, si tant est qu’elle pèse encore, un tant soit peu, dans le cercle restreint des décideurs, est devenue polycéphale. Le second est que le conflit, jusque là larvé, qui sourdait entre ses principaux chefs, depuis la lutte pour le poste de DCE, libéré par le décès du général Smaïl Lamari, mais aussi depuis que le Président Bouteflika a entrepris une action de déstabilisation du Haut commandement de l’armée, pour se rallier les principaux généraux, de l’armée et du DRS, s’est étendu à l’ensemble du haut commandement militaire.
Cette mêlée au sein du DRS, et dans tout le sérail, qui avait commencé au lendemain de l’attentat de Batna, le 7 septembre 2007, contre le président Bouteflika, pour lui envoyer un message à un moment où il commençait à préparer son autre réélection, a visiblement tourné à l’avantage du Président, et achevé de semer la confusion au sein de cette organisation tentaculaire, que les Algériens appellent « dar el ghoul »(La maison de l’ogre), qui avait réussi à faire main basse sur les mécanismes exclusifs de la décision politique et économique de l’Etat.
Une presse arène…
Les articles en question ont été publiés dans la presse algérienne, dont le rôle, très ambigu au demeurant, a toujours été le conditionnement de l’opinion publique internationale, ce qu’elle tente elle-même de faire accroire, elle qui est surtout une espèce d’arène où se règlent les comptes entre clans. Ces articles ont traité, sous des angles qui en disent long, des affaires Malik MEDJNOUN, Abderazak le PARA, et Hassan HATTAB, et de la toute récente affaire, qualifiée très improprement de bavure, qui a eu lieu à Azazga, et qui, en fait, relève d’une énième tentative de se servir de la Kabylie pour brandir la menace du chaos.
Un autre article, qui se veut une analyse, commis par un ancien officier supérieur du DRS, qui passe, à tort ou à raison, pour être l’intellectuel organique de la maison, traite, entre autres points tout aussi sensibles, de l’influence directe et décisive du président Bouteflika dans une opération de neutralisation des chefs de l’armée, et d’une recomposition en profondeur des cercles de décision qui la contrôlaient. Une recomposition, en somme, du champ politique, que l’auteur nous présente sous son aspect le plus noble, dans un contexte hautement politique, là où se collètent des criminels de masse, et des affairistes voraces qui se nourrissent sur la bête.
Ce n’est pas tant le contenu de cet article qui est intéressant, mais le timing de sa publication, puisqu’il survient à ce moment précis où les uns et les autres entrent en campagne.
Echange d’amabilités…
La vidéo, qui circule sur Youtube à une vitesse rarement égalée, nous montre un jeune homme, kalachnikov en bandoulière, qui revendique son statut de terroriste aux ordres du DRS. Il fait des révélations, quelque peu décousues et primesautières, en Kabyle, sur le rôle du DRS dans le terrorisme en Kabylie. Il donne des détails intéressants sur certaines opérations, notamment sur les kidnappings d’hommes d’affaires de la région, qui ont été enlevés sur ordre du même DRS. Cette vidéo ne fait que confirmer ce que tous les Algériens savaient depuis des lustres, mais c’est le fait qu’elle se soit engouffrée en ce moment précis qui fait son importance, et qui permet d’en faire une lecture appropriée.
Nous assistons, en fait, à un échange d’ « amabilités », entre propagandistes opposés. Cette vidéo est devenue d’autant plus intéressante qu’elle a été suivie, de très près, par un communiqué de l’AQMI, qui tente de se racheter une virginité, et de se désolidariser des groupes qui pratiquent le kidnapping. Last but not least. Le clan du DRS qui a créé, activé, armé, financé et coordonné AQMI est-il en train de perdre le contrôle sur la branche de Kabylie, après avoir perdu celui du Sahel ?
Il faut relever que cette véritable offensive médiatique a été déclenchée aussitôt qu’il a été décidé de « régulariser » les affaires dites de Abderazak le Para, de Hassan HATTAB et de Malik MEDJNOUN.
Trois affaires clés sur l’implication du DRS dans le terrorisme pédagogique, et qui toutes trois menaçaient de confirmer, si elles sont instruites sérieusement, que le fameux « qui tue qui » a toujours été une vraie question.
Les honorables invités du DRS…
Abderazak le Para et Hassan Hattab sont deux émirs du GSPC, rebaptisé AQMI. Ils sont considérés par plusieurs observateurs sérieux comme étant des agents retournés par le DRS, ou infiltrés par lui, au sein des GIA, puis du GSPC. Le premier un des piliers de la grosse contrebande aux frontières, et de trafics en tout genre dirigés par des généraux du DRS, des trafics particulièrement rentables, comme celui du kif, de la cocaïne, des cigarettes, est l’auteur de l’enlèvement et de la séquestration de 32 touristes étrangers au Sahara et au Sahel. Une des otages, une Autrichienne, avait décédé pendant la criminelle équipée, et le Para avait encaissé une rançon de plusieurs millions d’euros, pour relâcher les otages. Abderazak le para fut arrêté par le MDJT, un mouvement armé rebelle, basé dans le nord du Tchad.
Lorsque le MDJT entra en contact avec le gouvernement allemand, pour lui livrer Abderazak le para, le DRS engagea, auprès de M.Kadhafi, le dirigeant libyen, une action qui n’a pas encore livré ses secrets, pour court-circuiter les intentions du MDJT, et empêcher qu’il ne soit remis aux Allemands. Cela aurait eu des suites catastrophiques pour le DRS, si Abderazak avait été jugé par la justice allemande. Il aurait parlé, et le monde entier aurait su que les actions terroristes des terroristes algériens étaient commanditées par des généraux algériens. Les libyens intervinrent, et firent pression sur le MDJT qu’ils contrôlaient et qu’ils finançaient. Abderazak Le Para fut donc récupéré, et remis à ses sponsors algériens. Contrairement à ce qui aurait pu être effectué, par la suite, dans n’importe quelle république bananière, moyennement honorable, Le Para ne fut pas remis à la justice algérienne, qui le réclamait, mais gardé en villégiature, dans un endroit tenu secret, sous la coupe du DRS, très probablement dans une résidence spécialement aménagée pour les émirs du DRS, au sein de la caserne Antar, à Ben Aknoun.
Et le DRS refusa de remettre ce Monsieur à la justice, qui continuait de le considérer « en fuite », et de le condamner à plusieurs reprises par contumace, alors que n’importe qui, en Algérie, savait qu’il était hébergé par le DRS. Plus que cela, Hassan Hattab, émir en chef du premier, lui aussi recherché par la justice algérienne, qui le considérait en fuite aussi, bénéficia du même traitement surréaliste, et devint un honorable invité du DRS, au su et au vu de tout le monde, et il fut, lui aussi, condamné par contumace par la justice algérienne, y compris à la peine capitale.
En détention préventive depuis douze longues années…
Pour ces deux invités de marque, et d’autres encore, moins connus, le DRS opposait une fin de non recevoir à la justice qui n’osait même pas les lui réclamer directement, et qui se contentait d’envoyer des convocations au domicile des intéressés.
Ces émirs du DRS étaient devenus une sorte d’enjeu, entre le clan présidentiel et le dernier carré des irréductibles du DRS. Pour la simple raison que ces derniers étaient les plus exposés, en cas de révélations sur le rôle du DRS dans la manipulation du terrorisme pédagogique. Deux parmi ces généraux, qui avaient le grade de commandant, au moment des faits, étaient à un niveau « opérationnel » de haute intensité, au moment des actions entreprises par les « terroristes ». En plein terrorisme pédagogique. En clair, non seulement ils couvraient des actions terroristes, mais en plus, ils ne rechignaient pas à mettre la main à la pâte, lors d’exécutions extrajudiciaires, et de torture.
Ce fut le cas aussi pour l’affaire Malik Mdjnoun. Cet homme, dont l’affaire a été qualifiée de kafkaïenne par Me Aït-Habib, son avocat, est symptomatique de la vraie nature du régime algérien. Il est incarcéré, dans une prison, à titre détention PREVENTIVE, depuis DOUZE ANNEES. Depuis le début de l’année 1999. Sans procès. 12 ans ! C’est dire.
Il a été présenté à la justice 08 mois après son enlèvement par le DRS. Huit longs mois pendant lesquels il fut atrocement torturé, pour lui faire avouer un crime qu’il n’avait pas commis, celui du chanteur engagé Maatoub Lounès, une idole en Kabylie.
Qui contrôle la Kabylie contrôle le pays…
Cet odieux assassinat, en plus des motivations qui l’ont provoqué, a servi d’argument massue à ceux qui doutaient de leur détermination, et de leur capacité à contrôler la Kabylie. C’est comme s’ils disaient à tous les adversaires : « Admirez le brio ! Matoub Lounès est la personnalité la plus adulée de la jeunesse kabyle, et nous l’avons éliminé sans que personne ne bronche. La Kabylie, c’est comme on veut nous, et personne d’autre. Si on veut qu’elle bouge, elle bouge. Si on veut qu’elle ne bouge pas, alors elle ne bougera pas, dans n’importe quelle circonstance.»
L’un des officiers opérationnels du DRS qui ont concocté ou fait exécuté l’assassinat de Matoub Lounès, et qui aurait contribué personnellement à la « question » de Malik Medjnoun, pour le convaincre d’avouer, est aujourd’hui un des généraux qui se sentent menacés par d’éventuelles révélations. Ce général, lui-même Kabyle, impliqué autant dans des opérations de terrorisme pédagogique, que dans des affaires de très gros sous, appartient au clan du DRS qui a instrumenté la violence en Kabylie, et qui continue de la faire, pour des raisons qui font froid dans le dos.
Ces gens, dont certaines informations laissent penser qu’ils ne sont que des criminels brutaux, et non des stratèges machiavéliques, comme ils tentent de le faire croire, ont utilisé toute une région du pays, la plus peuplée, la Kabylie, pour la conditionner, et en faire une poudrière, qu’ils peuvent faire exploser au moment qu’ils auront choisi. Le tout était de la déstructurer, et de la maintenir dans un état permanent d’anxiété, et de terreur.
La Kabylie était le fer de lance de l’Algérie, en termes de potentiel contestataire, ils ont en fait le ventre mou du régime, pour pouvoir le garder sous leur dépendance. Ils y ont testé toutes sortes d’expériences. Ils y ont injecté des GIA particulièrement bien équipés, pour y greffer une sorte d’organisation de la peur, sur les populations, pour les neutraliser. Puis, pour couper cette région contestataire du reste du pays, et la désigner à la vindicte des Algériens des autres régions, ils y ont encouragé une opération d’évangélisation, aussi vaste qu’elle fut vaine, au moment même où ils faisaient répandre sur les Kabyles une propagande haïssable, de gens qui consomment ouvertement du porc, qui brûlent le Coran et l’emblème national, qui insultent le prophète de l’islam, oubliant de préciser que la Kabylie est la région du pays qui abrite le plus de mosquées. Mais cette propagande ne fut pas sans effets.
La terreur et la débauche débridée…
Puis, dans leur lancée, après avoir initié des sites internet islamophobes, ils ont lancé un discours séparatiste qui ne disait pas son nom, pour ne pas braquer les Kabyles. Lorsque le terrorisme a commencé à s’atténuer, à la suite de circonstances qu’il n’est pas utile d’évoquer ici, ils ont craint que la Kabylie, leur outil le plus décisif, ne leur échappe. Alors, ils ont mis sur pied une autre forme de terrorisme, celui de l’enlèvement des hommes d’affaires et de leurs parents.
Ils ont pu ainsi instaurer, et généraliser, à toute la Kabylie, un climat anxiogène d’une rare intensité. Ils ont mis en place, dans des villes stratégiques de la Kabylie, tout un dispositif de terreur et de déstabilisation qui neutralise et annihile toute velléité d’organisation de la société, en même temps qu’il la maintient en état de menace potentielle dont ils se servent pour renforcer leur influence.
Cela a engendré une sorte d’organisation très spécifique, mi-intégriste, mi mafieuse, qui collabore très activement avec le DRS, et qui reçoit en échange des brisées qu’elle peut exploiter à sa guise, et dans l’impunité. Jamais auparavant la Kabylie n’a été autant infestée par un nombre aussi grand de lieux de débauche en tout genre, en coopération avec ceux-là même qui prônent une république islamiste. Une vraie purée de poix, où se côtoient des prédateurs de tout accabit.
Ce qui se passe en ce moment, particulièrement en Kabylie, relève de tous ces cas que j’ai évoqués. Le clan du DRS qui cherche à garder, ou à reprendre des espaces de décision, et à prolonger un deal qui leur a toujours permis d’être les maîtres du pays, est aux abois. Il est acculé par unclan qui a le vent en poupe, et les smoyens de ses ambitions.
Qui attaque qui ?
Cette décision de diligenter le procès de M.Medjnoun, de remettre H.Hattab et A.le Para entre les mains de la justice, , dont il est permis de penser qu’elle a été initiée par le Président Bouteflika, et la quasi-totalité des chefs de l’armée, y compris celle du général Mediène, dit Toufik, est un évènement crucial. L’agitation qui s’est emparée de certains milieux, dont l’influence sur les médias est encore intacte, dénote d’une véritable panique. Ces milieux, dont le cœur battant se trouve au sein d’un carré d’irréductibles du DRS, mais qui sont connectés à des puissances d’argent, y compris internationales, tentent de réactiver leurs réseaux en Kabylie, pour la faire entrer dans une phase plus aigue d’incertitude. La « bavure » de Azazga découle de cette logique. En entrant dans une telle dynamique, ces milieux, passés maîtres en matière de subversion, tentent d’agiter le spectre du chaos. Ils disent, en clair, que si la machine de guerre qui s’est ébranlée contre eux les accule davantage, ils déclencheraient des évènements aux conséquences incalculables. Parce qu’ils savent que ceux qui veulent les réduire, vraisemblablement le Président Bouteflika et les chefs de l’armée qui l’ont rallié, sont épouvantés à l’idée que l’Algérie n’entre dans la déferlante révolutionnaire qui bouleverse toute la région. C’est leur dernière tranchée. Ils cherchent à faire passer un message clair: Nous ou le chaos !
Des questions lancinantes subsistent néanmoins. Qui est encore dans ce clan du chantage au chaos ? Qui au juste ? Pour quels objectifs inavouables le clan présidentiel a-t-il opté pour une éradication de ce clan ? Certainement pas pour moraliser le monde interlope de la politique à l’algérienne, ca se saurait sinon. Pourquoi alors ?
Djamaledine Benchenouf
28 juin 2011