Le moment semble venu pour vous, M. le Président, de prendre conscience de votre écrasante responsabilité, en faisant preuve d’un dernier sursaut d’honneur, pour sauver ce pays en entamant d’urgence, un processus d’auto-liquidation d’un pouvoir qui porte désormais en lui, toutes les caractéristiques juridiques, morales et matérielles d’un pouvoir en faillite.
A commencer par l’annonce solennelle de l’organisation – sous un délai aussi court que possible – d’élections générales pour la mise en place d’une Assemblée Constituante authentiquement représentative de la volonté du Peuple. Assemblée à laquelle seront immédiatement transférés tous les attributs de la Souveraineté Nationale. »
Hier, en ce vendredi béni du 11 Février 2011, le régime traitre et corrompu de Moubarak est tombé, en l’espace de quelques jours, grâce à la magnifique révolution du vaillant peuple d’Egypte – que l’on avait enterré un peu trop tôt – qui a réussi, malgré les pressions des Etats-Unis et d’Israël, malgré les gesticulations de l’Union Européenne et malgré le soutien honteux de la monarchie des Al-Saoud et de quelques autres régimes supplétifs.
Je vous demande à vous et à ceux qui vous ont fait roi – c’est-à-dire la clan des généraux putschistes – qui avez spolié les libertés du peuple algérien, qui avez pillé les richesses de l’Algérie et qui avez détourné le patrimoine de la nation, de prendre conscience de la réalité, en intériorisant le fait que le monde arabe – dont l’Algérie fait partie intégrante – est entré historiquement dans une phase de luttes révolutionnaires, au nom des libertés, de la dignité et de l’honneur de nos peuples si longtemps trahis, contre les dictatures corrompues, inféodées aux intérêts de l’alliance impérialo sioniste constituée par les Etats-Unis, Israël et l’Union Européenne.
Vous venez d’être les témoins en direct, de l’échec des politiques du mépris et de l’arrogance, de la hogra et de la répression. Vous venez d’être les témoins du caractère irrésistible et inflexible de la volonté populaire quand elle se met en branle.
Vous venez d’être témoins que les soldats, les sous-officiers et les officiers subalternes qui constituent la colonne vertébrale de toute armée, ne sont ni plus ni moins que des enfants du peuple endossant une tenue ; des enfants du peuple qui ressentent les mêmes souffrances et les mêmes joies, les mêmes colères et les mêmes indignations que leur peuple dont ils sont issus. Ce sont ces hommes-là, qui, en Tunisie et en Egypte, ont refusé de tirer sur leurs frères et sœurs, sur leurs pères et mères, sur leurs enfants et ont privé leur hiérarchie supérieure de recourir à la force aveugle. Ce seront les mêmes hommes qui demain en Algérie, refuseront d’obéir aux ordres criminels de la répression aveugle.
Pourquoi donc s’obstiner devant l’évidence ? Pourquoi faudra-t-il encore arroser du sang et des larmes des siens, cette terre d’Algérie qui en est tant saturée, depuis les massacres sauvages d’un siècle et demi de colonisation française, jusqu’au quasi génocide subi par notre peuple, durant la Guerre de Libération ? Sans oublier les 200.000 morts de la décennie noire, dont la quasi-totalité est imputable à ceux qui vous ont adoubé en 1999, en tant que Chef de l’Etat, pour ensuite vous manipuler et vous compromette dans cette grande mascarade-imposture de la soi-disant « réconciliation nationale » qui est en fait une opération clandestine d’auto-amnistie, de ceux qui ont commandité des Crimes Imprescriptibles contre le peuple algérien et qu’aucune loi scélérate ne peut protéger.
Serait-il écrit que votre ego, votre inconscience, votre arrogance, vous et vos semblables, vous aveugleront jusqu’à la seconde ultime d’une vie de forfaitures, alors que d’un seul acte courageux, consistant à vous démettre du pouvoir et à vous en remettre à votre peuple, vous pourriez épargner à ce peuple une nouvelle tragédie, en vous épargnant à vous-même, une nouvelle mise en accusation par l’Histoire ?
Abdelkader Dehbi
12 février 2011