Mon seul grand problème est avec les cennes noirs (cents). Je n’arrive pas à gérer leur abondance. Des fois je les jette dans les poubelles, dans les conduits des égouts à travers les fentes ou parfois je les mets dans des sacs Ziploc et les glisse dans les boites postales afin de les envoyer nulle part. Quant aux billets, je possède une machine qui les compte et une autre qui détecte les faux des vrais.
Le soir je cours avant le deadline vers les refuges pour être dans les bras de Morphée. Je couraille entre Old Brewery Mission, la Maison du Père et le Bon Dieu Dans la Rue à la recherche d’une place dans des asiles que je considère comme des gîtes ou des suites d’hôtel à cinq étoiles.
J’arrive tout de même à manger, à me doucher et à me coucher sur un lit dans un dortoir avec plein de gens sans abri et sans pouvoir. Dans le noir, en pleine nuit, j’entends le ciel qui commença à pleuvoir. Dans la couette, tellement content, je crie victoire.
Parfois, quand j’arrive aux portes d’une de ces renardière en retard ou je serai dans la file d’attente à l’extrême de l’hectare, les portiers me retournent bredouille et la rue s’ouvre à moi et m’offre ses bancs de parcs où je m’étends dans une auberge à ciel ouvert avec bien plus que cinq étoiles.
Quand viendra le temps du Carême, du mois de jeûne ou le Ramadan, je me convertirai à la piété et j’approcherai nos mosquées afin de quêter un abri, une soupe chaude et une chaleur familiale.
Quand je m’assoie à l’indienne et selon le rite de la Sunna, les larmes coulent à flot et le film des souvenirs familiaux se défile et je vois ma mère, mes frères et mes sœurs autour de la table basse et la fumée de la Harira se dégageant des bols, envahissant l’atmosphère.
Hier j’avais un abri et aujourd’hui, je me retrouve sans domicile fixe et à la merci des sans foi et aux âmes généreuses dont la foi est différente de la mienne.
Jamais, on ne se retrouve à la rue par hasard. À chaque cas, il y a sûrement une très longue histoire. Je trouve mon histoire drôle. C’est même trop drôle. Jai traversé l’atlantique pour une vie meilleure que celle que je menais dans ma contrée originelle. Elle est quand-même magnifique cette vie de mendigoter que je traîne car, si je convertis la somme quêtée, je serai plus riche dans mon pays originaire car, je gagne plus que le minimum garanti du salaire.
Je ne vous demande pas de la charité;
Ce geste je le considère comme activité;
On se comprend semble-t-il, dans la mentalité;
Je joue le rôle de la mendicité.
Houari Weldmaraval
14 septembre 2010