La pratique de la politique est l’apanage d’un cercle restreint, autour du Président de la République. En dehors rien ne bouge. Les partis politiques s’autocensurent, et les plus hardis ne peuvent qu’organiser, avec toutes les craintes des conférences où les discours se résument à de la critique informative, sans proposition. Bien sûr que cela arrange le pouvoir.
Entre temps les affaires de grosse corruption s’étalent dans la presse et autour des tables de discussion sans réaction tangible ni de la justice, encore moins de l’Etat puissance publique. Rien que du mépris par le silence.
Quand donc fera-t-on appel au génie populaire pour prendre avis : il faut le dire tout de suite, jamais. La raison est que le pouvoir considère ce peuple indigent même dans ses réflexions, un peuple de demeurés qui ne cherche qu’à se goinfrer, à s’amuser et travailler dans des bureaux climatisés.
Pourtant, il est très aisé de faire la démonstration que toutes les réformes engagées depuis 1982 ont abouti à des échecs cuisants. Il suffit de procéder au diagnostic aujourd’hui et se projeter sur l’état des lieux avant l’engagement de ces programmes qui, nous disait-on devait faire de notre économie et de nos entreprises des outils performants.
La restructuration des entreprises
Mr A. Brahimi, premier ministre de l’époque soutenait mordicus que la restructuration devait faire de nos entreprises des centres de production de richesses à hauteur des investissements consentis.
En réalité je pense que c’est plutôt le poids gênant des managers à la tête de ces géants qui fut le mobile de base de cette opération. Il est, en effet, difficile d’admettre qu’au moment des regroupements par ailleurs, pour des motifs évidents d’acquisition de force de négociation et d’expansion, en Algérie, nous en Algérie nous engageons le processus inverse de parcellisation.
Avec les mêmes gestionnaires, promus aux rangs de DG, nous avons essayé de prouver que les « petites » entreprises étaient mieux gérables. Sur le plan des individus cela est peut être possible. Mais la plus grosse des pertes conséquence de cette restructuration est la destruction de cette grande expérience collective, acquise dans les équipes difficilement mises en place dans les structures de gestion des entreprises nationales.
Cette expérience a été accumulée durant les périodes de développement, dans les échanges entre les sociétés et les bureaux d’études étrangers, lors de la réalisation des complexes industriels. L’affectation-répartition des cadres composant ces équipes a fait d’eux, des cadres, certes promus, mais impuissants sans la synergie qui existait avant.
L’autonomie de gestion
Après des débats presque en cercle fermé, lors de la Conférence Nationale de Développement (1987), des cadres choisis, ont eu « le courage » de demander un peu plus de liberté d’initiative dans leurs missions de management.
L’Etat a réussi à se débarrasser de ses responsabilités directes de gestion. Mais en matière d’autonomie, bien que sans le pouvoir des ministères, les sociétés de gestion des portefeuilles se sont substituées aux structures lourdes des tutelles ministérielles.
Mais là encore la ressource humaine a été négligée, ou plutôt n’a pas fait l’objet d’une utilisation optimale sans interférence. Il faut rappeler simplement pour le démontrer que les conseils d’administration ont été constitués et montés selon les humeurs et les accointances des PDG et les administrateurs des Fonds de Participation, sans considération aucune des compétences disponibles dans les entreprises.
D’autre part, ces entreprises ont été constituées, déjà au départ, par de lourds endettements hérités depuis la restructuration, sans capital social, donc sans aucune identité.
Il faut souligner que cette opération autonomie, a été engagée juste après la crise de 1986/1987 qui a vu les prix du baril de brut chuter d’une manière drastique et vertigineuse.
Malgré l’autonomie, les schémas de réflexion ont été reconduit et les même causes produisant les mêmes effets, nos entreprises se retrouvent vite dans des situations les plus délicates : sous activité, surendettement et par voie de conséquence, la nécessité de procéder encore à d’autres réformes.
Ajustement structurel
Il a suffit de quelques années, tout au plus cinq, pour, appeler encore d’autres mesures, cette fois ci plus radicales. Le contexte se prêtait bien tant sur le plan politique, le pays faisant face à un plan de déstabilisation diabolique, que sur le plan économique la dette extérieure et son service réduisant à néant nos recettes et mettant le pays dans la position fort inconfortable de cessation de paiement.
Sous la dictée des institutions qui sont le FMI et la Banque Mondiale l’Algérie engage des plans d’ajustements structurels et de redéploiement dont les conséquences sont douloureuses sur le plan social et sans efficacité aucune sur le plan économique.
Les résultats sont les constats d’aujourd’hui : entreprises fermées ou à l’abandon, des centaines de milliers de travailleurs licenciés, un investissement productif déjà au ralenti depuis 1980, « interdit », une production nationale anéantie au profit des importations tout azimut confiées à des aventuriers sans foi ni loi défiant même l’Etat et faisant fi de tout intérêt national.
Abandonnées les entreprises restructurées encore une fois pour les réduire à des tailles permettant leur disparition sans bruit, ferment l’une derrière l’autre sans les moyens de compétition imposée par les produits étrangers, qui, au début étaient de bon aloi, pour virer ensuite, une fois le marché conquis à des rebuts de toute provenance, voire même des produits dangereux.
La privatisation
Ce qui était prévisible déjà au début des années quatre-vingt, et devait arriver arriva : la privatisation sous le prétexte de mondialisation de l’économie, faisant de la libéralisation et du marché les deux divinités.
Même si, pour certains secteurs, il doit être entendu que seul, le secteur privé peut être performant, la manière dont la privatisation est lancée et les échéances fixées pour des motifs non explicites présageaient déjà un échec cuisant. Il faut ajouter que Mr le Ministre (MPPI), bien qu’éminent professeur en économie, devait savoir qu’on ne peut privatiser, le terme devant être pris dans son acception économiste, comme on vend aux enchères publiques de la ferraille.
Mais l’annonce faite par le Net, accouplée aux déclarations d’un ministre (de l’économie) décrivant nos entreprises de vieilles quincailleries rouillées, étaient des puces à l’oreille des éventuels acquéreurs intéressés : la question à poser est « voulions nous réellement privatiser nos entreprises » ?
Le bilan, qui doit être fait n’est pas du tout dans la proportion des espérances affichées au départ. Exception faite de quelques opérations excessivement médiatisées, avec les résultats connus aujourd’hui (participation étrangère dans ENADE, SIDER), les seules entreprises cédées aux entrepreneurs algériens se recensent les biscuiteries, limonadières, briqueteries, et quelques entreprises locales de bâtiment vite abandonnées.
Avec la dernière crise, nos gouvernants nous rassuraient que nous n’étions pas concernés. Bien sûr, personne ne les a crus.
C’est le moment, pendant qu’il est encore temps, de penser à relancer l’outil de production de biens, mettre en place des mesures découragement de la consommation des produits importés, et cela est possible sans que ces mesures ne prennent l’allure de protectionnisme, bien qu’ailleurs cela se fasse au vu et au su du monde entier.
A quoi donc vont servir ces milliards de dollars si ce n’est pour préparer ce pays que nous avons emprunté à nos enfants. Il faut le leur rendre, plus sain et plus riche.
Arezki Maouche
1er mars 2010