D’une manière péremptoire et d’un revers de main méprisant, l’on écartait tout risque de soulèvement populaire, en argumentant par ce « l’Algérie n’est ni la Tunisie, ni l’Egypte ».
L’Algérie a, selon les analystes attitrés, déjà réalisé sa révolution démocratique en Octobre 1988, qui, pourtant, à chaud, a été traitée de « chahut de gamins ». Plus tard un scénario nous a été servi presque officiellement, démontrant force témoignages à l’appui, et théorie du complot aidant, que ce mouvement ne fut que soubresauts de luttes de clans, une pièce de théâtre dont les imprésarios et autres metteurs en scène étaient logés à El Mouradia.
Plus osé encore, cette révolte, dont certains prêtaient la paternité au Président de la République, himself, à partir du fameux discours du 16 septembre 1988, le déclencheur.
Aujourd’hui donc, ce même mouvement est revendiqué par les locataires du même Mouradia, qui ont changé depuis, comme acte historique de revendication démocratique du peuple soudain grandi par ses aspirations de lutte pour la liberté.
L’intervention militaire à Alger, les cinq cents morts par balles réelles de guerre sont donc des égarements de l’Armée, qui ne peuvent être comptabilisés que comme dégâts collatéraux d’une pièce de théâtre dont on n’aurait pas prévu les dépassements non maitrisables : on aurait pris peur pour la République menacée ou bien de la Nouvelle République qui en devait naître.
Le peuple serait sorti dans la rue pour demander du pain et on lui offre la démocratie trop vite : nous sommes en apprentissage de la démocratie, argument fallacieux pour justifier les « coups de frein » donnés à cet élan.
La démocratie post 1988 a vu fleurir une kyrielle de partis politiques, une nuée de journaux dont les lignes éditoriales osaient, de syndicats et d’associations dont les statuts et objectifs étaient louables et élogieux pour bon nombre d’entre eux.
Cette ouverture démocratique débouche sur une accélération des événements de l’Histoire récente qui a vu :
– une démission d’un Président de la République ;
– un arrêt d’un processus électoral ;
– un assassinat d’un Chef d’Etat ;
– une guerre sans merci qui ne dit pas son nom avec son lot de victimes, de malheurs, de souffrances et de disparus dont les parents n’ont pas encore fait le deuil.
Il y a de cela douze années, il paraissait de toute évidence que l’Algérie allait reprendre le chemin de la paix, de la croissance économique et du développement, de la réintégration de sa place dans le concert des nations la tête haute.
D’abord, d’abord la Paix !
Après la Loi sur La Rahma initiée par le Président Zeroual, vint la Loi sur la Concorde Nationale et la Paix, soumise à plébiscite et adoptée par le peuple.
Hasard heureux, les prix du baril de brut flambent sur le marché et le pays engrange des milliards de dollars ce qui lui permit :
– de financer les coûts de cette Loi ;
– de rembourser par anticipation toute sa dette extérieure et de se libérer du joug des créanciers ;
– de constituer une réserve financière énorme faisant l’envie de nombreux pays ;
– de lancer des programmes ambitieux de relance de l’économie.
Mieux, on nous promit des investissements directs étrangers qui contribueraient très largement à cette relance stoppée durant de longues années. La croissance allait connaitre un bond qui ferait de nous un tigre de la région. Sur le plan social c’est à coups de millions que se programment les logements et la crise allait disparaitre.
Tout portait à le croire, la paix et la stabilité retrouvées, la patience étant un signe de Foi, les espoirs étaient permis, musulmans que nous sommes.
Ceux que nous désignions de terroristes ne sont plus que des « égarés » qui retrouvent enfin la voie à l’appel du peuple qui accepte par le biais de la Loi qu’il a approuvée à la grande majorité.
Les investissements directs étrangers arrivent et c’est l’Algérie utile qui les attire. N’eut été un éclair de génie du Président de la République qui se ravisa sur un conseil éclairé, le Sahara et son pétrole seraient à l’heure qu’il est un territoire enclave sous domination économique étrangère. Un immense réservoir de brut d’où nous tirerions quelques subsides.
Bien sûr qu’il y eut quelques investissements étrangers hors hydrocarbures. Mais à voir les problèmes qu’ils ont entrainés, il est permis d’émettre des doutes sur leurs performances : exemple de la téléphonie mobile (cas d’Orascom Télécom), de la SNS El Hadjar, ENADE, etc.
Bien sûr encore qu’il y eut des promesses de Fonds arabes d’investissement, qui eux rêvaient et promettaient de faire de nos côtes et leurs régions des zones de détente des émirats de loisirs et de commerce, des résidences pour les nababs et nouveaux riches.
Au premier couac, la crise de septembre 2009, les promesses s’évaporent. Retrait des intentions ne laissant que rêves inachevés.
Tel un mirage dans le désert, ces maquettes exposées sous les feux de la rampe disparaissent, furtives et insaisissables.
Pourtant le chômage recule de 19% à 10%, par les vertus des programmes d’insertion des diplômés, de l’emploi jeunes, des emplois sociaux et autres mesures d’aide grâce à un immense budget du ministère de la Solidarité organisant une distribution de la rente.
Le temps passe et nous nous complaisons à applaudir les réalisations du Programme du Président, lorsque l’équipe nationale ne nous offre pas l’occasion de nous caresser le nombril de notre patriotisme à fleur de peau.
La croissance repart grâce à des investissements massifs dans les infrastructures de base, investissements nécessaires, il faut le dire, mais qui créent des emplois durant leurs périodes de réalisations en nombre, nombre en régression certaine durant l’exploitation : cas de l’autoroute, des barrages, des voies ferrées.
Exception faite de l’agriculture, de l’hydraulique, où sont les investissements producteurs de biens et créateurs d’emplois pérennes.
Le pire dans tous ces efforts d’accumulation de capital, ces opérations d’investissement sont toutes, ou presque toutes, accompagnées d’actes de malversation dont les frasques nous ont été servies abondamment par la presse.
La corruption s’est érigée en sport national à telle enseigne qu’elle semble même s’être institutionnalisée et beaucoup nous affirment qu’il est normal, et cela serait valable même pour les pays développés, où ce fléau est inévitable ?!
La question qui mérite d’être posée est : le pays est-il vraiment géré ? Y’a-t-il des visions de développement stratégique dans le but de réaliser l’indépendance économique ou à défaut, de libérer, un tant soit peu, le pays des griffes des importateurs et des pays qui ne voient l’Algérie que comme tiroir-caisse.
A regarder de près l’évolution du marché et des produits étalés ostensiblement, assurément que la réponse est non, les produits algériens se faisant de plus en plus rares, à la limite de l’inexistence.
Voilà pour la qualité de nos dirigeants et des niveaux de leurs soucis. Par contre, le peuple, lui, est traité de tous les noms et affublé de tous les qualificatifs : sale, médiocre, fainéant, une jeunesse qui ne cherche que des emplois de bureau, des jeunes qui prennent le large au risque de leurs vies juste pour épouser des blondes.
Lorsque le peuple s’exprime par le seul moyen qui lui reste, à savoir la manifestation de rue, l’autisme et la sourde oreille le poussent à l’émeute, justifiant la répression, la division, la ghettoïsation et l’isolement.
La mal-vie et l’obscurité des horizons poussent les jeunes à « brûler » leur vie dans des aventures incertaines, risquant les abîmes de la mer et les vautours de l’autre côté de la Méditerranée. L a réponse, au lieu de la prise en charge tout au moins de l’étude de ces cas, est une Loi criminalisant leurs actes, en violation de la Constitution garantissant le droit à chacun de quitter le territoire national, la forme étant à la charge de l’Etat.
Le souci de cette Loi n’est pas de limiter cette émigration « clandestine » mais plutôt de protéger la Rive Nord de la mer, à la demande et sous la pression des pays riverains qui se plaignent de ce phénomène.
Que reste-t-il de tous ces espoirs, tant en Algérie, que dans les autres pays arabes ?
La réponse est donnée par ces mouvements qui secouent tout le Monde Arabe. Les peuples de ces pays, depuis longtemps opprimés et jugulés, se réveillent et expriment non seulement leur ras le bol mais de plus leurs décisions de rupture et de changement radical : « echaab yourid iskat ennidham » est un slogan brandi du Maroc à la lointaine Syrie.
Parti d’une petite bourgade de Tunisie, après l’immolation d’un jeune désespéré, le feu s’est propagé très rapidement à la puissante Egypte : les deux régimes tombent et les deux Présidents partent.
Algérie ? En apprentissage de la démocratie
Il est utile de faire une rétrospection sur une partie de notre Histoire pour tenter de montrer que cette allégation est non seulement mensongère mais est utilisée comme arme de castration et d’avilissement aux yeux de l’étranger.
Dans moult déclarations, nos politiciens et de hauts placés affirment que nous ne sommes pas encore mûrs pour la démocratie, qu’il nous faut beaucoup de temps pour nous adapter et que, de toute manière, notre démocratie ne doit pas être calquée sur l’occidentale. Elle doit être spécifique, encore une fois, comme notre socialisme, pour prendre en considération et la religion, et nos mœurs, coutumes et cultures.
Ce genre d’inquiétude est réitéré lorsque les débats ont lieu sur les droits de l’homme : un Chef d’Etat étranger en visite en Algérie avait dit que pour nous autres, le droit de l’homme vital et prioritaire est le droit de vie et de se nourrir… les libertés, on verra après.
Tant de flagorneries de la bouche de ceux qui prétendent s’ériger en gouvernants de droit presque divin, les seuls à même de diriger, c’est à peine s’ils ne se plaignent pas de la médiocrité du peuple.
Dans un de ses discours, le Président a décrété la fin de la légitimité historique. En 2011, qui sont-ils ces dirigeants extra lucides, super patriotes et nationalistes de la plus haute sensibilité voulant se légitimer vaille que vaille par le discours populiste, le seul qui reste encore à leur disposition et difficile à combattre, surtout lorsque la parole est monopolisée.
Bien entendu que la légitimité par les urnes est tentée et bien utilisée ; mais nous en connaissons les méthodes et les résultats : où en est l’enquête sur les élections législatives de 1997, dont le rapport est toujours sous le coude.
Nous ne connaissons donc pas les méthodes de la démocratie ! Pourtant un petit saut en arrière dans notre Histoire récente permettrait d’affirmer le contraire. Le peuple algérien est rompu à ces pratiques démocratiques sous l’occupation, pendant la lutte armée, et ne devrait-on pas souligner que c’est justement parce que ces valeurs de la démocratie ne lui ont pas été reconnues qu’il s’est soulevé et a pris les armes : pour la Liberté ?
De 1830 à 1954 notre Histoire est semée d’épopées de résistances, de luttes, d’insurrections, de combats politiques : d’Abdelkader, Bouamama, Aheddad, Boubaghla, Fatma N’soumeur, le peuple s’est toujours rangé derrière la bannière des leaders pour peu que les luttes répondent à ses aspirations.
Il n’y eut aucune décade de cette Histoire et de cette longue nuit coloniale qui ne connut de soulèvement, de combat contre l’occupant et des fléaux collatéraux tels que la peste, le choléra, la famine, les guerres des autres (guerres mondiales).
Tenace, ce peuple s’est toujours accroché a ses valeurs ancestrales et sa volonté inébranlable est restée jusqu’au jour où il prit les armes pour ne les laisser qu’à l’indépendance acquise.
C’est justement en contact avec le contexte européen, après la première guerre mondiale que naquit le nationalisme algérien.
L’Etoile Nord Africaine, puis le PPA, le PPA/MTLD, UDMA…. l’Emir Khaled, Messali Elhadj, Ferhat Abbas, et d’autres encore dont l’histoire retiendra les noms et que nous ne pouvons oublier, ont su donner au peuple algérien la dimension d’un grand peuple qui n’a pas eu son indépendance en cadeau.
Nous n’avons pas la prétention de vouloir refaire encore l’analyse du mouvement historique des luttes des Algériens pour leur indépendance, mais force est de reprendre les conclusions déjà énoncées par les historiens pour dire que, las des luttes politiques sans lendemains et devant les dissensions des leaders se battant pour le zaimisme, une poignée de vrais révolutionnaires décida de rompre avec ce genre de combat pour se lancer dans la seule lutte qui peut redonner espoir, la lutte armée.
N’est ce pas là une leçon à retenir et à méditer ?
Le peuple a su donner un caractère politique à la lutte armée, qui au début a été traitée de soulèvement de rebelles, de terrorisme et de tous les attributs pour justifier la répression sauvage de l’occupant, maquillant cela de problèmes internes, jusqu’au jour où encore une fois de vrais révolutionnaires dote le combat libérateur d’une plateforme et d’une charte, dite de La Soummam, pour non seulement aller vers l’indépendance mais également fixer les contours et le profil de la Nouvelle République qui naitra par les armes : une république démocrate, sociale, sur la base des principes de l’Islam.
A la lecture des témoignages et des récits historiques, sur la base de l’analyse des événements qui ont secoué la Révolution, force est de constater qu’il y eut bien des purges, des assassinats, des opérations de « nettoyage » des rangs pour laisser la place à une catégorie de combattants que nous ne nous permettrons pas de juger ici, mais des actions qui ont semé bien de doutes dans les esprits, et dont les cicatrices demeurent encore vives à ces jours.
Abane Ramdane, Lotfi, Ben Boulaid, Ben Mhidi, Amirouche et d’autres encore pendant la révolution, suivis d’autres après l’indépendance pour terminer en apothéose par l’assassinat en direct de l’un des pères fondateurs de la Révolution armée, si Tayeb el Watani.
Qui donc n’est pas démocrate ? Le peuple ou ses dirigeants ? La réponse est évidente : assurément pas le peuple.
Indépendance recouvrée : rêve et désillusion
Vaille que vaille, depuis 1962, usant de la sensibilité du peuple, de son amour de la liberté, de sa soif de la paix et de son bonheur retrouvé après une longue nuit coloniale, les pouvoirs se succèdent, changeant et semblables, choisissant à la place du seul artisan de la victoire, le peuple, le considérant non encore mature pour faire ses propres choix : l’indépendance est donc confisquée est remise à la garde des combattants autoproclamés dignes héritiers de la guerre. Le peuple ne voulait que la Paix, une fin en elle-même, mais pas ses fruits.
Aux premiers soubresauts des luttes fratricides, le peuple cria son ras le bol par le slogan « sept ans cela suffit » et c’est l’occasion rêvée.
L’armée occupe Alger, les pouvoirs se font et se défont. Arrestations, exils, maquis, prisons sont les réponses apportées aux revendications de quelques uns qui ont eu le courage de crier halte au détournement de la lutte du peuple. Trahison du serment fait aux chouhada. Rien n’a dérangé.
De 1962, après quelques années de flottement, le pouvoir a su faire partager un grand rêve : une Algérie moderne, forte, indépendante économiquement, industrialisée à l’image des nations européennes, car nous allions choisir nos références de la côte Nord de la Méditerranée. Quoi de plus beau et de fédérateur ?
Socialisme spécifique, triple révolution industrielle, agraire et culturelle allaient faire de l’Algérie une puissance régionale et un exemple d’une nation qui relève la tête après avoir terrassé la plus grande puissance coloniale de l’époque.
Le contexte politique lui non plus ne devait pas être en reste : embrigadement de la jeunesse, des organisations de masse, parti unique, tous les ingrédients pour dérouler ce programme de développement sous le vocable de centralisme démocratique ; le sommet propose à la base qui n’a pour alternative que d’adopter et d’apporter son soutien à la direction éclairée.
Faut-il lier à la disparition de Boumediene cet éveil, ou bien sont ce les prémisses de crise qui ont provoqué cette succession de révoltes depuis 1980 ?
1980, 1986, 1988, 2001, 2011, les émeutes et les manifestations se succèdent ; elles ne sont que des signes de vivacité de la société qui a gardé ses ressorts et qui n’est pas amorphes comme se complaisent à le susurrer certains qui espèrent ne plus jamais perdre leurs privilèges acquis à la périphérie du pouvoir par la compromission et la prébende.
L’Algérie vit et son pouls bat au rythme de tous les bouleversements et le peuple est encore prêt à verser le tribut pour une vie plus digne, une vie d’honneur : quels exemples donner encore après ces harragas, ces jeunes qui s’immolent par le feu et ceux là qui, torse nu, affrontent les troupes anti émeutes des milliers de fois et sur tout le territoire national.
Quelles sont les analyses tirées de nos dirigeants : l’Algérie n’est ni la Tunisie, ni l’Egypte et maintenant, ni le Yémen, ni la Syrie et qui encore ? Ont-ils oublié leur revendication de l’appartenance du pays à ce monde arabe, scandé haut et fort ?
Espoir de rupture ou échec recommencé ?
Algérie 2011, mois de janvier.
Après la Tunisie, éclatent en Algérie des émeutes. Les regards tournés vers la Tunisie voisine, le pouls s’accélère est l’oreille est tendue.
Les émeutes éclatent après une flambée des prix colportée de bouche à oreille et par la presse qui se fait le relai des plaintes des chefs de famille et des ménagères, habitués des couffins et des marchés. A quoi sont dues ces augmentations ? D’aucuns accusent les barons des conteneurs, d’autres les grossistes et les distributeurs. Aucun ministre, encore moins celui du commerce n’arrive à rassurer ou au moins à expliquer ou faire la moindre des prévisions rassurantes. Entre-temps, une panoplie de textes réglementaires et même des projets de lois sont en préparation pour engager la dernière ligne droite dans le combat contre le marché et l’économie informels : plafonnement des marges bénéficiaires, après une pénurie de lait qui a encore une fois défrayé la chronique.
Affolement généralisé devant les risques d’embrasement dont les signaux parviennent, à l’image de la Tunisie, par des immolations de jeunes et de chômeurs.
Un comité interministériel siège et décrète des mesures dont les effets attendus sont de calmer les esprits. Deux produits sont ciblés par ces mesures : l’huile et le sucre.
Tout le monde l’aura compris : ces mesures d’ordre fiscal, ne sont destinées qu’à faciliter les importations de ces produits alors qu’il existe des capacités de production qui dépassent de loin les besoins du marché national, ne cesse de le répéter le très célèbre capitaine d’industrie algérien.
Au même titre que les événements d’Octobre 1988, ceux de janvier 2011, sont qualifiés de résultats de manipulations des barons de l’importation, ce qui semble s’avérer juste, si l’on se réfère aux mesures prises qui ont tout de suite calmé les esprits.
Le ministre de l’intérieur, rassuré du calme revenu, se lance dans des analyses réductrices, ramenant ces révoltes à des coups de gueule d’une jeunesse désœuvrée, en mal de chahut et de bruits.
Le nombre d’immolés dépasse de loin la Tunisie et le calme n’arrive pas à être perturbé sérieusement malgré les appels à des marches, fortement réprimées et encerclées.
L’Algérie ne veut pas bouger, au même titre que les autres pays arabes. Mais cela ne rassure pas pour autant tout le sérail politique. Les langues se délient et les fissures commencent à apparaitre.
Pendant ce temps, les émeutes de protestation toutes natures continuent. Le mois de mars enregistre un record.
Les ballons sonde sortent et l’on prête au Président l’intention de procéder à des réformes profondes, réformes éminemment politiques, allant de la Constitution au gouvernement.
Au lieu d’une annonce franche, transparente, engagée et pleinement responsable, on utilise des canaux officieux : j’ai plus de conviction que de force affirmera le Président à Pierre Raffarin.
Ce qui permet de croire à la véracité de ces informations n’est pas la déclaration de M. Raffarin, mais plutôt les réactions des hommes politiques du sérail, notamment ceux de l’alliance présidentielle, qui se lancent dans des interprétations aussi différentes les unes que les autres, démontrant la course vers une forme de paternité, d’avant-garde et de récupération de la colère populaire perceptible quand bien même on veut faire la sourde oreille.
En hommes politiques avisés messieurs Abdelhamid Mehri et Hocine Aït-Ahmed publient leurs propositions de sortie de crise, interpellant le Président et l’encourageant à aller très vite vers ces réformes, vers la rupture avec le système, redonnant au peuple la souveraineté dont il a été longtemps spoliée.
L’urgence de ces réformes est encore reportée vers les calendes grecques et le temps jouant contre nous, le risque grandit.
Le Président s’enferme dans un mutisme complet qui laisse supposer plusieurs scénarios : sa maladie qui le handicaperait, les pressions qu’il subirait et les commentaires vont bon train.
Il a fallu attendre près de trois mois pour entendre le Premier Ministre verser dans des commentaires comme à son accoutumée, affirmant qu’il n’y a pas de crise politique, mais sociale, que ce n’est pas une crise de pouvoir qui secoue la pays. Grand bien lui fasse et qu’il soit rassuré, lui qui croit ferme et dur que la Présidence est une histoire de destin.
Pour plus d’honnêteté, un peu plus de courage politique, il aurait été préférable d’organiser un plateau de télévision où ses détracteurs ont droit à des places pour que le débat soit plus constructif et plus pédagogique, la politique sortirait alors gagnante, car ce n’est pas l’apanage des seuls initiés.
M. Ouyahia n’arrête pas d’affirmer qu’il est un commis de l’Etat, un serviteur sans état d’âme, oubliant du coup qu’il est, tout de même un chef de parti, au sein d’une alliance présidentielle, chef d’un gouvernement dont il n’a pas la majorité au parlement.
Mais il sait que tout cela ne sert à rien, la politique et la volonté du peuple ne servant que de décors.
En conclusion, il nous parait, inévitable que notre pays connaisse des remous qui nécessiteront des réformes profondes.
Nous comprenons parfaitement les soucis de messieurs les ministres et des piliers du pouvoir en place devant ce qui se passe dans les autres pays arabes. Les fins de règne ne sont d’aucune beauté.
Mais Dieu, qu’elle fut belle la Révolution des jasmins, et celle de la place Tahrir !
Mais aussi, qu’elle est violente la révolution libyenne avec les souffrances, les morts et ces interventions de l’Occident devant la furie de Kaddafi !
Que faire, quand finiront ces révolutions du Yémen, de la Libye, de la Syrie ?
Attendrons-nous de récolter ce qu’auront semé ces pays ? Ne faudrait-il pas lancer les débats dans l’immédiat pour éviter à l’Algérie d’autres effusions de sang qui a déjà trop coulé ?
Prendre au sérieux toutes ces propositions qui sont émises par nos politiques qui ne cherchent que le bien au pays est une chose urgente à faire, toutes affaires cessantes, car il y a péril en la demeure !
Arezki Maouche
2 avril 2011