Abdelhamid Mehri (El Watan du 13 décembre 2009)
Cette modeste contribution se veut un essai critique ouvert à monsieur le professeur Ahmed Benbitour pour son projet «refondation de l’État pour sauver l’Algérie de la dérive».Ce projet que vous soumettez au débat public ressemble, à notre humble avis, à tous les programmes électoralistes présidentiels des années 1980 à 2009. Ils sont différents dans la forme, mais similaires dans leurs contenus. Ce sont des programmes d’une élite affamée du ventre sortie des entrailles d’un peuple également affamé du ventre et non d’esprit. L’opinion avertie sait que ce sont des programmes démagogiques et le votre n’échappe pas à la règle. C’est du déjà vu. Des plats réchauffés qui ne sont d’aucun goût. Pour rallier le peuple à votre projet, vous projetez que l’Algérie sera du niveau de la Malaisie, au pire de la Turquie en 2020. Celui du pouvoir politique promet mieux que le votre. Ses perspectives décennales projettent de faire passer l’Algérie au niveau du Japon en l’an 2025. Vous devrez vous rappeler que celles des années 1970 ont prédit de faire passer l’Algérie au niveau de l’Espagne, au pire à celui du Portugal en 2000. Toutes ces projections sont démagogiques et ne sont pas chiffrées. À une question posée par un journaliste de l’époque à Kaïd Ahmed, patron du FLN : est-ce que le plan quadriennal 1974/1977 sera réalisé dans les délais, il lui a répondu que le plan se réalisera même si on mettra 10 ans pour cela. Kaïd Ahmed s’avère réaliste. Cela s’appelle du «Zelt ou t’ferain» (misère et grandiloquence).
L’Algérie en a jusqu’à la lie de la pleutrerie. En tant qu’élite khobziste’, nous sommes tous responsables du chavirement du bateau, et le pouvoir, législatif exécutif et judiciaire avec. Chacun de nous pointe le doigt vers l’autre, l’incriminant d’être le fautif. «Le chameau voit la bosse de son semblable, mais pas la sienne». Des Algériens irresponsables dans leurs propres maisons et qui osent donner des cours de management de virginité stratégique aux initiés, des responsables irresponsables qui déblatèrent: «je ne suis pas intelligent pour comprendre», «je suis responsable et j’assume» «je ne sais pas ce qui se passe chez moi, il faut que le journaliste me le dise, que ma maison est transformée en bordel», «des nuages de poussières», «la corruption existe partout dans le monde». Tout ce monde fait partie de l’élite. Quelle ignominie ? La vraie société islamique s’accommode-t-elle des irresponsables ou des corrompus ? À quoi sert l’article II de la constitution ? Ce serait une bonne idée de changer le code de famille patriarcale en code de famille matriarcale. L’Algérie gagnerait à avoir moins de cocus. Le Hoggar Tassili constitue l’exemple de pouvoir matriarcal où la femme et l’homme s’aiment pour le meilleur et pour le pire’. Tout va bien dans cette société, on ne nous signale aucun cas d’adultère. Nous insistons sur le fait que chacun de nous est responsable de la catastrophe comme de la bonne gouvernance du bateau. Le théorème est simple : «un responsable au milieu d’irresponsables devient irresponsable. Un irresponsable au milieu des responsables devient responsable». Cette thèse est renforcée par un Hadith sacré qui disait : «si vous cohabitez pendant 40 jours dans un milieu quelconque, attendez-vous à être l’enfant adoptif d’un tel milieu». L’homme est grand par sa nature, il est infiniment bas par ces défauts. Le «bateau Algérie» est coulé par sont élite irresponsable qui a produit des voleurs, des terroristes, des corrompus, des menteurs, des rhétoriciens, des opportunistes, des démagogues au verbe creux et aux promesses non tenues, des spécialistes de la réunionite’ et de la «ragda out mangi». Dans ces conditions du bas en haut et vis-versa, chacun de nous doit cesser d’accuser l’État ou le pouvoir. L’État, le pouvoir, c’est nous tous. Nous sommes tous complices de ce que nous avons fait pour mettre l’Algérie de nos amours, (hypocrite ou égoïste), à genou et au plus bas de l’échelle des valeurs universelles. Au risque de nous répéter, pour aboutir à l’indépendance politique l’esprit de Novembre à engagé 6 millions d’Algériens, toutes conditions sociales confondues, dans un même combat pour le même objectif ; celui de libérer notre mère patrie, avec à la clé 1,5 million de martyrs. L’esprit de 1962, au lieu d’engager le peuple dans la construction d’une Algérie indépendante économiquement, a fabriqué 1,5 million de nouveaux arrivistes, des mercantis en puissance avec à la clé une dépendance exacerbée de l’étranger où 90 % de nos besoins proviennent de ce que produisent les autres, où nos moyens de financement à 95 % proviennent uniquement de la mono-exportation du pétrole et du gaz. Dépendance pour dépendance, l’élite (fausse), assistée de l’étranger, importe même les produits et le savoir dont l’Algérie n’en a pas besoin. L’État, le pouvoir, le FLN stérile et l’insidieuse famille révolutionnaire, le multipartisme’ dans le parti unique, l’UGTA les syndicats «rebelles», le général, le policier, le gendarme, le wali, le premier ministre, le ministre, le président de la République, tous cela, c’est nous, c’est vous , Monsieur Benbitour. Au lieu de renforcer cet amour solidaire né de l’esprit de Premier Novembre, après 1962 nous avons fabriqué la haine, le mépris, l’individualisme, le manque de confiance en soi et la confiance en l’étranger. La réponse nauséabonde qui dit : «je n’ai voté pour personne» est idiote comme réponse. Cela n’empêche pas que les élections se sont déroulées, qu’on le veuille ou non, d’une manière normale sous le contrôle des observateurs de la communauté internationale. L’Algérien, qui a voté ou n’a pas voté, doit se plier à la majorité, que ce soit dans les démocraties libérales, bolcheviques ou fascistes. Directement ou indirectement nous sommes tous complices. Cela nous amène à dire ce que disait Brecht : «celui qui ne sait pas est un ignorant, celui qui sait et qui ne dit pas est un criminel»
Nous avons visité tous les bureaux des institutions élues, judiciaires, de l’exécutif, des associations de la société civile, il n’y a aucun qui n’est pas doté du drapeau algérien et de la photo du Président, même chez les représentants d’Algérie à l’extérieur. Cela nous amène à poser la question suivante : comment chaque citoyen, ou cadre de la nation aime-t-il l’Algérie et son président Abdelaziz Bouteflika ? Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie ? De quelle manière ? Égoïste, hypocrite, gourmande, boulimique, oisive, mercenaire, de cœur fidèle pour le meilleur et pour le pire, à lui donner son corps et son âme sans rien demander ou bien la vendre au dinar symbolique ? Le problème, personnellement, qui nous préoccupe c’est comment, tous les Algériens dont nous sommes, faire pour dépasser nos contradictions subjectives pour aboutir à un consensus qui peut remettre le bateau Algérie sur une voie maritime qui l’amène au bon port. En penseur modeste, la solution ne vient pas des moyens financiers ni matériels, mais à notre avis du changement de mentalité. Sommes-nous capables de passer de l’esprit d’affamé du ventre à celui d’affamé de l’esprit ? Précisément, c’est ce dernier point qui est en mesure de sauver l’Algérie du désastre. Que vaut le pétrole devant les idées ? Le Japon, la Chine, la Corée du Nord, l’Inde, la Malaisie, qui ont opté pour l’esprit du savoir ont résolu aujourd’hui leurs problèmes. Ces pays disputent aux USA et à l’Union Européenne dans leur ensemble, pour occuper la place dans la plus haute échelle des valeurs universelles. Plus au moins, ces pays ont démarré en 1962 comme l’Algérie. Pendant que ces pays avancent à pas de géant pour conquérir l’espace (la Chine et voici l’Iran), l’Algérie est restée au stade de tube digestif’ et des palabres interminables : Ceci «yadjouz», cela «la yadjouz», comment faut-il prier les bras croisés ou ballants. Ces pays ont appris à travailler de leurs mains pour avoir des idées. C’est un passage incontournable. L’Algérie avec ses pétrodollars a fait de nous, une élite de menteurs, une bourgeoisie compradore. Après le colonialisme, notre mentalité reste habitée par le néocolonialisme. Nous sommes devenus des machines de néocolonialisme, nous fonctionnons avec l’esprit néocolonialiste, mais nous ne vivons plus.
Pour combattre le néocolonialisme en nous, sommes-nous en mesure de le combattre avec ses mêmes armes que sont, le savoir, le savoir-faire et être ? Nous en doutons. Nous avions l’occasion de visiter de temps en temps notre université M’hamed Bougara de Boumerdes ; au lieu d’une université de prestige, une technopole elle ressemble à une nécropole (1). Dotée d’un matériel sophistiqué avec ses 1500 enseignants, ses 25 000 étudiants, ses 15 laboratoires, il est rare que nous trouvions des professeurs chercheurs dans ces laboratoires malgré un salaire suffisant pour enseigner et chercher d’une manière aisée. Les enseignants courent toujours après les vacations. Quant aux laboratoires, les secrétaires interrogés nous disent que les directeurs viennent une ou deux fois par semaines. Après les cours, nous mettons au défi quiconque trouvera un «chat» dans les laboratoires. Le cas de Boumerdes n’est pas isolé de toutes les universités d’Algérie. À part celle de Tlemcen qui est classée avant-dernière des universités africaines, l’université nationale produit à peine 2% de doctorants. Cette situation induit que même si l’enseignant sera payé 1000 euros-jour, il restera toujours dans la même routine s’il ne change pas de mentalité et celle de son esprit. Au lieu d’accuser l’État, le pouvoir, nous, nous accusons l’élite qui s’autocensure par elle-même, laquelle autocensure les étudiants. Nous accusons l’élite de l’école, du lycée, de l’université, d’avoir fabriqué une école, un lycée, une université, un pouvoir, un peuple, sinistrés. Ailleurs, ce sont des enseignants qui font le bouillon de culture. Comment aller vers la technologie si l’école oriente seulement 11% de son effectif vers les filières techniques ? L’État, le pouvoir, répétons-le encore une fois, c’est qui ? Si ce n’est moi et toi et nous tous ? Non, monsieur Benbitour, l’Etat le pouvoir dans toutes ses structures, l’université, l’école et le lycée ne changeront que lorsque vous et nous-mêmes, ayons changé de mentalité de l’esprit du ventre à celui du savoir. Les Algériens, l’élite, dont nous sommes, ne changerons que lorsque nous apprenons à nous aimer avec nos défauts et nos qualités et à croire en nos propres forces.
C’est incroyable qu’un économiste de votre talent doublé d’un politicien, le plus médiatisé par la presse nationale, feigne ignorer que l’État n’est qu’un instrument exécutif de la politique du pouvoir. Tous les pouvoirs politiques mondiaux y compris celui des USA sont régis par un ensemble de pouvoir formel (réglementaire obéissant en principe à des lois) et informel qui se fait obéir par simple coup de téléphone. Pour cette entité, les décisions, les directives viennent toujours d’en haut et non d’en bas.
Le pouvoir, c’est comme le marché. Il y a un marché formel et un marché informel; l’un se nourrie de l’autre. Nous pouvons aussi comparer le mécanisme avec le marché de l’offre et de la demande. Il y a un État de droit lorsque, le formel domine pour 80 à 90% contre 20% d’informel. Un État informel est celui où l’informel domine à 80 et 90% et le formel compte pour 10 à 20%. Quand l’informel recule, le formel s’accroit et vis-versa. Nul n’est censé ignorer que le marché informel domine pour 60% et gère 60% des devises étrangères à ciel ouvert. Cela veut dire tout simplement que le pouvoir occulte pèse lourdement dans la gouvernance de la société. «Triste Venise» comme disait l’autre. Hier, l’esprit de Novembre a produit un peuple de héros’, celui de 1962, a produit celui des zéros’.
Nous qui avions côtoyé le défunt Kaid Ahmed, parmi d’autres, celui-ci était un visionnaire de premier plan. En sa qualité de responsable de l’appareil du FLN, réunissant en 1968 les cadres du parti à la salle de cinéma Tripoli à Hussein Dey, il s’adressa à l’assistance en ces termes : «vous, les cadres politiques de la nation, vous êtes comme des lauriers roses. Ils fleurissent, mais ils sont stériles; ils ne produisent pas». En ce qui concerne les femmes, au cours d’un rassemblement à la maison du peuple en 1969, il s’est écrié, «les femmes algériennes ne respectent pas leurs règles par rapport aux femmes européennes; elles enfantent sans espacer leurs naissances». Notre président de la République Abdelaziz Bouteflika a été jugé par la Cour (des règlements) des comptes dans les années 1983/1984, suivi par sa mise sur cale’ (pour ne pas dire la traversée de désert) durant des années, il n’a pas pourtant démissionné pour l’amour qu’il porte à son pays à sa façon (comme nous l’aimons chacun à notre manière). Lors de sa première investiture il menaça à maintes reprises de rendre le tablier’ et de rentrer chez lui, s’il n’est pas élu au 4/4 président’ de tous les algériens. Pour l’amour de la patrie, il se contenta de 60% des suffrages. Malgré sa santé vacillante, il résiste aux tempêtes les plus houleuses. Il colmate les brèches par-ci par-là ; tant qu’il peut comme pour la barque des harraga mais il garde toujours le moral et la barre. Il n’a pas démissionné. Parfois il lui arrive de piquer de petites colères en traitant le peuple de tous les défauts vomis par l’humanité (de nain, de sale, de fainéant, de gardien de parking), mais avec l’argent du pétrole il est généreux avec son peuple. Il se déploie tant bien que mal à maintenir la «la paix sociale», il laisse la justice, l’exécutif, le législatif faire leurs boulots tout en les coordonnant de son mieux. N’a-t-il pas dit que nous sommes un peuple étrange ? Mc Namara qui a gouverné Ford, le Pentagone, la CIA, la Banque Mondiale, baisserait son cerveau et ses bras devant un peuple étrange’ (ingouvernable). N’a-t-il pas avoué qu’il s’est trompé de chemin, «on nous a trompé» «on nous a fait faire des erreurs, et dorénavant je vais changer de stratégie». En islam, comme en démocratie, celui qui se remet en cause, est le meilleur des hommes. Y a-t-il un homme de l’élite ou de pouvoir, de 1962 à ce jour, en passant par Ahmed Benbella, Houari Boumediene, Chadli Bendjedid, Lyamine Zeroual, qui a dit un jour qu’il «s’est trompé?» A-t-il été aidé par un quelconque commis du pouvoir ou de l’État ? Ni même les institutions qui devaient être son équipage ne l’ont aidé à redresser la barre du vieux «rafiot Algérie» qui date de l’indépendance. Qui sait au soir de sa vie il espère avec l’aide de tous les algériens, qui s’aiment et aiment réellement le pays et de Dieu, donner à l’Algérie un bateau intrépide qui régnera sur les mers et les océans comme au temps des frères Barberousse qui ont dominé le pourtour méditerranéen au XVe siècle. L’homme doit garder l’espoir à tout âge et à tout instant, il doit agir comme s’il doit mourir demain et construire, planter comme s’il doit vivre toute l’éternité. «Où est l’espoir? «L’espoir est en moi disait le poète turc Nazim Hekmet. Monsieur Ahmed Benbitour, sachez que chaque génération a besoin nécessairement d’une révolution. Nous savons que ce n’est pas toujours une solution, car elle est souvent confisquée par ceux qu’il ne fallait pas. Le complexe d’infériorité nait de la servitude, de la domination et de l’humiliation. Pour dépasser ce mythe, il faut qu’une autre génération naisse; celle qui n’a pas connu de telles épreuves pour effacer cet affront disait A. Ibn Khaldoun.
Mais ces révolutions, on ne peut les prédire, ni les gérer, ni les contrôler. Pourquoi ? Parce qu’elles sont préparées et déclenchées par une poignée de mécènes, de timoniers travaillant dans la clandestinité à la manière de l’OS qui a déclenché la révolution de 1er Novembre. Si l’élite, le pouvoir, le peuple actuel ne changent pas de mentalité pour se positionner dans notre temps par l’innovation, le pouvoir de dieu aidé de ses lieutenants probes sur terre nettoiera le désordre sur cette terre qui est peuplée, depuis la nuit des temps, par des hommes libres et industrieux (2). D’ailleurs, les membres du FLN et de la famille révolutionnaire’ ont disparu ou en voie de disparation d’une manière vertigineuse. Ont-ils emporté avec eux leurs biens mobiliers ou immobiliers ? Quelle opinion le petit peuple a-t-il d’eux ? Nous invitons les jeunes à patienter, ils auront bientôt le pouvoir. Pour l’heure, nous reconnaissons à notre président sa force de caractère à déconcerter les plus pessimistes. Maitre de soi. Pour démontrer qu’il n’est ni à acheter ni à vendre, il a décliné à plusieurs reprises l’offre alléchante (ou les avances) de ce FLN sénile (3) avec sa sœur vieille fille jumelle en l’occurrence la «famille révolutionnaire (4), de le nommer le roi Si Abdelaziz Ibn révolutionnaire’.
Monsieur Benbitour et l’élite que nous sommes, pour effacer notre lâcheté vis-à-vis de l’esprit du 1er Novembre, devons oublier que nous sommes des voleurs, des démagogues, ou des saints et de savoir que nous sommes embarqués dans la même galère des mésaventures de la conscience nationale qui n’est pas celle des idéaux du passé de l’Algérie. Encore une fois, notre élite, si elle a un gramme de dignité, de pudeur doit travailler à réhabiliter notre conscience nationale pour lutter contre les forces intérieures et extérieures. À l’extérieur nous n’avons que des ennemis. L’élite est, en principe, comme une bougie. Elle éclaire le peuple tout en se consumant. Son choix, selon l’éthique, est d’enrichir le peuple au lieu de s’enrichir. Elle se positionne en classe moyenne comme société stable et équilibrée. L’élite est plus près de Dieu ou de la nature (pour les athées). La nôtre, de la manière qu’elle a trahi le sang de nos martyrs, ira sans aucun doute tout droit en enfer, excepté quelques-uns. Pendant la lutte de libération des truands, se sont transformés en meilleurs héros de l’Algérie pour ne citer que le cas d’Ali la Pointe. En Algérie, il n’y a ni vrais démocrates ni vrais conservateurs, ni vrais islamistes ni vrais trotskistes, ni vrais socialistes ni vrais capitalistes. L’élite a toujours pensé à la table de Malthus et jamais à celle d’Ivan Illich. Nul n’est méchant volontairement. C’est par ignorance qu’il le devient. Un de l’élite qui dit que ceci est impossible est un incompétent dans son métier.
Toute, exceptée une infime partie, l’élite est trahie par son doigt ou par sa louche trempée dans le miel de Djeha’ directement ou indirectement. Il n’y a pas de vierge parmi l’élite et personne n’est au dessus de tout soupçon y compris la Suisse. La mondialisation, axée plus sur le capital financier que le capital industriel, risque de couler réellement le bateau Algérie et le peuple avec. Si le colonialisme est mauvais, le néocolonialisme est pire, disait Nehru. Dès 1962, ce dernier a introduit une politique de haine entre le privé et l’État et le citoyen qui se prolonge jusque à l’heure actuelle. Même avec la signature du pacte social, le génie créatif du privé est bloqué par le pouvoir néocolonialiste. Toutes les structures d’appui à la PME/artisanat, comme stratégie dirigeante de l’économie, sont en panne (AND/PME, coopération Algéro-allemande GTZ, les banques, l’ANSEJ, l’ANGEM, CNAC, fiscalité, etc. ) Nous voyons d’ici le ministre de la PME /artisanat crouler sous le poids des projets et des promesses non tenues. Nous souhaitons qu’il n’y ait pas de bourse en Algérie, sinon elle creusera sa tombe. L’économie, les médias, la politique sont l’otage de l’arme de mensonge néocolonialiste dans le monde. En Algérie, les étrangers aiment également l’Algérie à en perdre la tête. Pour cela, la réponse est toute faite. Elle est draguée pour ses atouts et ses atours dont la nature la dotée. Dieu aime ce pays pour lui avoir donné tout, mais il est détesté par les siens. L’exemple est clair. Les algériens aiment l’euro, le dollar, la livre sterling, mais pas le dinar algérien. Ils ont plus confiance en la monnaie étrangère qu’en la leur. Ils n’aiment pas leur industrie, leur agriculture, leur école, leur lycée, leur université, leur culture, leur histoire, leur pouvoir, leurs lois, leurs villages, leurs villes. Ils ne s’aiment pas eux-mêmes. Ils se détestent, ils se méprisent, ne coopèrent pas entre eux, cela réjouit le pouvoir néocolonialiste mondial. Les pays étrangers aiment son pétrole, son gaz ; son élite choisie. Ils n’aiment pas sa racaille’ et ses harraga.
Nous évitons dans cette contribution derabâcher les constats. Depuis la libération de l’information, les journalistes, les économistes, les sociologues ne font qu’apporter des constats. D’autres, vont jusqu’à enrichir la théorie capitaliste, en philosophant «si Keynes est mort», alors qu’on sait qu’il est mort et enterré depuis belle lurette. D’autres parlent du modèle algérien de développement, alors que l’Algérie n’a aucun modèle. D’autres, enfin, font les avocats du système capitaliste comme si le diable qui domine le monde a besoin d’un algérien pour le défendre. Cela s’appelle de la ‘masturbation» économique. L’Algérie, plus précisément, a servi depuis 1962 de laboratoire de la ‘masturbation». Toutes les stratégies testées profitent à l’étranger, elles sont d’un effet d’entrainement insignifiant sur l’économie nationale. Nous ne sommes pas des nihilistes au point de dire que rien n’a été fait dans notre pays. Mais avec nos gigantesques ressources (matérielles et humaines) notre élite saturée du ventre et vide de l’esprit aurait fait de l’Algérie une première puissance dans le monde et aurait assisté toute l’Afrique. Qu’avons-nous cherché ? Qu’avons-nous trouvé ? Et qu’avons-nous produit ? Nous défions quiconque de nous présenter un produit fabriqué d’une manière intégré à 100 % par les forces propres. Alors, cessons ce jeu contre nature et passons à l’acte de procréation. Nous avons opté pour le socialisme sans idéologie socialiste, nous avons adopté le capitalisme sans esprit capitaliste. Ce qui est bon en France peut être un mal en Algérie ! Notre société est enracinée dans l’islam. Celui-ci prêche le juste milieu hérité des idées de Socrate, d’Aristote, de Platon. Voici ce que disait Socrate à propos du juste milieu : «le désir de faire du bien consiste à éviter tout excès dans l’action» «ce n’est pas d’être à moitié lâche ou à moitié courageux. Le juste milieu est plutôt fondé sur une proportion. La vertu intellectuelle consiste à établir la mesure dans chaque chose». L’islam n’est ni capitaliste ni socialiste; il est fondé sur l’entraide et la solidarité, sur le travail utile et bien fait. Les principes d’économie Khaldounienne, son idéologie, sur le plan gouvernance, peuvent être une piste ou une voie de développement spécifiquement algérienne. Elles peuvent être aussi une piste pour tous les pays musulmans dans leur ensemble. La théorie capitaliste est théoriquement contre les extrémités. Le blocage de la grande entreprise comme inefficiente, en récession depuis les années 1970, oblige les USA et l’ensemble des pays européens à développer la TPE, l’artisanat comme une planche de salut. Le capitalisme multinational est en passe de détruire l’homme, mais la PME/artisanat le régénère. Aujourd’hui, l’artisanat se place comme modèle de production et de consommation de la nouvelle société de consommation mondiale (5). L’artisanat s’adapte à la nouvelle société de savoir et de loisirs. Pourtant, en Algérie, ce secteur ne figure pas dans les tablettes de l’ONS. Pour un économiste averti, dans toutes ces stratégies, l’Algérie a mis la charrue avant les bœufs, parce que pensées par les néocolonialistes tels que Mc Carty, Debernis, Tiano, appréciées et approuvées par les économistes Belaid Abdeslam, Adbelhamid Temmar, Mohamed Hocine Benissad, Abdelatif Benachenhou, Ahmed Benbitour, Abdelmadjid Bouzidi etc. Il y a au moins quelqu’un qui est clair en l’occurrence l’avocat de développement capitaliste en Algérie, expert international Abderahmane Mabtoul avec son MDEC.
Cessons de nous ridiculiser vis-à-vis de nos voisins et du monde entier et apprenons, une fois enfin, à nous estimer, à nous évaluer, à nous apprécier, à nous faire confiance mutuellement, à pardonner nos erreurs et à nous inspirer des Chinois, des Malaisiens, des Coréens, des Iraniens. La mentalité maghrébine est plus proche de l’empire du Milieu et du Soleil Levant que de celle de l’Occident. Le capitalisme ne mène nulle part qu’au meurtre de l’homme. Les harkis qui sont à 100% français sur le plan juridique, mais sur le plan spirituel ils ne sont pas intégrés, ni eux ni leur progéniture avenir d’ailleurs. L’on doit fermer l’institut des super managers et son jury qui a donné des titres de l’excellence en management de l’année à des PDG tels que celui de Sonatrach et bien d’autres de l’espèce. L’Algérie, terre d’art et d’histoire chantée par Augustin Berque, est devenue l’Algérie des vandales et des Banou Hillal. L’humour américain va jusqu’à inventer une anecdote d’un professeur d’un collège américain qui pose la question à une collégienne : qui de la mafia dans monde peut dilapider le trésor américain ? Celle-ci avec une intelligence vive répond : monsieur ! Un seul ministre algérien suffit’.
Nous sommes en tant qu’élite, tous comptables devant les martyrs d’hier et d’aujourd’hui et devant l’Algérie pour avoir formé des terroristes, même bureaucratiques, et des malfaiteurs. Les 400 000 cadres qui vivent à l’extérieur faisant le bonheur et le bien-être des pays qui nous dominent actuellement sont complices aussi de la crise multidimensionnelle qui frappe l’Algérie. La bataille pour une Algérie indépendante économiquement est en Algérie même; elle n’est pas ailleurs. One, Two, Three, Viva l’Algérie ne doit pas être hurlé à l’occasion de la coupe mondiale de football. Ce slogan doit être concret dans le cœur de tous les algériens épris de leurs pays que se soit en législatif et judiciaire, en exécutif, en économie, en technologie, en information-communication, en savoir-faire, en sport. À chaque génération, l’Algérien fait des miracles. Pourquoi ne serait-il pas capable de le faire aujourd’hui et demain. Pourquoi s’inspirer de la Constitution française ou américaine et délaisser celle de Mohammed (QSSL) avec ses 99 articles. Celle-ci est plus démocratique que celle de Périclès. Elle sépare le législatif, le judiciaire de l’exécutif. Elle est chapeautée par un Madjlis Echoura’ (conseil consultatif), une sorte d’APN qui réunit les représentants de toutes les communautés y compris celle des juifs. L’Islam n’a jamais été religion d’État. Il est État et religion. Celui-ci est individuel et rayonne en dehors du pouvoir ou de l’État. Il est comme la religion chrétienne. Celle-ci, elle n’est inscrite dans aucune constitution dans le monde occidental. La déclaration de l’indépendance américaine écrite par Thomas Jefferson ressemble à la constitution de Médine. Le pouvoir en islam est à la fois temporel et spirituel.
Il faut élever la barre culturelle et idéologique très haut, cher collègue Ahmed Benbitour, notre société désire ardemment se réapproprier sa conscience nationale fondée sur le savoir (Iqra au nom de ton Dieu). Nous qui sommes au soir de notre vie, nous sommes ravis de voir chaque hittiste’ alphabète ou analphabète manier le portable avec dextérité et qu’il soit bien au courant du changement du progrès et de la technologie dans le monde mieux que vous et nous. Ce savoir technologique tend à rapprocher le riche du pauvre, la main dans la main, à construire ensemble la société humaine de demain. Notre moral se trouve renfoncé quand nous rencontrons des jeunes algériens et algériennes plus formés que vous et nous, de plus en nombreux où, personnellement, nous apprenons beaucoup d’eux. L’Algérie d’aujourd’hui exige la moralisation de l’élite, le pardon avant d’être pardonné. Notre ancêtre Abraham n’a-t-il pas pardonné à son père ? Sur ce point, il y a une unanimité. Nous assistons à une décadence morale et intellectuelle incommensurable, au chaos spirituel et à une avalanche des certitudes essentielles disaient (Henri Massis; le désordre mental’) nous assistons à un pseudo intellectualisme plat et banal. Cet effritement a atteint presque tous les algériens à quelques niveaux de la société qu’ils soient. Pour certains, ils ont perdu le sens de la mesure et de l’orientation naturelle. L’élite, à l’exception d’une infime partie, a la science, mais sans conscience. Elle est ruinée dans l’âme (Rabelais). Nous ne savons pas si nous disons parfois des bêtises en clamant qu’il faut dépasser les idées fixes de «d’où tiens-tu ça», de «qui tu qui» et l’esprit de suffisance. Nul n’est parfait y compris nos prophètes. L’épi vide se lance au ciel d’une manière hautaine, l’épi riche en grains se courbe à embrasser la terre en signe d’humilité.
À propos des capitalistes nationaux qui ont accumulé de l’argent thésaurisé dans les banques étrangères qui sert à enrichir le capital financier mondial, notre position est celle-ci : tout capitaliste qui a gramme de nif’ pour son pays doit déplacer ses capitaux en Algérie. Il doit être exonéré de tout impôt à condition d’investir son argent dans des activités productives et dans les NTIC pour créer des richesses et l’emploi. CEVITAL, TAHKOUT, sont des exemples qui portent l’Algérie sur leurs capitaux. La grandiloquence n’ajoute pas à la dignité. Il n’y a pas un homme qui chie de l’or et l’autre de la merde. Nés, libre arbitre, nous devons encore une fois obéir à Dieu seul (Thomas Jefferson).
Dépassons nos vues étroites et payons nos dettes vis-à-vis de notre pays qui nous a formé gratuitement. C’est Ibn Khaldoun qui a civilisé l’Occident (Montesquieu, Pascal et d’autres). Qui ont formé les céramistes d’Alhambra de Seville, de Tolède etc. si ce n’est l’élite de Tlemcen du IX au XVe siècle ? Notre tristesse est grande d’assister dernièrement à la chambre nationale de l’artisanat et des métiers à Sidi Fredj, des professeurs espagnols apprenant à nos jeunes, le métier de céramiste. Notre élite et nous avec, sommes passibles de la Cour de La Haye pour crime contre l’humanité’.
Peut-on parler d’une élite en Algérie ? Une élite qui a vécu dans une carapace d’un FLN qui n’a rien libéré depuis 1962 et qui n’a joué aucun rôle! Avec sa fallacieuse «famille révolutionnaire», ils sont comme une entreprise exploiteuse, rechignent pour ne pas avoir été pris en charge à l’hôpital du Val de Grâce, au mépris de l’hôpital de Ain Naâdja qui aligne les meilleurs professeurs algériens. Des comme Djamila Bouhired qui veulent avoir des actions de Sonatrach et se faire soigner chez les ennemis d’hier; c’est une honte à la limite de la nausée. Des professeurs comme Lies Zerhouni, Ahmed Ben Abid en médecine et des Omar Aktouf en économie, connus mondialement, ne demandent qu’à servir l’Algérie pourvu que celle-ci les sollicite. Mais faut-il payer, d’abord, l’élite résidente à sa juste valeur ?
Rappelons nous un instant, lors des nationalisations des hydrocarbures en février 1971, les Français se sont écriés : «vous les algériens, vous avez le pétrole certes, mais nous, nous avons les idées». Nous ne sommes pas le nombril du savoir et nous n’avons pas de solutions toutes faites à donner. En tant qu’humbles citoyens nous avons une série de propositions à suggérer pour ouvrir les débats au sein de l’université et de la société civile :
— Démystification et démythification sur des partis du multipartisme unique, sur le rôle de FLN et sa famille révolutionnaire, sur la notion de l’héroïsme après 1962 ;
— Définition de l’élite et sa responsabilité dans une société post-indépendante ;
— Débat sur l’école, le lycée, l’université, sur la formation de l’élite du pouvoir et de l’encadrement de la société ;
— Débat sur l’échec des hommes politiques dans leurs stratégies de gouvernance ;
— Débat sur une autre voie de développement (la troisième voie pour ne pas dire le juste milieu).
Le régime politique pervers ne connaît qu’une fausse illusion de bonheur. Si Platon condamne les rhétoriciens et les poètes, ce n’est pas qu’il est indifférent à la beauté de l’art, c’est parce qu’ils courtisent les tyrans en leur louant un faux bonheur fait de richesse et de gloire et fondé sur l’injustice. La mort achève une longue démonstration du malheur du tyran et des cardinaux tels que Mazarin et Concini. L’histoire où la mémoire collective les cite avec mépris et éveille les sociétés à ne plus procréer de pareil. Seul l’homme juste connaît le bonheur dans cette vie et dans l’au-delà. Ce qui fait une élite saine, c’est son adaptation aux réalités concrètes de l’histoire. Une élite inadaptée sera sanctionnée, à moyen et à long terme, pour ses erreurs ridicules qui la rejettent ou la font graviter à la périphérie de l’histoire. La contradiction fondamentale (6), est la nécessité de l’idjtihad à savoir comment dépasser les contradictions de masse dans une concertation démocratique pour arriver à un consensus. C’est un critère réaliste pour définir l’idéologie politique et le meilleur pouvoir politique durable. En portant un regard critique sur nos errements, en évitant les idées préconçues en faisant un travail critique sur soi, ensemble nous serons aptes à créer un événement, un miracle et porter haut l’Algérie sur le podium des nations de la technologie et du savoir.
Ali Tehami
Enseignant universitaire en retraite et consultant en PME/artisanat
21 février 2010
Notes :
1—Ali Tehami, «l’université de Boumerdes sera-t-elle une université de prestige, une technopole ou une nécropole», in ‘Quotidien d’Oran’ du 20 mai 1999.
2—Abderrahmane Ibn Khaldoun, «l’histoire de l’Afrique du Nord»
3—Ali Tehami, «Après 1962, le FLN a-t-il une raison d’être», in ‘El Watan’ du 29 Mai 2007.
4—Ali Tehami, «famille révolutionnaire, peuple réactionnaire», in ‘Quotidien d’Oran’ du 31Mai 2009
5—Ali Tehami, «Artisanat une nouvelle voie de développement économique mondiale en perspective», in ‘Le Quotidien d’Oran’ du 19 Janvier 2010.
6—Ahmed Kaid, «contradictions de classes et contradictions au sein des masses», conférence donnée en 1970, entreprise algérienne de presse, éditeur.
Source : Le Quotidien d’Oran