Après avoir été victime et voué a l’asphyxie par la machine taylorienne, l’artisanat est appelé, a remédier aux erreurs de cette satané machine qui a fait de l’homme un automate ; il fonctionne mais ne vit plus. En effet, selon les spécialiste américains de la prospective, l’artisanat dans les décennies à venir sera le véritable moteur du développement économique mondial.
Ce fait prévisible pour le retour aux sources et à l’authenticité est dicté, selon les analystes, par la tendance affirmée des consommateurs des pays riches à s’abstenir d’acheter les produits de la grande industrie considérés par les médecins diététiciens comme porteurs de maladies du siècle telles que le cancer, l’obésité, le diabète, cardiovasculaires. La peur pour leur santé et le soin qu’ils portent à la qualité de la vie et grâce aux hauts revenus dont ils disposent les consommateurs américains, canadiens et européens se retournent de plus en plus à consommer les produits de l’artisanat traditionnel et d’art et les produits du terroir faits main, personnalisés, dont la qualité reflète le sentiment, la chaleur et l’émotion créatrice de l’homme.
Les produits du l’artisanat sont testés par l’opinion mondiale comme produits un peu plus chers certes, mais économiquement ils sont trois à quatre fois plus solides et durables que ceux de la production de masse. Les produits faits main sont esthétiques répondent au gout des consommateurs les plus difficiles. Ils sont conformes à l’hygiène de la santé, à la qualité de la vie et à l’environnement.
L’entrée de plain-pied de ces pays riches dans la société de savoir et de la technologie et des loisirs promet à l’artisanat de renaitre de ses cendres et de jouer un rôle de premier plan dans la conduite de l’économie mondiale. Cette société de savoir et des loisirs lui ouvre des débouchés incommensurables d’autant plus que les populations de ces pays nantis, vieux ou jeunes, passent leurs temps à voyager à travers la planète, à la recherche d’autres cultures et produits exotiques.
La récession de la grande entreprise des années 70, jointe à la récente crise financière américaine a poussé l’environnement politique, économique et socioculturel mondial à renoncer au gigantisme et au culte du colossal, sans état d’âme, cause de la crise de notre temps, engendré par ses effets pervers tels que la rigidité dans la gouvernance, la lourde bureaucratie étouffante, la prolétarisation à outrance, l’abrutisme, la fatigue, les abus, le chômage, l’absentéisme, le gaspillage des ressources , la corruption, la drogue, le suicide à cause la mal-vie, de pollution de l’environnement, la concentration des richesses dans des mégapoles saturées au détriment de l’arrière pays déserté, appauvri et qui se meurt.
Le monde actuel conscient des limites de ce développement inhumain, travaille, (altermondialistes, les partis et organisations pour la sauvegarde de l’environnement, des droit de l’homme) pour une économie sociale, synonyme de société équilibrée, libre, décentralisée ‘désagrégarisée’ et ‘déprolétarisée’.
Comme l’affirment plusieurs analystes de l’économie, la grande entreprise taylorienne est une espèce de dinosaure en voie de disparition (1). Comme le FLN, sa place doit être au musée de l’histoire.
Le géant de l’automobile américain FORD est en passe de se « défordiser » en petites unités autonomes.
A chaque fois que la grande entreprise se structure ou se restructure à cause de son inefficacité, elle laisse des milliers et des milliers de licencies sur « le carreau ». FORD et Général Motors, firmes frappées par la crise financière au point de déposer leurs bilans ont obligé le gouvernement American a les mettre sous perfusion financière a l’instar de SONACOME en Algérie.
Cette société sociale s’insère dans la nouvelle donne des consommateurs qui permet à l’artisanat d’occuper non seulement les hauteurs dominantes de l’économie et de triompher du productivisme de la machine, mais de réhabiliter la culture du travail bien fait physique et moral, facteurs de la santé et de la dignité de l’homme.
J. Daway, célèbre sociologue américain de l’éducation disait « quand la main travaille, l’esprit réfléchit » tandis que Marcel Mauss soulignait que « les techniques du corps font celles de l’esprit ».
Dans les pays industrialisés, il est rare de trouver, un salarié, un industriel, un banquier, un fonctionnaire, sans une passion pour le bricolage ou le jardinage.
Le travail productif incarné par l’artisanat contribue à transcender le dualisme entre l’économique et le social. Il développe les facultés morales et sociales de l’homme. Les motivations morales élèvent l’homme à la recherche de la qualité, du sublime beau et de la vérité. L’artisan, ou l’homme, forgé par le travail à peur de l’échec.
Cette boutade dite après la nationalisation des hydrocarbures en février 1976 que : « si l’Algérie a du pétrole, la France a des idées » doit être une leçon pour les générations présentes et futures.
En effet, les puissances actuelles détentrices des idées et des techniques ont travaillé d’abord de leurs mains. En dépit de la machine comme dominante dans le système capitaliste, il n’en demeure pas moins que l’artisanat constitue le cœur et le poumon de l’économie en général et de l’industrie en particulier grâce à son apport, en amont et en aval, à l’intégration, en services de maintenance et d’entretien de la petite et grosse réparation, en pièces de rechange ainsi que les services pour le secteur du bâtiment et travaux publics.
La preuve en est, la France compte plus de deux millions d’artisans ou d’entreprises artisanales, les USA six millions, l’Italie deux et demi million, le Japon sept millions. Il est inutile de parler de la Chine ou la quasi-totalité de son économie est basée sur l’artisanat. Ce pays dispute, aujourd’hui aux USA, la première puissance mondiale. Dans ces pays, 70% des créateurs d’entreprise à longue longévité, créatrices de richesses et d’emplois durables sont le fait des artisans.
Peter Drucker dans son ouvrage, « les entrepreneurs » a souligné qu’au cours de la décennie 1980, les grandes firmes américaines ont licencié plus de deux millions de travailleurs et au cours de la même période l’artisanat et la TPE ont crée 20 millions d’emplois. A propos de l’emploi, la part occupée par l’artisanat dans l’emploi global est de 55% au Japon, 50% aux USA, 45% en France, 60% en Italie, 15% au Maroc et 25% en Tunisie… 3,5% en Algérie.
Après s’être distingué comme bâtisseur de toutes les civilisations mondiale depuis la préhistoire jusqu’à celle du savoir et des loisirs actuelles, l’artisanat demeure « l’école de formation des maestros, des donneurs de travail »(2), en d’autres thermes, des créateurs, des entrepreneurs, de managers, et d’innovateurs (3).
L’artisanat non seulement absorbe les licenciés issus des « plans d’ajustements structurels (PAS) », de récession de grandes entreprises, les chômeurs charriés par la crise économique, mais forme les non qualifiés à la qualification, a l’esprit de créativité et à la culture de l’entreprise. Il permet au monde actif de se déprolétariser, de s’installer à son propre compte, et de créer son propre emploi et celui des siens, de s’affranchir du rythme monotone et abrutissant du travail à la chaine et de ne plus avoir les yeux rivés constamment sur la pointeuse. En dépit de toutes ces actions, l’artisanat forme la petite et moyenne classe sociale, épine dorsale de toute économie indépendante et durable.
Dans les pays riches, le travail cesse d’être une servitude. Il devient un centre d’intérêt pour la santé et un moyen d’épanouissement de l’homme à perfectionner ses connaissances techniques et scientifiques. Dans la vie, il n’y a pas de sot métier et le travail n’a jamais tué personne, excepté les accidents, la paresse, l’oisiveté, le stress et le désespoir.
Tous les prophètes qu’a connu l’humanité sont des gens de métier (bergers, forgerons, charpentiers commerçants). En Europe tous les artisans sont vénérés et portent les noms de saints.
En Algérie, l’évolution économique durant bientôt un demi-siècle est caractérisée par des distorsions, des perversions des gaspillages et la dépendance. La mauvaise gouvernance a rendu caduque les efforts consentis jusque là. L’écart démesuré entre les objectifs fixés et le degré de leurs atteintes trouve son interprétation dans le choix et la conduite débridée des actions ainsi que dans le recours massif à la technologie et au savoir faire étrangers écartant de ce fait la participation des compétences des capacités nationales à l’effort de développement. La dépendance de l’étranger aidant, cette situation a provoquée des tensions qui ont engendré la crise politique économique, sociale et culturelle à laquelle est confronté actuellement le pays.
Beaucoup a été dit sur l’absence de sérieux dans la conduite des actions. Les saupoudrages financiers pour maintenir « la paix sociale » la mise sous perfusion permanente des secteurs publics économiques notamment le secteur industriel en agonie, l’allongement interminable des délais de réalisations, la centralisation bureaucratique, le blocage des initiatives, de la liberté d’expression, les rentes de situations, le langage triomphaliste ont abouti à une rupture entre les discours -creux- politiques et les préoccupations réelles de la société. Le sentiment de frustration a conduit à la démobilisation des énergies, à la fuite forcée des cerveaux et le désespoir qui s’est emparé du peuple.
Les programmes de structuration, de déstructuration et restructuration qu’a connu le secteur industriel public depuis les années quatre vingt, l’ouverture de notre économie à la mondialisation, au partenariat étranger, les programmes « de mise à niveaux » des entreprises, de compétitivité, de management qualité, de privatisation ont abouti à des résultats insignifiants. L’Algérie avec ses richesses fabuleuses financières et humaines reste toujours à la traine des pays non développés. Cette situation pose des problèmes sérieux et complexes pour le devenir proche et lointain de l’Algérie.
Pour relever les défis de la mondialisation qui pèsent sur les économies fragiles, l’Algérie doit investir dans ses propres forces, c’est-à-dire dans l’artisanat.
En économiste averti, nous savons que l’Algérie ne connaitrait pas un ordre social ou une économie stable si l’algérien ne trouve pas du travail comme un homme libre au milieu des hommes libres. En effet il n’y a que l’artisanat qui libère l’homme, qui déclare la guerre au chômage et à la misère, conséquences de la délinquance de la paresse, de l’oisiveté et de la violence. Notre retard économique et la crise que nous subissons sont le fait de la marginalisation de l’artisanat dans la politique économique du pays.
En investissant dans l’artisanat, l’Algérie économisera non seulement ses moyens matériels et humains mais en une décennie, elle passera de l’idéologie de la paresse, de la démobilisation et de l’indifférence, à celle du travail, de la production et de la technologie. Elle passera de l’idéologie de la violence à celle de la créativité, du progrès et de la cohésion sociale, de celle de l’ignorance à celle de savoir faire et des idées.
L’Algérie doit rompre avec cette mentalité de faire vivre son peuple de dotations de l’Etat à fonds perdus et de compter sur les autres que soi. Les formules de filet social de pré-emploi sont incompatibles d’une société qui veut émerger vers une économie de compétitivité internationale.
L’artisanat est considéré comme une planche de salut, un messie dans la sauvegarde des économies des pays riches en dépérissement. En invertissant dans l’artisanat celui-ci sauvera l’économie nationale de son marasme et lui donnera une vigoureuse jeunesse. L’artisanat forme l’homme au reflexe, à la réflexion, à l’habileté, à la dextérité et au tour de mains, mouvements qui inculquent à l’homme la culture de travail et du travail bien fait. A l’aide de ses outils il invente, crée, gère, innove.
De part la passé, l’artisanat a toujours fourni à l’humanité des hommes de génie, des talents de premier plan dans tous les domaines de savoir, du savoir faire, de la science et des techniques, de managent, etc, tels que Henry Ford, Louis Renault, Mc Cormick, Morgan et bien d’autres. Les statistiques mondiales traduisent que 80% des entrepreneurs sont des d’artisans ou des fils d’artisans. L’artisan, tout en préservant les valeurs spécifique est toujours a l’écoute du changement, du progrès. Parfois, il anticipe et son regard est tourné toujours sur l’avenir.
Si l’universitaire est une bibliothèque du savoir théorique, l’artisan est une bibliothèque du savoir pratique. L’artisanat constitue l’agent d’équilibre de l’espace en maintenant les populations dans leurs lieux d’origine. En effet l’artisanat transporte ses techniques en tous lieux même les plus reculés à dos d’âne. Ces techniques parfois n’exigent ni routes ni électricité, ni eau ni encadrement qualifié, ni investissements onéreux. S’il manque parfois de culture générale, l’artisan connaît la résistance des matériaux la géométrie et les NTIC.
Pourvu que l’Algérie aura confiance en son artisanat et ses artisans. Ils sont capables de relever les défis de l’après-pétrole, comme ils l’ont fait durant la lutte de libération. Cependant, déjà durement touché durant la colonisation française et négligé dans la politique économique nationale depuis l’indépendance, au point ou il ne figure même pas dans les tableaux statistiques de l’ONS. Ce secteur vit encore dans des structures révolues pour ne pas dire du code de la l’indigénat.
Il est heureux que les pouvoirs publics a travers des actions timides de l’ANSEJ, de la CNAC, de l’ANGEM, dispositifs des micros crédits l’artisanat renoue progressivement avec la dynamique sociale de production par les forces propres. Quoi que bénéfique cette action d’aide aux jeunes a crée leur propre emploi reste sans résultats probants à cause toujours de la mauvaise gouvernance ou par faute de moyens à accompagner le jeune à s’impliquer d’avantage dans son projet. La création récente des chambres de l’artisanat et des métiers sont actuellement peut opérantes pour permettre aux artisans de se concerter de se organiser et de défendre leurs intérêts moraux et matériels.
Les assises de l’artisanat arrêtées pour le 21,22 et 23 Novembre 2009 promettent de faire une analyse et une synthèse de tous les problèmes que rencontre le secteur notamment :
– La redéfinition et la refonte des structures de promotion et leur adaptation à la spécificité de l’artisanat ;
– L’approvisionnement et la commercialisation ;
– La facilité du crédit par la création d’une banque financière spécifique ;
– La formation intensive des métiers ;
– La formation des coopérateurs ;
– La création d’un centre de recherche sur les métiers anciens et l’innovation ;
– La création de centres de formation aux techniques du marketing, de communication et de design.
– La création des maisons des vieux métiers dans chaque région à vocation artisanale ;
– La création de centres de normalisation et de labellisation des produits de l’artisanat ;
– La création d’un dispositif spécifique d’encouragement;
– La création d’une banque de données ;
– Entreprendre un recensement exhaustif de l’artisanat ;
– Entreprendre des études monographiques de l’artisanat dans chaque wilaya ;
– La facilitation d’accès aux locaux et aux terrains des artisans.
Les parties prenantes de ses assises auxquelles nous leurs souhaitons pleins succès dans leurs travaux élaboreront, nous en sommes convaincus, une plate-forme, une stratégie à la mesure de la dimension de ce secteur qui exprime notre histoire notre personnalité et notre génie.
Nous terminions ce travail par la réflexion plein d’enseignements de Hassan Fathy :(4) « La tradition dit-il n’est pas forcement désuète et synonyme d’immobilisme, de plus la tradition n’est pas obligatoirement ancienne mais peut très bien n’être constituée récemment….. Il y a des traditions venues de l’aurore de l’humanité qui sont toujours vivantes. Il existe par ailleurs des traditions bien qu’elles soient récentes et en principe au début de leur cycle, sont en fait des mort nés … Modernisation ne veut pas forcement dire vie… Alors pourquoi devrait-on dédaigner la tradition de son pays ou de sa région et introduire les traditions étrangères en une synthèse artificielle et malhabile ».
Parlant en tant qu’artisan il dit : « que l’ouvrier qui surveille la machine dans une usine ne met rien de lui-même dans ce que produit la machine. Les produits faits par la machine sont identiques, impersonnels et n’apportent pas plus de satisfaction à l’utilisateur qu’à lui-même. Les produits faits à la main nous plaisent par ce qu’ils expriment l’humeur de l’artisan. Chaque irrégularité, chaque particularité, chaque différence est le résultat d’une décision prise au moment de la confection ; le changement de motif lorsque l’artisan est las de se répéter ou un changement de couleurs lorsque il manque d’une teinte ou d’un fil. Ce sont les témoignages de l’interaction constante de l’homme et de ses matériaux. La personne qui utilisera l’objet ainsi fait comprendra la personnalité de l’artisan à travers ses hésitations ses changements d’humeurs et c’est pour cela que cet objet aura plus de valeurs que d’autres ».
Ali Tehami
14 janvier 2010
Références
(1) Boutilliers Uzunidis, l’entrepreneur, Edition Economica, Paris 1995.
(2) Barre R., Economie politique, tome II, Presse universitaire de France.
(3) Drucker P., les entrepreneurs, édition Hachette, Paris 1985.
(4) Hassan Fathy, « construire avec le peuple » Edition SINDBAD, le Caire, Egypte.