En plus d’une situation très dégradée sur de nombreux plans notamment socio-économiques et sanitaires, les algériens ne vivent plus en sécurité dans leur propre pays depuis de nombreuses années. Malgré certaines apparences, l’Algérie continue de s’enfoncer dans un gouffre de misère et d’ insécurité qui risque non seulement de durer mais aussi de s’amplifier.
Les attentats qui ont été commis à Hydra et Ben Aknoun ressemblent étrangement à ceux du 11 avril 2007 qui avaient fait au moins 30 morts. Le mode opératoire est identique puisque des voitures chargés de plusieurs centaines d’explosifs visent des lieux précis et provoquent un maximum de victimes dans la population. Les images des sites visés du 11 décembre 2007 témoignent de l’extrême violence des explosions. Le bilan humain affiché actuellement est contradictoire puisque les hôpitaux font état de près de 70 morts alors que le ministère de l’intérieur communiquait le chiffre de 30 morts et 28 blessées.
Il demeure là un sérieux problème au regard des chiffres et de l’écart constaté. Il faut toutefois se rendre à l’évidence. Dans n’importe quel pays au monde, les victimes sont toujours soignés dans les hôpitaux. Ces structures sont donc les mieux placées pour soigner, sauver des personnes et rendre compte de leurs activités à travers des chiffres on ne peut plus proches de la réalité, qu’ils communiqueront par la suite aux ministères concernés et notamment celui de l’intérieur.
Mais en Algérie la réalité est tout autre. Les victimes ont certes été pris en charge dans les hôpitaux mais c’est le ministre de l’intérieur qui détient la « vérité suprême » comme s’il avait personnellement accueilli les blessés et constaté les décès. Dans un exercice de conférence de presse improvisé, le ministre Zerhouni Yazid rendait compte avec une certaine autorité de l’état de la situation. Mêlant un arabe hésitant et un français rudimentaire, il répondait aux journalistes présents, louant une grande efficacité aux services de sécurité, à la force de la nation, évoquant une Algérie debout… bref le langage de bois habituel, mensonger qu’aucun algérien ne veut plus entendre.
Il reconnaît toutefois « une faille » dans le système de sécurité. A ce stade le terme de « faille »n’est pas adapté, il est même déplacé par respect pour toutes les victimes. Il est plus convenable de parler d’un énorme désastre avec un système « totalement à la dérive », un État qui ne fonctionne plus et surtout qui n’a jamais assuré sa prérogative première : celle de garantir la sécurité de ses citoyens.
Et lorsqu’ une journaliste demande à Monsieur le ministre s’il ne craint pas le départ des étrangers, il ne trouve rien d’autre comme réponse que d’exposer à l’auditoire, une anecdote de son passé d’ambassadeur dans laquelle il évoque le cas d’un grand patron étranger qui lui garantit de rester en Algérie si les affaires restent juteuses. Notre ministre de l’intérieur semble plus préoccupé par les dollars que par la sécurité sur le sol algérien.
Le pays traverse une crise sans précédent, qui puise ses origines au coeur d’un système, d’une caste mafieuse, qui a fait de la corruption sa raison d’être s’accaparant ainsi le pays et ses richesses.
Au regard de la situation socio-économique, il est aisé de comprendre l’incompréhensible à savoir comment un pays riche peut-il regorger de pauvres qui représentent près de 90 % de la population. Les couches moyennes disparaissent progressivement pour se paupériser davantage. Le pays subit une thérapie de choc de la part de ses dirigeants qui bradent toutes les richesses du pays aux investisseurs. Les sociétés étrangères fleurissent sur le territoire, BNP Parisbas, Speedy, Société Générale, Carrefour…ou encore EMAAR, une firme du golfe qui voudrait investir et surtout s’approprier la capitale en y investissant 20 milliards de dollars. Le régime se contente de sauver les apparences en installant des firmes reconnus dans l’imaginaire des algériens, mais malheureusement inaccessibles pour eux.
La réalité est tout autre puisque la situation socio-économique est alarmante et l’écrasante majorité des algériens souffrent, et survivent dans un pays sans avenir. Le chômage frappe plus de 40 % de la population active, la crise du logement s’est définitivement installé en Algérie et les produits de première nécessité connaissent une inflation foudroyante comme l’huile à 750 dinars le litre, la pomme de terre à 40 dinars ou encore le lait qui s’achète désormais en poudre en raison de son prix élevé. Il faut rappeler que le salaire moyen en Algérie se situe autour de 7000 dinars soit à peu près 70 euros. Cela contraste avec les bénéfices colossaux engrangés par les exportations d’hydrocarbure, et les réserves de change du pays qui sont estimés à plus de 100 milliards de dollars
En fait, il s’agit de la suite logique d’un pays qui ne possède aucune économie digne de ce nom et qui ne se contente uniquement d’importer et donc de subir de plein fouet certaines inflations internationale relatives à certains produits.
Et le plus dur reste à venir puisque l’Algérie ne s’est pas encore penché sur l’après pétrole.
Dans le contexte actuel, le pays ne possède aucun avenir et si des visas devaient être délivrés il ne resterait pas grand monde sur le territoire. Les algériens ont perdu tout espoir et ont fini par comprendre que leur pays était l’otage d’un régime mafieux qui a fait de la corruption une religion d’état. Ce système criminelle, tentaculaire, initié par un clan de généraux, trouve ses relais dans toutes les sphères du pouvoir et les institutions de l’Etat.
Aujourd’hui les dégâts occasionnés sont monumentaux puisque le pays est dans une situation de délabrement général. Plus aucune institution ne fonctionne en Algérie. Le pays est à l’arrêt, et malheureusement son peuple en plus de vivre une situation-économique chaotique, il doit également faire face à un contexte sécuritaire désastreux.
L’Algérie est un pays violenté par ses dirigeants depuis de trop nombreuses années. Les chiffres sont éloquents: plusieurs centaines de milliers de morts, des dizaines de milliers de disparus et des millions de pauvres algériens qui survivent dans l’horreur du quotidien. Le régime qui perdure depuis longtemps sous des facettes diverses a échoué. Pire encore, certains portent la responsabilité de la situation dramatique que traverse le pays. Ils devront tot ou tard ans un Etat de droit répondre de leurs actes devant la justice inexistente actuellment.
Il est important que chaque algérien prenne conscience que l’heure est grave. Le pire est à venir. Aucune évolution à tous les niveaux n’est envisageable dans ce pays, tant qu’il subsistera la corruption. Une véritable rupture est nécessaire avec un système qui sert ses intérêts avant tout.
Un changement radical en profondeur s’impose dans toutes les sphères institutionnelles du pays. Le pouvoir politique doit être rétabli, en installant des personnalités d’exception intègres au gouvernement, ce qui est loin d’être le cas actuellement, y compris au sommet de l’Etat. Les vrais problèmes doivent être abordés: la sécurité,la situation socio-économique, l’éducation, la santé, la justice et la corruption.
Chacun de nous doit faire preuve de courage et dénoncer publiquement ceux qui ont plongé le pays dans le crime,la misère et la dépravation. Une prise de conscience collective est nécessaire afin de construire une République nouvelle avec des hommes nouveaux qui permettrait réellement au peuple de devenir souverain.
Ben Ali
Le 12 décembre 2007