L’Irak vient de se faire voler un pan entier de son Histoire. La page du talion n’a pas été tournée. Elle a été noircie jusqu’au bout, à l’encre électoraliste états-unienne et à l’amer jus irakien de la vengeance sectaire. Avec le voyeurisme du téléphone portable, la pacotille du modernisme technologique a pris le pas sur les avancées de la modernisation politique. « Electoraliser » le destin de l’autre, le réduire à un pion sur l’échiquier de ses urnes ou à un point dans la courbe de ses sondages : dans cette lente descente aux enfers, la politique américaine vient de franchir un nouveau seuil.
Si le brave co-président de l’U.E., qui se réjouit de cette nouvelle attaque contre l’un des pays les plus démunis de la planète, me gâche tant ce début d’année, c’est qu’il ne semble pas avoir remarqué que le prétexte évoqué par le département d'Etat et « gobé » par la classe politique européenne "d'empêcher la Somalie de devenir un repaire pour terroristes" pourrait fort bien faire jurisprudence. En s’en tenant aux catégories de l’administration américaine, on peut craindre ainsi en 2007 des attaques contre Peshawar et Le Caire, Alger et Casablanca, le Londonistan, les banlieues d’Hambourg, de Rome ou de Paris, et, pourquoi pas, celles de Marseille, votre deux pièces, leur chaumine ou mon bureau. Bonne année quand même, pendant qu’il est encore temps.
François Burgat
Article paru dans l’Indigène de la République – N° 4 janvier 2007