Le vendredi 22 février 2019 inaugure l’acte fondateur de l’Indépendance citoyenne du peuple algérien. 1962, c’était l’indépendance de l’Algérie, mais l’Algérien, lui, a continué de vivre dans sa chair et son quotidien, la continuité de la longue nuit coloniale. De « TAHIA EL JAZAÏR ( Vive l’Algérie) en 1962 » à « PAUVRE Algérie en 1999 » à « l’Algérie confisquée en 2008 » que dire alors de l’Algérie de 2019?
De « Tahia el Jazaïr en1962 » à « l’Algérie de la honte en 2019 »
Peut-on s’accommoder de la honte? Peut-on accepter qu’une caste de rapace continue à ravager et défigurer l’Algérie, Notre Algérie. Peut-on se regarder dans un miroir et regarder nos enfants dans les yeux et continuer à dire que nous sommes algériens, que nous sommes des Hommes en acceptant de cautionner l’acte le plus immoral et le plus avilissant que peut subir un peuple: s’incliner devant son bourreau, son tortionnaire, qui l’ a dépossédé de sa dignité depuis 1962.
Accepter l’idée d’un 5ème mandat c’est plus qu’une abdication 1 c’est l’affaissement total (L’Inbitah).
Nous sommes en tant qu’Algériens, les héritiers de l’Emir Abdelkader 2. Se référer à cet homme c’est souligner la sacralité de l’Algérie. Le sang versé pour la libérer n’est que la traduction de celle-ci. L’Algérie est une terre sacrée depuis l’évènement immémorial qui acte la naissance de ce pays en tant que peuple et nation que fût l’élection de l’Emir Abdelkader en 1832.
L’indépendance confisquée en 1962. Une autre volonté s’est imposée à celle du peuple. Elle n’a fait depuis cette date que l’infantiliser, le domestiquer, le spolier pour finir par l’humilier. Peut-on continuer à regarder ceux qui s’imposent contre la volonté du peuple, le méprise et l’humilie comme faisant partie de la communauté nationale ? Peut-on continuer à les mythifier en sachant que Bouteflika est un des noms de cette volonté dominatrice et sanguinaire qui s’est abattue sur l’Algérie en 1962 ?
Bouteflika est l’incarnation par excellence de ce système qui chante le nationalisme et méprise le peuple, qui psalmodie sans cesse la sacralité de la terre algérienne et dilapide ses richesses; il a réduit l’Algérie à sa personne et a osé dire que chaque Algérien à un prix donc achetable, nous, les héritiers de la probité de l’Emir Abdelkader et de celle de Larbi Ben M’hidi 3, répondons que celui qui méprise le peuple n’a pas le droit de parler en son nom, et la dépouille d’un corps qui représente le système ne peut être enterrée sur une terre sacrée. Le peuple algérien est le seul héritier et dépositaire de cette sacralité. Et cette sacralité refuse d’accueillir ce corps au nom duquel tous les sacrilèges ont été commis.
C’est l’heure de vérité. Il y a un avant et un après. Il y a le peuple et ce pouvoir mafieux. Il y a d’un côté une culture populaire 4 et une culture militaire 5. Les enfants du peuple et ceux du système. La résurrection du peuple algérien, de notre honneur, de notre dignité doit porter en elle la mort définitive de ce système et de l’ensemble des symboles qui le caractérisent.
ETRE OU NE PLUS ETRE ALGERIEN.
Le vendredi 22 février 2019 est notre vendredi saint. Il incarne notre résurrection. Nous sommes témoins pour les générations futures que nous sommes les dignes héritiers de ceux qui placent l’intérêt public et le sacrifice pour les nobles causes au cœur de leurs vies.
Ce peuple du 22 février qui crie contre l’injustice et réclame honneur et dignité porte en lui la voix de Dieu : Vox populi, vox Dei. Cet appel, toute l’Algérie l’a entendu. La nouvelle s’est répandue dans le monde. Ne l’oublions jamais : Le seul héros est le peuple et que plus jamais une volonté ne s’imposera à lui.
Nous sommes le Peuple, nous sommes la Vérité, nous sommes l’Histoire. Nous portons à jamais ce témoignage et nous serons comptables devant l’histoire.
Taisez-vous ! Taisez-vous ventrus du système, serviteurs de vos maîtres de l’intérieur et de l’extérieur, spoliateurs de richesses et fossoyeurs de valeurs ; qu’avez-vous semé sur cette terre sacrée? La discorde et la trahison, le vol et la corruption, la peur et la terreur, le crime et la mort, la honte et l’humiliation, l’exil et les larmes de nos mères pour leurs enfants Harragas. En un mot: l’HORREUR.
Taisez-vous ! Le peuple avance! Pacifique et déterminé! Grand et glorieux !
Et maintenant, peuple du 22 février, dans cette Algérie meurtrie, humiliée et profanée, jette par ton insurrection citoyenne la certitude d’un avenir fraternel, jette l’aspiration pour une Algérie dans laquelle sera bannie à jamais ce système.
Sortez à jamais de nos vies, de nos vues et disparaissez de cette terre sacrée.
Ce peuple du 22 février 2019, ce peuple qu’on a cru mort, dans un sursaut salutaire et exemplaire est en train d’écrire une nouvelle grande histoire. IL porte en lui le souffle de l’esprit du printemps arabe. L’écho de l’esprit du «Dégagisme » initié par le printemps arabe en 2011 en Tunisie, repris par les Gilets jaunes en France, le voici maintenant flamboyant dans le ciel de l’Algérie. Le printemps qui s’annonce sera plein de promesses: le printemps des peuples.
Mahmoud SENADJI (Ancien professeur à l’Ecole Supérieure des Beaux Arts d’Alger)
1-Voir l’article de Rachid Benyelles, Algérie : non à la présidence à vie !, le Monde, 10 novembre 2008, cité dans mon article, Algérie : pays des simulacres, Oumma, le 29 décembre 2008.
2-Que les Algériens comparent ces détenteurs du pouvoir qui psalmodient l’hymne national et qu’ils se disent : quel rapport ont-ils avec la personnalité de l’Emir Abdelkader, dont ils puisent la ferveur nationale et prétendent être les héritiers politiques ? « Comme Abdelkader est incomparablement plus digne d’éloges que tous les bureaucrates réunis qui prétendent aujourd’hui être ses héritiers politiques[…]. Son évocation pourra seulement servir à mesurer l’exacte indigence et le néant révolutionnaire de la bureaucratie algérienne comparée à ce seul personnage. A lire dans mon article, Algérie : le testament des décombres, Libération, le 2 juin 2003.
3- Larbi Ben M’hidi fût arrêté le 23 février 1957. Le témoignage émouvant du Capitaine Allaire résonne encore dans mes oreilles : « J’aurais aimé avoir un patron comme ça de mon côté, j’aurais aimé avoir beaucoup d’hommes de cette valeur, de cette dimension de notre côté. Parce que c’était un seigneur Ben M’hidi. « Je voudrais être soumis à ces tortures, pour être sûr que cette chair misérable ne me trahisse pas. J’ai la hantise de voir se réaliser mon plus cher désir, car lorsque nous serons libres, il se passera des choses terribles. On oublie toutes les souffrances de notre peuple pour se disputer des places ; ce sera la lutte pour le pouvoir. Nous sommes en pleine guerre et certains y pensent déjà ; des clans se forment. A Tunis, tout ne va pas pour le mieux, j’aimerai mourir au combat avant la fin. Ben M’hidi » Nous avons à méditer ce testament de Ben M’hidi car la tragédie de l’Algérie trouve son origine dans les années 1954-1962, principalement avec la naissance du FLN. Honneur à sa mémoire.
4– Le génie de cette culture populaire est chanté par la jeunesse dans les stades dont les paroles représentent le summum de la conscience politique. Cette jeunesse représentant la moitié du peuple algérien est la voix du peuple et elle est dépositaire de son histoire. Non les partis politiques.
5-J’entends par culture militaire cette culture brutale, dominatrice, arrogante, méprisante, ne semant que l’horreur et le désarroi sur son passage. Ne possédant aucun raffinement, fruste dans ses fondements et ne pouvant tolérer même l’idée de l’égalité. C’est cette mentalité qui sévit en Algérie depuis 62 et ne peut car c’est contraire à sa nature accepter l’idée de la souveraineté du peuple.