Démenti et mise au point
Une campagne de désinformation cherche à faire croire que j’aurai déclaré « les berbères sont des ignorants et des sauvages » dans un article publiée le 22 Février 2015 sur Echourouk on line (http://www.echoroukonline.com/ara/articles/234254.html).
La campagne a débuté dans le site berbériste « Siwel, Agence Kabyle d’information »(http://www.siwel.info/m/). Je n’ai pas dit « les berbères » (en arabe « berber ») mais « berbéristes » (en arabe « berberiyoun »). J’ai même précisé dans l’article (à la 3eme ligne) en caractères latins ‘berbériste ». Il ne peut donc avoir confusion, sauf si on la recherche. De plus si j’ai dit que les « berbéristes étaient ignorants », et effectivement ignorants de l’histoire de notre pays comme le montre tout l’article, je n’ai pas dit d’eux qu’ils étaient des « sauvages » comme le mot a été ajouté par le site « Siwal ». Cet ajout est malveillant et, au fond, ridicule. Il révèle, à travers l’usage, par Siwal, de ce cliché du vocabulaire colonial, plus sur ce site lui même que sur ce qu’il veut révéler.
Je suis moi-même chaoui et donc berbère. J’ai passé ma vie, dans de nombreux ouvrages, à donner une vision nationale, celle d’un intellectuel de culture arabe, de notre Histoire, de la Numidie jusqu’à nos jours. Elle s’oppose évidemment à la vision berbériste confinée dans le ghetto de la francophonie et qui n’a quelque influence encore que parce qu’elle s’appuie sur l’ignorance de notre véritable Histoire, ou, ce qui revient au même, sur la fausse conscience historique de nous-mêmes, créée par le colonialisme et l’européocentrisme. Cette fausse conscience s’est parfois tellement enracinée dans certains milieux culturels que la vision historique qu’elle induit leur tient lieu d’évidence.
Il est heureusement aujourd’hui d’autres horizons qui proviennent aussi bien de l’accès à d’autres sources que françaises dans le monde, notamment anglo-saxonnes, de nouveaux travaux et découvertes historiques, ainsi que de l’effort qui se développe chez nous de réappropriation de notre histoire. Il y a fort heureusement aussi maintenant des historiens français talentueux qui contribuent à produire une autre vision historique sur l’Afrique du Nord, les Berbères et la vision francophone néocoloniale. Citons parmi eux Pierre Rossi et son célèbre ouvrage, « la Cité d’Isis, Histoire vraie des arabes » où il montre les racines arabes de toute la civilisation méditerranéenne, des grecs et romains jusqu’en Afrique du Nord. Citons aussi, pour les travaux algériens, le monumental travail récent, fait en langue française, par Abderrahmane Benattia où il montre les racines arabes du latin et le caractère historique universel de la langue arabe. Ceci peut paraitre étonnant par rapport à certaines habitudes de pensée mais ce sont les résultats des nouvelles recherches historiques.
Mon article a paru simultanément, le même jour, dans deux medias. Il a paru dans « Echchourouk » sous le titre donné par le journal « Constantine est arabe depuis sa fondation, ô Idir et Ait Menguellet » et il a paru, sous sa forme complète, dans « El Ray El Youm » sous le titre, donné par moi, « Les berbéristes nient l’arabité de Constantine ».
Dans cet article, je parle de l’histoire réelle de Constantine et de la Numidie. Je parle des héros et patriotes authentiques qu’ont été Syphax et Jugurtha qui ont lutté jusqu’à la mort contre l’occupation romaine. J’évoque la figure émouvante de la reine Safan bal, épouse du roi Syphax, qui a préféré se suicider qu’être l’épouse de Massinissa. Cela aurait été, pour elle, un déshonneur car elle le considérait comme un collaborateur des romains. Certes je fais montre de peu de sympathie pour Massinissa. Mais à chacun ses références et ses préférences. Il est vrai que certains se reconnaissent d’autant plus dans Massinissa qu’il s’est soumis à la tutelle romaine comme eux aujourd’hui à la tutelle occidentale dans laquelle ils voient la modernité. L’Histoire se répète.
Lorsque je m’adresse dans cet article à Ait Menguellet et Idir, c’est parce que le Commissaire de la manifestation « Constantine, capitale de la culture arabe » a déclaré qu’ils refusaient de participer à cette manifestation pour des raisons idéologiques liées à l’appellation « capitale arabe ». Si cela est vrai, ce serait une position étroite et un préjugé, lié à la méconnaissance de notre Histoire, dont je parlais plus haut.
Lorsque je leur dis alors que « Constantine est arabe depuis sa fondation », cela peut paraitre une position extrémiste, de nationalisme arabe. Mais c’est pour indiquer, de façon peut être un peu lapidaire, comment pour moi berbérité et arabité sont inséparables, et comment elles appartiennent au même tronc, au même bassin de civilisation, de Oman jusqu’en Mauritanie, comme le montre, entre autres, les historiens américain Will Durant (« Histoire de la civilisation ») et William Langer (« l’Encyclopédie de l’Histoire du Monde », édition 1972) ou le préhistorien Français Gabriel Camps (« les Berbères: mémoire et identité », Paris, 1995). Lorsque j’emploie le mot arabe, je le fais au sens qui lui est donné par Pierre Rossi d' »anciens arabes » (ouroubiya-عروبية) pour bien montrer cette parenté civilisationnelle et linguistique. D’ailleurs c’est ce terme que j’emploie dans la version complète du même article paru sur le journal en ligne « Ray El Youm » (http://www.raialyoum.com/?p=221472)
Bref, j’essaie de mener un combat intellectuel basé sur les faits et des vérités historiques que le colonialisme a cherché à travestir ou tout simplement à éliminer de notre mémoire et de la mémoire humaine.
Othmane Saadi
28 février 2015
Un commentaire
RE: Etre berbère n’est pas être berbériste
Je ne veux pas entrer dans le débat de fond sur le berbérisme, parce que je n’ai rien à ajouter à ce qui a été dit et écrit sur le sujet, avec autorité – aussi bien académique que morale – par M. Othmane Saadi.
Je voudrais juste livrer une information assez significative, à propos de l’ouvrage magistral qu’est « La Cité d’Isis » de Pierre Rossi, qu’il s’agisse du tirage initial, aux « Nouvelles Editions Latines » en 1976 ou du tirage suivant, aux « Editions du CERF ». En effet, lorsque – il y a une vingtaine d’années – deux représentants de l’ENAG – M.M. Mohamed Benmansour et Ali El Kenz, ont voulu négocier les droits, ils ont été informés qu’ « il n’y avait rien à négocier », ces droits, ainsi que tous les lots des livres existants ayant été rachetés en bloc par un mystérieux acheteur… Un acheteur dont on devine aisément, à défaut de la nationalité, l’obédience sioniste, et le racisme anti arabe et islamophobe.
Il se trouve qu’au début des années 90, j’ai été parmi les deux ou trois amis du regretté Si Mouloud TIAB, un traducteur professionnel, à l’avoir encouragé avec notre amicale insistance, pour traduire en arabe « La Cité d’Isis ». Cet ouvrage est disponible en Téléchargement :
https://archive.org/stream/Watan.Isis/kitab#page/n13/mode/1up