L’arrivée sur scène des Russes dans ce qui doit s’appeler dorénavant le feuilleton égyptien de Djezzy est une nouvelle donne dans les plans de Sawiris et de ses conseils officieux et officiels, internes et externes. En tout cas la manœuvre est grossière et constitue le dernier moyen pour faire pression sur le gouvernement algérien afin qu’il cède sur les différentes revendications de ses propres institutions en place. L’importance des relations algéro-russes ne peut peser sur une aussi grande affaire qui menace le pays, tant sur le plan économique et financier que sur le plan sécuritaire et cela a été prouvé lors de la visite de Medvedev à Alger. Bouteflika a bien dit non et ceux qui pensaient que des éléments du DRS « ayant pignon sur rue à Djezzy », allaient soutenir l’entreprise des égyptiens, auront divagué jusqu’à l’ultime instant.
Pour rappel, les conditions de l’arrivée de Djezzy sont passées presqu’inaperçues pour le grand public à cause de la curiosité qu’il générait car, disait-on, cet IDE représentait la consécration d’une politique éclairée ; c’était le temps pendant lequel on vantait encore la confiance internationale retrouvée. Les IDE sont, aujourd’hui, décriés par l’équipe Ouyahia qui n’était pas absente quand on les vénérait.
Dans cette histoire de déréglementation des télécommunications, la procédure et les apparences étaient sauves, mais il est vrai que l’écart entre le premier soumissionnaire et le second était trop grand, du simple au double (737 millions USD contre 422) comme si ces entreprises ont travaillé sur des cahiers de charges différents et des paramètres socio-économiques de pays différents.
Les divergences des exposés des sept ministres en charge, de près ou de loin, de l’économie nationale, à Djenane El Mithak, devant un parterre de soumissionnaires potentiels, avant le lancement de l’appel d’offres, ne pouvaient expliquer la trop grande différence des soumissions
La facilité avec laquelle Djezzy avait évolué par la suite, en l’absence de contrôle efficient, vu l’incompétence de l’ARPT débutante et de concurrence puisque Algérie Télécom n’existait pas encore formellement et pire, elle avait des difficultés d’ouverture du bilan consacrant la séparation structurelle du ministère des PTT et de la nouvelle entité, a suscité moult questions surtout que le nouvel opérateur avait engagé une opération de vente des puces avant la mise en place de la première partie de son réseau. Les clients avaient attendus plusieurs mois avant de pouvoir utiliser leurs téléphones. Djezzy avait profité de la manne financière des clients (sans intérêt aucun) et un bénéfice outrageant parce que la puce vendue à 25’000 DA coûtait à l’achat 0,0040 USD soit, à titre indicatif, quelques 2 dinars. Le bénéfice net tiré de cette opération est, à peu près, de l’ordre de 24’498 DA. Il faut encore ajouter la « contribution » des grossistes sélectionnés pour vendre, en exclusivité, les produits Djezzy et qui ont du avancer 4 milliards de centimes chacun. Si le début de l’installation et de l’exploitation de Djezzy était un jeu d’enfants, il était, par contre, réglementairement boiteux pour le gouvernement.
Les vrais problèmes de Djezzy ont commencé avec une enquête des impôts sur une surfacturation bizarre entre Orascom, maison mère et Djezzy, sa filiale en Algérie. Il s’agit de facturation pour « assistance technique » et la première question qui se pose est « que peut donner Orascom que Djezzy ne peut avoir alors qu’ils vont tous les deux sur le marché international pour l’acquérir ». Les services des impôts ont compris qu’il y a exportation illégale des devises ; en d’autres termes une fuite des capitaux. Les factures ne comportaient parfois même pas de date. Les dernières découvertes du fisc concernent l’absence de « service fait » sur les factures, comme le reconnaît Sawiris. Il est élémentaire que le service financier de n’importe quelle entreprise ne puisse payer une facture que si « le service fait » est clairement mentionné, validant ainsi la transaction et justifiant la dépense. Cette signature ne peut être faite que par les services de Djezzy ayant reçu cette assistance et comme la direction de Djezzy ne pouvait faire connaître ces agissements à quiconque (employés étrangers) pour des raisons de confidentialité ou, peut être, en comptant sur la discrétion de certaines personnes du fisc qui fermeront l’œil, elle a préféré passer outre la réglementation et garder cela en secret. Si cette histoire n’a pas été découverte tout de suite, c’est, peut-être, parce que certains « sponsors » algériens de Djezzy étaient encore dans les arcanes du système qui nous avait présenté Djezzy comme un exemple des IDE.
Bien que l’affaire de redressement fiscal dite « Djezzy » porte sur les années 2007, 2008 et 2009, les dirigeants d’Orascom ont essayé à maintes reprises, selon la presse arabe et occidentale, de mettre son conflit avec l’administration fiscale, sur une prétendue revanche algérienne après l’infâme campagne des médias, des artistes et… des avocats égyptiens contre l’Algérie et son histoire après la défaite mémorable des « Pharaons » à Oum Dorman et leur élimination de la Coupe du monde. Il est de notoriété que la campagne de l’Afrique du Sud avait une place privilégiée dans la stratégie de campagne électorale égyptienne avec pour objectif majeur le remplacement du père par le fils à la tête de l’Etat. Cette campagne connaissait et connaît toujours une résistance à toute épreuve parce que considérée comme injuste, décalée et politiquement incorrecte après le passage, pour la première fois en Egypte, par des élections populaires, lors de la dernière présidentielle.
Il s’avère, selon certains recoupements, que Djezzy est accusée d’avoir élaboré une technique basique et même naïve pour exporter des capitaux vers sa société mère, Orascom.
Prise à son propre piège, Djezzy avait envoyé une lettre signée par Thamer El Mahdi au Gouverneur de la Banque d’Algérie, en date du 29 juillet 2010, au sujet des découvertes faites par les services compétents des impôts et dans laquelle il est précisé intégralement ce qui suit :
« Nous comprenons que ces allégations (il parle des accusations de la Banque d’Algérie) sont fondées sur le seul fait que certaines des Attestations de Services Fournis (« ASF ») au titre des contrats de services avec sa maison-mère OTH pour les années 2007, 2008 et 2009 n’ont pas été datées, ou, pour trois d’entre elles, ont été datées du même jour que la facture correspondante, et que trois de celles de 2008 ont été datées de quarante huit heures avant la facture correspondante ».
Cette reconnaissance est intervenue après la lettre de Sawiris, datée du Caire, destinée au gouvernement algérien confirmant que « OTH a donc souhaité entamer des discussions avec votre Gouvernement portant sur la cession des actions Djezzy » et jusqu’au mois d’août 2010, les égyptiens continuaient de mentir à Ouyahia en lui écrivant ceci « Djezzy et ses investisseurs espèrent très sincèrement que vous pourrez leur fournir votre soutien et que vous engagerez des actions rapides afin (…) de conduire le Gouvernement Algérien à entamer des négociations avec OTH menant à la conclusion de la cession de ses actifs en Algérie selon des termes équitables comme indiqué dans notre courrier du 27 mai 2010 (…) ».
Les tentatives pour sortir Orascom, et non plus Djezzy seulement, du bourbier financier dans lequel ils se sont empêtrés, donnent plus d’arguments aux autorités algériennes pour prendre le temps qu’il faut et cueillir facilement le fruit lorsqu’il arrivera à maturité. L’annonce de l’accord avec Vimpelcom, le Russo-norvégien a fini de démontrer la mauvaise foi des dirigeants de Orascom qui ont déjà fait un enfant dans le dos à l’Algérie avec la cession de leur cimenterie à la société française Lafarge. Il est clairement établi que les dirigeants égyptiens ne peuvent aller, en matière industrielle, au-delà de ce qu’ils ont fait jusque là.
Les complaintes de Djezzy cachaient parallèlement un autre jeu plus dangereux en exploitant tous les moyens susceptibles de lui permettre de tenir tête aux institutions algériennes. C’est comme cela, que Djezzy a pu contourner les mesures conservatoires prises par les impôts, la Banque d’Algérie et les Douanes algériennes en « recrutant » une Sarl algérienne répondant au nom de DZnet pour acheter, en son nom propre, ce dont elle a besoin, moyennant un payement « légal » et transfert transparent des devises par cette Sarl sans que les services des impôts ne s’en rendent compte. Ainsi, 10 millions de cartes à puce au profit de Djezzy sont rentrés en Algérie malgré « l’embargo » prévu jusqu’au payement de ses arriérés fiscaux.
Jusqu’en août 2010, Thamer El Mahdi continuait d’écrire aux autorités algériennes au sujet de ces cartes à puce alors qu’il avait reçu via DZnet 10 millions d’unités au mois de juin 2010. Il est clairement établi que la contrepartie de cette opération de DZnet est une société off shore, en Tunisie et un plan de charge conséquent sur le créneau des télécoms sur le marché égyptien.
Le gérant de la Sarl est aussi, pour rappel, le directeur général de Vox Algérie, une société ANSEJ au nom de son épouse et qui a défrayé la chronique en achetant, quelques mois après sa création, l’espace publicitaire de l’ENTV pour le mois de Ramadhan, pour un montant de 60 milliards de centimes. Les pourvoyeurs de fonds, des libanais, ont pris leurs bénéfices sans payer d’impôts grâce à l’ANSEJ. Ils avaient mis les agences de communication algériennes dans les pires difficultés du fait qu’elles n’avaient plus de plan de charge. Faut-il rappeler leur désarroi, exprimé dans la presse sans qu’aucun officiel ne daigne se pencher sur leur cas. D’ailleurs, des accusations gravissimes portant sur un éventuel blanchiment d’argent de la drogue sont restées lettre morte, faisant dire à certains que les complicités sont certainement puissantes.
Samia B.
13 octobre 2010