1) un attentat ou une série d’attentats ont lieu, généralement attribués au "terrorisme islamique" ;
2) des éditoriaux incendiaires appellent à la répression anti-islamiste, sont signés par les ténors de la presse dite laïque et moderniste, aux ordres des "Services" c’est-à-dire de la police militaro politique ou DRS;
3) une ou plusieurs tragédies comportant des dizaines – voire des centaines de victimes civiles comme à Béni Messous, à Raïs ou Bentalha – s’ensuivent, qu’on attribue tout aussi régulièrement au terrorisme islamiste armé.
Or, l’éditorial enflammé donc, qui vient d’être publié ce matin, semble renouer avec ces funestes souvenirs… Des souvenirs qui ressemblent à s’y méprendre à la séquence que nous vivons aujourd’hui. Rien n’y manque : Y compris la présence à la tête du Gouvernement – comme en 1997 – de M. Ouyahia, une espèce de Maître Jacques, véritable "intermittent" de la scène politique nationale, dans le rôle d’interface entre le pouvoir réel, détenu par une poignée de Généraux et nos pauvres Institutions de façade, y compris vis-à-vis de certains partis politiques "alimentaires" et godillots dont M. Ouyahia est leader de l’un d’eux : le Rassemblement National Démocratique (RND)
Mais revenons à l’éditorial d’El Watan, un texte apparemment rédigé dans l’urgence et qui commence par cette phrase sentencieuse : "L’Etat algérien est débordé par l’islamisme armé". Vient ensuite le constat nostalgique : "A force de vouloir rechercher coûte que coûte, un compromis politique avec les islamistes pour les faire rentrer dans les rangs, la lutte antiterroriste en a pris un coup, patine et n’a plus l’efficacité constatée du temps du président Zeroual. A l’époque, les maquis étaient pourtant bondés d’éléments armés (entre 35.000 et 50.000, selon les estimations les plus crédibles). Aujourd’hui, ils ne seraient plus que 300 à 500 terroristes. Le mode opératoire a bien changé entre-temps, avec l’apparition du label d’Al Qaïda qui lui assure une dimension internationale." Bien entendu, le lecteur de cet éditorial de commande, aura vite fait de remarquer la contradiction qui saute aux yeux entre un Etat algérien "débordé par l’islamisme armé" et le nombre ridicule de "300 à 500 terroristes". Mais on ne va pas pinailler sur des chiffres que personne ne détient. Pas même M. Zerhouni, le super Ministre d’Etat de M. Bouteflika.
Continuons la lecture de l’éditorial qui poursuit : "Les Algériens n’ont pas l’impression que l’Etat jette toutes ses forces dans cette bataille. Cette guerre à mener contre le terrorisme n’est pas seulement d’ordre technique, relevant des seuls services de sécurité, elle doit être plus globale, politique et idéologique… Cette violence politique est intolérable, elle est inacceptable. Elle réapparaît avec force, dans un contexte politique très particulier, marqué par l’attentisme et l’immobilisme, sur fond d’un problématique troisième mandat du président Bouteflika. Le temps semble par conséquent venu, de donner un nouveau cap au pays, en renonçant à cette politique ambivalente avec l’islamisme."
S’agissant de la tragédie des Issers, M. Belhouchet, au lieu de jouer la partition éculée des Cassandres de service, n’aurait-il pas mieux honoré son métier de journaliste en s’interrogeant par exemple et publiquement, dans son journal, pourquoi les responsables de la sécurité de l’Ecole de Gendarmerie des Issers ont-ils laissé se former un attroupement de jeunes candidats devant l’entrée de l’Ecole, au lieu de les laisser entrer dans l’enceinte de l’Etablissement ? Et puisque nous en sommes dans les interrogations, pourquoi aucun journal – arabophone ou francophone – ne s’est jamais interrogé publiquement sur l’utilité réelle de ces "barrages" de police et de gendarmerie, dans et autour d’Alger. Des barrages aussi pléthoriques que contraignants pour les citoyens. Comme si l’on cherchait à pré conditionner psychologiquement la population sur le "retour du terrorisme".
La guerre des clans au pouvoir serait-elle donc entrée dans une nouvelle phase entre le clan des décideurs de l’ombre, les généraux qui ont parrainé au départ Bouteflika et le clan de Bouteflika, grossi par toute une myriade d’opportunistes ? Y aurait-il de nouvelles donnes secrètes sur la santé du Chef de l’Etat – dans un sens ou dans l’autre d’ailleurs – Voilà aussi, un autre axe d’investigation pour un vrai journaliste, M. Belhouchet, dans la mesure où votre métier est d’informer, pas de désinformer, d’aller chercher l’information, pas d’attendre d’être briefé par les manipulateurs de tel clan ou de telle coterie.
Mais c’est là un tout autre débat qui aboutira in fine à poser la seule question qui vaille d’être posée dans une Algérie endeuillée, sinistrée et pillée, aujourd’hui en quasi déshérence politique. Cette question est la suivante :
A quand le régime politique actuel, profondément discrédité – toutes composantes confondues –, finira-t-il par tirer les conclusions de son échec total et irréversible et décidera-t-il, dans un dernier sursaut d’honneur et de patriotisme, d’organiser dans ce pays, de véritables élections libres et démocratiques, pour la mise en place d’une Assemblée Constituante, authentiquement représentative de toutes les sensibilités du Peuple Algérien, seule source de légitimité et de souveraineté ?
Abdelkader Dehbi
20 août 2008
http://abdelkader.blogs.nouvelobs.com
http://abdelkader.blog.lemonde.fr
Un commentaire
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Bonjour Mr Dehbi.Je partage amplement votre analyse. Les algeriennes et les algeriens ne croient plus à la thes du Gspc ou à celle d’une quelconque organisation terroriste. De retour de la ville des Issers ou l’attentat à la voiture piegée contre l’ecole de la gendarmerie a fait plus de 40 morts et une centaine de blessés, j’ai appris que plus personne dans cette Algerie d’en bas ne croit desormais aux theses rechauffées par la presse algerienne. Ou que je me suis arreté des Issers jusqu’aux Oudhias , j’ai des gens profondement outrés, tristes et choqués parler de la guerre des clans et dire: » Que nous veulent-ils? Qu’ils partent, qu’ils restituent le pouvoir au peuple! ». Sans commentaire!