La gestion actuelle des médias lourds prouve l’usure et le conservatisme de la mentalité de certains de nos politiques. Depuis les derniers événements, aucune information n’a été diffusée par la télévision algérienne et les radios nationales alors que ce sujet a fait la une dans toute la presse privée. Désormais, dès qu’un événement secoue le pays, les algériens ont le réflex de se tourner vers les chaînes étrangères. Nous contribuons, par le paiement de l’impôt, au fonctionnement de la télévision nationale. Nous sommes ainsi en droit d’exiger des chaînes algériennes qu’elles nous informent régulièrement sur ce qui nous concerne. C’est un droit et non une faveur ! Chacun sait que les médias sont une source privilégiée d’informations, mais ils permettent également de refléter l’image de la société. Ce n’est malheureusement pas le cas chez nous. Bien au contraire ! Au lieu d’être les garants de la confiance du peuple envers son gouvernement, les médias lourds sont des machines de propagande idéologique et politique. Cette lenteur abusive caractéristique de la gestion de l’information en Algérie pousse les gens à ne pas se reconnaître dans la télévision algérienne, ni de ce gouvernement actuel. Cette méfiance entre administrés et décideurs créée un abime entre eux. Ce fossé s’exprime d’une part, par le fait que les politiques s’éloignent des préoccupations quotidiennes du peuples en se lançant dans des projets irréalisables où la population est peu ou pas impliquée et d’autre part, par le fait que le peuple ne fait plus confiance en tout ce qui vient d’en-haut ! Il faut du temps, mais aussi des hommes et des femmes de bonne volonté pour rétablir un lien de confiance et de fidélité. Dans cette perspective, l’ouverture médiatique est urgente pour empêcher les détenteurs de l’information et les dogmatismes religieux de manipuler les esprits désorientés et nourrir de faux espoirs des gens désespérés. Il est de notre droit d’avoir des médias fidèles à l’image de notre réalité sociale, libres de critiquer nos institutions, nos gestionnaires et nos politiques dans le but d’améliorer, de renforcer et de stabiliser les institutions étatiques, tout en inculquant les valeurs démocratiques, républicaines et citoyennes.
Dans la conjoncture actuelle, nos intellectuels ne peuvent pas à s’imposer sur la scène médiatique. Certes, ceci est dû au verrouillage des médias lourds et à la politique de marginalisation. Mais si les intellectuels ne parviennent pas à s’imposer, c’est aussi parce qu’ils manquent d’organisation, de conviction, de perspective d’avenir, et parce qu’ils ne font pas confiance au peuple. C’est pourquoi, ils adoptent souvent un discours bien soigné afin ne pas heurter le pouvoir décisionnel. On se souvient de Kateb Yacine qui sillonnait les villages et les villes algériennes pour présenter des pièces théâtrales dans le but de bousculer les mentalités. Depuis, aucun intellectuel n’a eu l’audace ni la conviction d’aller à la rencontre du peuple pour débattre des problèmes algériens. Ce manque de débat sur les vrais problèmes représente effectivement un obstacle de communication entre nous. « Au fond, jamais nous n’avons eu l’occasion de nous parler, je veux dire entre nous, les Algériens, librement, sérieusement, avec méthode, sans a priori, face à face, autour d’une table, d’un verre. Nous avions tant à nous dire, sur notre pays, son histoire falsifiée, son présent émietté, ravagé, ses lendemains hypothéqués, sur nous-mêmes, pris dans les filets de dictature et du matraquage idéologique et religieux, désabusés jusqu’à l’écœurement, et sur nos enfants menacés en premier sous pareil régime », écrivait Boualem Sansal dans « Poste restante Alger ».
Est-il possible alors de parler d’union entre les Algériens ? Est-il possible que tous les Algériens se réunissent autour d’une table pour exposer, écouter, analyser leurs problèmes sans évoquer un passé et ses blessures qui nous enlisent davantage au lieu d’être facteur d’union et de réconciliation ?
L’histoire nous le dira…
Yazid Haddar
27 juillet 2007
A lire :
« Après le colonialisme » d’Arjun Appadurai, philosophe indien, 2001 ;
« Poste restante Alger » de Boualem Sansal.
2 commentaires
Salam
je suis fidèle lecteur et assidu de Hoggar. Je ne sais pas qui est Yazid Haddar. Son intervention me parait plus ou moins correcte. Mais ses références bibliographiques uniques (Kateb et Sensal) ne me rassurent pas. je pense que ces personnages sont foncièrement contre la ligne éditoriale de Hoggar. Cet auteur, s’il n’est de la même trempe que ses références,n’aurait eu aucun effort à illustrer ses propos par des références beaucoup plus « correctes » !
Pour un hoggar ouvert à tous
Cher Zouaoui,
Moi aussi je suis un fidèle lecteur de Hoggar. J’apprécie justement sa ligne éditoriale qui est celle de l’ouverture et le débat contradictoire, même si je peux être en désaccord avec telle ou telle position exprimée dans la Tribune libre.
Mais le plus important, c’est qu’on y trouve des textes exprimant le point de vue de la plupart des tendances idéologiques représentatives de la société algérienne.
J’estime alors qui si l’on n’est contre un point de vue, on doit alors réagir par un texte exposant l’autre point de vue.
Je vous conseille, comme je me conseille moi-même, d’ouvrir une rubrique chez Hoggar pour y contribuer. Je ne l’ai pas encore fait, par manque de temps, j’allais dire, mais nous savons que c’est seulement un prétexte. En réalité, dans mon cas c’est une appréhension en face de la page blanche. Est-ce notre culture de l’oralité qui est la cause ? Peut-être…
Fraternellement,
Hocine