1. Comment peut-on présenter « Le funambule » en deux mots, aux lecteurs ?

– C’est un exutoire, à une profonde douleur, un mal au pays qui souffre mais c’est également, une quête d’une certaine forme d’expression poétique qui correspond à la tragédie quotidienne que vivent les Algériens. Est-ce, une tentative de fuite, devant le quotidien tragique ? Peut-être… Dans cette recherche, plus que la quête des mots, ce qui prime, c’est en fait la quête d’un pays perdu, à travers la perte d’êtres chers ou de compagnons de lutte qui ne sont plus et que l’anonymat et l’indifférence tuent une seconde fois. La forme adoptée, celle du vers libre, n’est pas un choix de circonstance mais une option délibérée qui donne plus de place au fond qu’à la forme, plus de place à la cadence poétique qu’à la rime. La poésie est toujours au service d’une cause ou elle n’est pas. Comme dit Salvador Dali, « le poète, plus que tout autre doit dire la vérité. La charge subversive de toute poésie, c’est cela, cette manière de dire la vérité, en peu de mots.

2. Comment aborder tout le côté tragique que concentre, l’ouvrage ?

– Quand il y a tragédie, les hommes sont toujours pris en otage. C’est pour cela que la tragédie est quotidienne. C’est la vie sur le fil du rasoir. Dans la réalité quotidienne la plus banale, il y a un côté tragique qu’on peut déceler et qui est inscrit dans notre condition d’Etres mortels. Quand les hommes, sont acculés à une extrémité où la vie hésite entre la vie elle-même et la mort, c’est le tragique poussé aux limites extrêmes. La tragédie féconde la réalité poétique et restitue aux mots et aux choses une sonorité inattendue. Les mots aimantés vont de rencontre en rencontre et cherchent l’expression la plus élaborée du désarroi. Les politiques, ne s’intéressent pas au quotidien parce qu’ils sont inscrits dans des stratégies de pouvoir et ils finissent par trahir leur propre idéal, le poète lui est marqué du sceau de la vérité, c’est pour cela que la poésie transcende les contingences liées à une cause politique, aussi noble soit-elle.

3. Votre démarche poétique n’est pas dénuée d’un certain parti-pris, même si par ailleurs, elle apparaît comme privilégiant une certaine indépendance de ton…

– C’est simple, pour répondre, je vais paraphraser le poète palestinien Mahmoud Darwich, pour dire que je ne crois pas à la primauté du subconscient et je ne pratique pas l’écriture « automatique ». Comme de tout temps, j’ai été accaparé par des engagements d’ordre syndical et politiques, je suis plutôt volontaire en art. L’écriture une fois à table, vous prend en otage et vous perdez votre libre-arbitre, pour autre chose. Il faut comme dit le poète, trouver un alibi poétique et c’est là que commence le grand dilemme pour le poète et peut-être, son déchirement entre la quête de son indépendance de créateur et son éventuel engagement. L’écriture, est aussi un pays, dit le poète palestinien et on y accède dès que l’on saisit le crayon. Les poèmes du « Funambule », expriment le désarroi de la décennie sanglante. Par-delà leur limite, ils sont un témoignage vivant sur une époque que tout le monde veut oublier. En tant que tels, évidemment, ils rejettent les exigences codifiées, les règles de l’art pour l’art et par conséquent la fuite en avant qui consiste à schématiser la réalité vécue. La genèse du recueil, sa veine poétique, c’est la violence aveugle des années 1990. Dans le recueil, les poèmes, « Mon pays », « géographie humaine », expriment a mon sens, la filiation de l’œuvre.

4. Quel est actuellement le cheminement du projet, en œuvre dans le recueil ?

– L’odyssée ancestrale est un poème qui est devenu une pièce de théâtre en 2007/2008. C’est pour montrer le cheminement d’un projet. Il s’agit d’un poème qui est le tableau d’un contexte donné. Il y a dans ma démarche, une sorte de dualisme poésie-prose les deux genres, se superposent. Ce dualisme disparaît, dans le poème en question « L’odyssée ancestrale », où les deux genres fusionnent grâce à un travail d’écriture qui tend vers la rupture. Il y a un rapport qualitativement autre, dans ce travail. « L’odyssée ancestrale », est-ce une prose contenant de la poésie ou de la poésie, contenant de la prose ? La question reste posée…

5. Quelle est la raison d’être de la poésie ?

– Je n’aurais pas la prétention de répondre à une telle question mais les grands courants de la poésie contemporaine, tentent d’apporter des éléments de réponse. Pour moi, la poésie reste une manière de chercher la vérité par rapport à la condition tragique de l’être humain. Mahmoud Darwich, insiste sur la capacité synthétique de « l’arme poétique », pour Nazim Hikmet qui est un grand poète de la résistance au 20e siècle, la poésie est une sorte de chemin de traverse, pour parler de ceux que l’histoire a oublié. Le poète dit que « je ressens la mort de chaque présence vivante, comme un coup au cœur. »

31 octobre 2010

Comments are closed.

Exit mobile version