Une nomenklatura vieillie, gère un système au jour le jour, par des réformes, lancées toujours à grand battage médiatique et jamais menées à terme. L’économie, est l’otage d’une corruption endémique et d’un fonctionnement qui se fait, au gré des cliques  qui arrivent. Après plus de dix ans de terreur organisée, une donnée constante de l’ouverture sauvage voulue par les barons du régime, celle-ci a laissé le pays, dans un état exsangue, l’économie en panne et les élites laminées. L’économie nationale, administrée pendant trente ans, par une bureaucratie tatillonne, a tenté d’opérer une mue libérale, avec les mêmes dirigeants d’entreprises qui ont eu par le passé, à appliquer les orientations d’une économie dirigée, et d insuffler le souffle ultralibéral.

Les disponibilités en devises qui ont atteint l’été 2008, un niveau de 140 milliards de dollars, niveau jamais atteint auparavant, ont permis au gouvernement de prendre des mesures, considérées comme relevant de la souveraineté et qui viseraient à mieux contrôler l’investissement étranger en Algérie. A  la faveur d’une embellie financière, le gouvernement a adopté un « patriotisme économique »et a affiché des prétentions d’indépendance, à l’égard des multinationales qui avaient bénéficié de tous les avantages, pour s’installer (accès facilité aux crédits bancaires, exonération fiscale, situation de quasi monopole sur le marché). Les mesures, prises dans le cadre de la Loi de Finances Complémentaires 2009(LFC), obligent désormais, les entreprises étrangères d’importation (qui seraient plus de 6000), à associer les nationaux algériens, à hauteur de 30% et les investisseurs étrangers, à associer l’Etat dans les nouveaux projets, à hauteur de 51%. Dans le même ordre d’idée, l’accord d’association avec l’Union Européenne, est désormais mal vu par le gouvernement. Des partis, comme le PST (Parti socialiste des travailleurs) ou le PT (Parti des travailleurs), l’avaient dénoncé, dès sa signature. Mais au moment où sont affirmées, des prétentions d’indépendance et de souveraineté à l’égard des entreprises étrangères, le gouvernement garde le cap par rapport à sa politique ultralibérale. La loi de finance complémentaire de 2009, persiste et signe et inscrit dans ses objectifs la privatisation graduelle des entreprises publiques. La privatisation, voilà un sujet qui est récurrent depuis les années 1980 et qui a fait couler beaucoup d’encre (et de salive !) mais qui, comme un point à l’horizon, s’éloigne dès que l’on s’en approche. En la matière, l’Algérie est un cas d’école. Le sujet, est entouré d’un halo énigmatique. Le professeur Camille Sari, de l’université de la Sorbonne, estime dans une conférence, « Privatisations : quelques expériences mondiales », que le processus de privatisation en Algérie, « manque de clarté ». Il donne comme exemple, l’absence de plan chiffré, des entreprises susceptibles d’être privatisées. Selon lui, « les uns avancent le chiffre de 600 entreprises, d’autres, celui de 10 000 ». Il y aurait, dans cet écart énorme, une absence de méthodologie qui entraîne un amalgame, entre les activités de base des entreprises-mères et leurs filiales. N’importe comment, cette difficulté dans la définition des objectifs de privatisation n’est pas fortuite, mais découle, de l’absence de vision à long terme, sur le pourquoi et le comment d’un tel projet qui, par mimétisme, cherche à inscrire le semblant de politique économique du pouvoir, dans la dynamique de la « mondialisation ». Les mesures prises dans le cadre de la privatisation, sont appliquées par doses homéopathiques et par à coup, pour ne pas effaroucher les rentiers du système. Tout finit par donner l’impression, d’un jeu d’équilibre instable qui consiste à dire, un jour oui, un jour non. Il en a été ainsi, pour la fameuse loi des hydrocarbures abrogée, une année après. Les projets de réformes, lancées à grand battage médiatiques, sont à chaque fois différées ou vidées de leur contenu, pour sauvegarder les intérêts des cliques en présence, conséquence d’une corruption endémique. Tout laisse penser, que sur l’option de la privatisation et ses rythmes, après plus de vingt ans de louvoiement, le régime n’a pas abouti à un consensus entre les clans et les cliques, en son sein.  Les rentiers du système ne veulent pas de choix radicaux en la matière qui remettraient en cause leurs intérêts immédiats. Les réformes inachevées, rajoutent au disfonctionnement de l’appareil économique et à son discrédit structurel.

En l’absence d’alternative dans l’économie nationale, le pouvoir n’a pas pris des mesures protectrices, mais essaie de décourager les importations dont le volume augmente indéfiniment. L’Etat, intervient dans une sphère, dont il a maintes fois affirmé qu’il s’en était retiré, pour essayer de juguler les effets d’une ouverture incontrôlée, sur le marché extérieur et rétablir dans la mesure du possible, l’équilibre économique entre les exportations et les importations. Depuis 2000, les importations n’arrêtent pas d’augmenter et ont explosé, en 2008. La Loi de Finance Complémentaire 2009, ne participe pas à créer une dynamique nouvelle, pour l’économie nationale et ne change rien en matière de politique économique. L’économie algérienne, avec les effets pervers d’une économie rentière, ne peut s’accommoder dans ses conditions, de la mise en place d’une économie de substitution à l’importation. Les activités de rente (importations, transport, commerce intérieur), sont nettement plus rémunératrices que les activités de production. L’enjeu de toutes ses gesticulations, de la part du gouvernement Ouyahya, n’est pas la recherche de plus d’efficience, pour l’appareil économique et la rupture avec le modèle rentier, mais le souci de mieux contrôler la rente pétrolière et de mieux intégrer, dans la sphère de distribution de cette dernière, les hommes d’affaires algériens et les capitaines d’industrie, qui ont soutenu la candidature de Bouteflika, pour un troisième mandat et ont financé sa campagne électorale. La campagne de Bouteflika, a été la plus sponsorisée et la plus chère, toutes campagnes présidentielles confondues, depuis l’indépendance. C’était une course effrénée entre, pour paraphraser la rue algérienne, les « baggara » (maquignons) et « s’hab ech kara »(les barons de l’import-import). L’arrière pensée, des hommes d’affaires et des détenteurs de capitaux algériens, dans leur soutien sans faille, à la candidature de Bouteflika, pour un troisième mandat, est de voir les portes ouvertes pour arracher comme promis, des projets dans le cadre du prochain plan quinquennal de relance, d’un montant de 150 milliards de dollars. Cet avantage, était jusque-là, l’apanage des seules entreprises étrangères qui avaient raflé, des contrats juteux de réalisation et de fourniture, dans le cadre du programme de soutien à la croissance qui a englouti, pas moins de 300 milliards de dollars. Le prochain programme quinquennal de relance (2009-2014), veut réserver ce qui reste de la rente pétrolière, aux investisseurs algériens qui ont été écartés jusque-là, des plus gros projets.

Layachi Mahdi
Octobre 2009

Sources :

– le quotidien El Watan.
– le quotidien arabophone El Khabar.
– El Khabar El Ousbouy (Hebdomadaire arabophone).

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