A l’origine, un enjeu décisif pour toute la dynamique de la lutte de libération et ce, à partir des années 1956/1958, avec les fameux mots d’ordre stratégiques du Congrès de la Soummam qui étaient au cœur des clivages au sein du FLN/ALN et des différentes instances dirigeantes, et qui étaient : la primauté de l’intérieur sur l’extérieur et du politique sur le militaire.

L’affaire « Si Salah » qui se déroule en juin 1960, est un kaléidoscope qui réfracte toutes les contradictions de la lutte de libération nationale.

Pour Ali Zâamoum, ancien condamné à mort, frère de « Si Salah », « la principale crise interne du FLN/ALN durant la guerre, porte essentiellement sur la perte de confiance des officiers restés à l’intérieur et qui ont continué le combat, envers ceux qui se sont installés définitivement hors des frontières du pays et qui dirigeaient la révolution ». Pour lui, les délégations extérieures, installés au Caire ou ailleurs, avaient pour objectif d’approvisionner le maquis en armes et munitions et d’aider diplomatiquement, la guérilla de l’intérieur, ont complètement failli à leur mission. Pour peser face aux maquis, et créer un véritable rapport de force pour l’avenir, « une véritable armée, s’est constituée hors de nos frontières ». Dans un prologue, à l’ouvrage de son neveu, « Si Salah » MYSTERE ET VERITES (Ed. CASBAH), Ali Zâamoum, rapporte de façon pathétique cet épisode oublié de la lutte de libération nationale, « aux soldats initialement partis pour rapporter des armes et qui ne revenaient pas s’ajoutèrent de nombreux éléments qui, pour diverses raisons, ont été amenés à rejoindre nos bases extérieures : malades ou blessés qui ne revinrent pas après leur guérison, responsables politiques connus ou recherchés par la police, ici ou en France, tous ceux qui ne voulaient ni se faire arrêté, ni rejoindre l’ALN dans le maquis, allèrent rejoindre notre représentation à l’extérieure ». L’antagonisme intérieur/extérieur, va nourrir des visions et  des décisions parfois irréconciliables, selon que l’on se trouve au maquis, avec des djounouds et des officiers qui affrontent la mort tous les jours, ou que l’on se trouve a l’extérieur, au Caire, en Tunisie, dans les capitales européennes ou dans les pays de l’Est. La dynamique de la guérilla intérieure, va secréter une vision d’après l’indépendance, assez proche des préoccupations populaires. Très vite, la plate-forme du Congrès de la Soummam en 1956, va se faire le porte-voix, des revendications progressives de la paysannerie, en faisant référence à l’exigence d’une réforme agraire radicale (expropriation des gros propriétaires fonciers, collaborateurs de la France coloniale), et de la petite-bourgeoisie radicale en anticipant sur le contenue de l’Etat national algérien (Etat démocratique et social, dans le cadre des valeurs de l’islam). C’est cette anticipation sur le contenu social de la lutte des maquis qui va réfracter toutes les contradictions et préfigurer les luttes pour le pouvoir, au lendemain de l’indépendance, entre les différentes fractions du FLN/ALN. Ces divergences, vont beaucoup « peser sur le cours de notre révolution », nous dit feu Ali Zâamoum, dans la préface, qu’il a signé pour l’ouvrage. Face, aux manœuvres du général De Gaulle, pour baliser la voie vers la reconnaissance du FLN, à laquelle il était enfin arrivé, abandonnant le fameux  mot d’ordre « De Dunkerque à Tamanrasset, tous Français », et la négociation de la paix, les « dirigeants extérieurs de la révolution », s’affrontaient, dans une sorte de guerre de position, les uns contre les autres et partaient en rangs dispersés, vers l’ultime round de ce que l’on appelle communément la guerre d’Algérie. C’est un peu, dans ce contexte que  l’affaire « Si Salah », agit comme un révélateur, en donnant un véritable coup de pied dans la fourmilière. Le contact du colonel « Si Salah » avec l’Elysée et la rencontre avec le général De Gaulle, accélère les reclassements autour de la négociation, au sein de la direction du FLN de l’extérieur. Le GPRA va immédiatement, donner une réponse positive pour « la reprise des négociations officielles, avec les autorités françaises », ajoute Ali Zâamoum, qui considère que la dynamique des pourparlers, s’est trouvée boostée, par le GPRA et va vite aboutir, « à la signature des accords d’Evian et au cessez-le-feu, du 19 mars 1962. Ali, nous laisse entrevoir du frère Moh, dit « colonel Si Salah », dans son ouvrage Tamurt Imazighen, une figure attachante et charismatique. C’est un baroudeur de l’OS (organisation secrète) du PPA/MTLD en plus, il participe à la préparation et au déclenchement du 1er novembre 1954. C’est une figure de proue, de la guérilla intérieure qui est tombée, les armes à la main, en juillet 1961. L’affaire « Si Salah », est ainsi au cœur de la revendication, de « la primauté de l’intérieur sur l’extérieur », mise en avant, par le congrès de La Soummam, en 1956. Cette revendication, va faire ombrage aux dirigeants de l’extérieur qui vont avoir bien sûr, un avis différent. Ces divergences de point de vue, nous dit Ali Zâamoum, vont provoquer la rupture qui « sera quasiment consommée », entre les responsables de l’intérieur et ceux de l’extérieur. Ceci intervient dans un contexte très dure pour la guérilla, qui subissait les coups de boutoir successifs, de l’armée coloniale avec l’offensive Challe qui, avec  De Gaulle, préparait les conditions pour pouvoir aller aux négociations, dans un rapport de force favorable. Pour Ali Zâamoum, il l’affirme dans sa préface à l’ouvrage, « nos représentants extérieurs s’enlisaient dans des divergences internes et hésitaient à assumer, cette ultime phase de toute révolution armée : la négociation de la paix comme le recommandait d’ailleurs, la proclamation du 1er novembre 1954 ».

A partir de 1956/1957, R.Zâamoum, relève les saignées progressives qui dégarnissent les maquis. D’abord individuelles, ces départs étalés dans le temps, vont concerner « des groupes de djounouds, accompagnant des cadres ». Ces groupes, vont s’agréger à une autre dynamique de la lutte à l’extérieur. Dans son ouvrage « Histoire de la guerre d’Algérie », offert par l’ancien secrétaire d’Etat Kissinger, au président Bush, pour qu’il refasse ses classes sur la guerre en Irak, l’écrivain et historien anglais Alistair Horn, considère que l’affaire « Si Salah », est l’un  des épisodes les plus extraordinaires de la guerre d’Algérie.      

Layachi Mahdi

Comments are closed.

Exit mobile version