Le livre était là depuis longtemps et je croyais l’avoir lu. Je l’avais acquis durant les longues années de barbarie, la période de tragédie algérienne dénommée troisième guerre d’Algérie. La lucidité m’ayant manqué, et préoccupé comme tout un chacun, j’avais certainement juste parcouru le fruit du labeur de l’universitaire Addi dont les travaux intéressent de plus en plus de monde.

On dit qu’ici nous ne lisons pas beaucoup et la tragédie avait certainement accéléré le phénomène des sociétés arriérées ou en voie de développement, nivelant donc le tout par le bas (le classement des universités algériennes au plan international n’est-il pas inquiétant ?). Néanmoins le courage de tant d’Algériens se levant pour aller travailler constitue encore aujourd’hui tant de résistances. Finalement l’entreprise n’était-elle point la mise à l’écart de tant de populations ? Les grandes pluies torrentielles attendent toujours de vaines années de printemps…

Dans la salle d’attente de mon vieil « ami » médecin, originaire d’une grande famille du Sud algérien, qui me fait souvent la charité de m’écouter, je feuilletais sans conviction quelques titres de la presse nationale jusqu’à ce qu’un article d’actualité attire mon attention. Le professeur de droit à l’université d’Alger M. Mebroukine répond au docteur Sadi à propos de son livre « Amirouche , une vie, deux morts ». Mon intérêt était l’évocation du professeur de droit de l’ancien président charismatique Houari Boumediene et mon admiration pour tant d’acharnement du professeur à le défendre alors que son image avait été tant malmenée depuis le tournant libéral des années 1980, dicté par la finance internationale ; déjà en 1979, 110 pays du sud avaient été désignés à l’ajustement structurel.

M. Mebroukine écrit : « Entre autres historiens éminents, peu suspects de sympathie pour H. Boumediène, M. Harbi et L. Addi ont délibérément rejeté la catégorie de « dictature militaire » pour qualifier le régime de l’ancien président de la République (Cf. respectivement, L’Algérie et son destin, Arcantère, 1992, et l’Algérie et la démocratie, Éditions la Découverte, 1994). »

Le soir venu, je m’étais penché sur le livre d’Addi. L’autre, celui de Harbi, un copain a certainement oublié de me le rendre.

Ce qui est clair dans le livre d’Addi, c’est le rôle de la religion musulmane imprégnant toute l’histoire du mouvement national algérien depuis l’Etoile Nord Africaine (ENA), mise à part la période de la crise de 1949, dite crise berbériste. « En 1949, des militants de la Fédération de France (Paris Lyon) du PPA-MTLD, tous originaires de Kabylie, ont interpellé la direction du parti lui demandant de se prononcer sur la démocratie et sur la relation entre l’islam et la politique. tourner le dos à cette culture politique, séculariser le discours du parti, demander à Messali El Hadj de renoncer à la symbolique religieuse, c’était courir le risque de se couper des masses populaires dont le parti exprimait les aspirations. »

En ces temps de nationalisme algérien était-il question de prétendu « choc de civilisations » comme celui exprimé ces dernières décennies par feu Samuel Huntington lors de la guerre du nord contre le sud. Durant la nuit coloniale comme aujourd’hui, nous pouvons lire et déceler la guerre du nord contre les pays du sud.

Pour en revenir au président Houari  Boumediene, le professeur Addi nous rappelle que le président avait la main sur l’armée et gouvernait avec des civils.

Pour ma part je me réjouis de lire sous la plume du professeur Mebroukine que l’ex président n’avait point assez de temps pour la construction de l’Etat algérien et qu’il y avait une volonté d’un projet d’édification.

En ces temps là les Algériens possédaient un pays et le rêve était permis. Une paix sociale, des universités, des hôpitaux avaient été érigées.

Un autre chemin aurait-il été possible ? On ne refait pas l’histoire ; on tire les leçons de l’histoire si les forces externes réellement dominatrices nous laissent le faire.

Nourdine Amokrane
17 mai 2010

Un commentaire

  1. IL ETAIT UNE FOIS BOUMEDIENNE…
    Au-delà des violations des libertés et des droits de l’homme, au-delà de son machiavélisme politique et de ses erreurs sur le plan économique, l’œuvre qu’il a accompli durant les treize années durant lesquelles il a régné sur le pays est, pour emprunter la formule de GEORGES MARCHAIS « globalement positive ». Il y a eu beaucoup d’usines clefs en main qui ne fonctionnaient qu’à faible rendement, peu de cohésion sociale et peu d’adhésion du peuple au pouvoir qu’il lui avait imposé. Lui qui avait nationalisé les hydrocarbures pour libérer l’économie nationale de toute ingérence étrangère, a sacrifié l’agriculture, mettant le pays dans une situation de dépendance alimentaire alarmante qui n’a fait que s’accentuer. L’Algérie a vécue plus de onze ans sans constitution et Boumediene, président du conseil de la révolution et chef de l’ETAT, a gouverné par voie d’ordonnances. Il a eu ses fidèles et ses infidèles, ses partisans et ses adversaires, ses « fils » qui revendiquent aujourd’hui, tant au niveau de l’armée que de la jeunesse, sa politique, défendent son héritage et e qu’ils appellent « les acquis de la révolution ». Sa politique, contestée à l’intérieur dans de nombreux domaines, lui a valu un grand prestige à l’étranger où elle a été perçue comme progressiste et en faveur des grandes causes justes. Alger était la Mecque de nombreux mouvements de libération. De nombreux algériens se seraient accommodés d’une telle politique s’il avait rétabli les libertés fondamentales et libéré le peuple du carcan rigide qui l’étouffait. Courtisé de son vivant, Boumediene dont la maladie a été couverte par le plus épais des secrets d’Etat a été pleuré è sa mort par le peuple, surtout les ouvriers agricoles, les paysans pauvres, les travailleurs, l’armée, les femmes, parce qu’il a construit des villages, des écoles, des universités, des hôpitaux avec soins gratuits, établi des assurances sociales et un salaire minimum qui a permis d’élever leur niveau de vie. Nombreux aussi sont les cadres, des membres de la NOMENKLATURE, qui l’ont critiqué après sa mort, avec autant d’ardeur qu’ils avaient mis à le louer, quand ils supputaient qu’il était au pouvoir pour de longues années et que leur sort était entre ses mains.

    Par Abdenour ALI-YAHIA IN SON LIVRE INTITULE RAISON ET DERAISON D’UNE GUERRE AUX EDITIONS L’HARMATTAN 1996

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