De la confrontation de ces versets, il résulte à l’évidence que la polygamie n’est pas permise en islam. Le premier verset autorise la polygamie à une condition : la justice, l’équité envers les épouses. Le deuxième verset affirme que cette justice est impossible, soit la condition de la polygamie est impossible à réaliser, donc la polygamie est interdite. Quoi de plus clair que cela !

On peut maintenant analyser les causes qui peuvent être à l’origine de cette autorisation, ou plutôt de la formulation du verset impliquant implicitement et non explicitement une interdiction de la polygamie. Encore une fois, la polygamie existait avant l’islam ; elle était pratiquée de manière abusive, c’est-à-dire sans limite. Il fallait faire cesser les abus en limitant à quatre le nombre d’épouses. Auparavant on pouvait aller jusqu’à dix, vingt, cent épouses et plus. Salomon avait sept cents épouses et trois cents concubines. (1Rois 11.3 ). L’islam nous a habitués à cette manière subtile de changer les comportements. D’un nombre illimité d’épouses, l’islam ne pouvait sans choquer les esprits interdire brutalement et d’un seul coup une pratique millénaire très enracinée dans les moeurs. Il fallait pour amortir le choc ramener à quatre puis subordonner à la réflexion et à une lecture approfondie du verset la perception d’une interdiction pure et simple. Cette méthode est celle de la transition. Une telle approche relève du génie coranique. L’art, dit-on, consiste à user de transitions savantes dans toute chose, que ce soit dans les discours ou dans les actes, en politique ou en diplomatie, on ne peut passer brutalement d’un état à un autre.

C’est aussi une épreuve et même une miséricorde car ceux qui adoptent un tel mode de vie en se prévalant de ce verset, Dieu leur pardonnera sans doute leur faute, du fait qu’il s’agit non pas d’une faute volontaire mais d’un simple défaut de compréhension.

Il convient de noter que la polygamie du Prophète (Paix et Salut sur lui) n’entre pas dans le cadre de l’exemplarité dans la mesure où elle avait d’autres motifs liés à sa mission prophétique.

iv- Quant au mariage forcé, il est aussi étranger à l’islam. Beaucoup de gens confondent malheureusement les prescriptions de la religion avec les traditions populaires. Le Coran condamne pareilles pratiques en affirmant : « Quand ils commettent une turpitude, ils disent : « C’est une coutume que nos ancêtres nous ont léguée et que Dieu a ordonné d’observer !’ Dis-leur : « Dieu n’ordonne jamais de commettre des turpitudes. Allez-vous attribuer à Dieu des choses dont vous n’avez aucune connaissance ? » (s7 v28)

Les pères n’ont pas le droit de marier leurs filles sans leur consentement. D’après Abu Hurayra, le Prophète (Paix et Salut sur lui) a dit :

« Le mariage de la veuve ne peut se conclure sans son avis et la jeune fille ne peut être mariée sans son consentement. Quel est son consentement, ô messager d’Allah ? Il répondit : Son silence. »

Un mariage forcé est un mariage vicié par le manque du consentement, soit le consentement de la femme, soit celui de l’homme, ou des deux. En islam un tel mariage est nul.

Les tuteurs et les parents n’ont aucun droit de contraindre leurs filles à un mariage forcé car c’est l’une des causes du divorce et Dieu déteste le divorce. Dans la plupart des cas, ces mariages échouent ; comme le divorce, ils peuvent causer la destruction des foyers, la déchéance des mœurs et une mauvaise éducation des enfants. Le mariage qui dure est le mariage basé sur le consentement, l’amour et l’affection. On ne peut plaisanter avec ce que Dieu appelle le pacte d’union solennel, littéralement le gros pacte (s4 v21).

Le prophète (Paix et Salut sur lui) avait annulé le mariage d’une fille venue se plaindre de son père qui l’avait mariée contre son gré et bien que la fille ait indiqué clairement qu’elle était heureuse dans son mariage, le prophète (psl) lui a fait connaître qu’il était de son droit de l’annuler. Le contexte de ce hadith illustre l’importance du consentement mutuel dans le mariage et met en évidence l’interdiction des mariages forcés en islam.

L’islam a rendu à la femme sa liberté et sa dignité, après que ces droits lui fussent déniés pendant des millénaires, dès lors nous ne pouvons imputer à l’islam une quelconque régression des droits de la femme. La responsabilité de ces pratiques incombe aux parents qui s’accrochent aux traditions au détriment des préceptes islamiques.

5. La république doit rassembler et non exclure

Il est vrai que certains pays sont confrontés au défi de concilier des principes et des valeurs contradictoires telles que liberté et contrainte, modernité et tradition, unité et diversité. Ces contradictions ne sont pas le produit du hasard, c’est le signe du dépassement de l’espace réduit du nationalisme et d’une évolution vers l’universel. L’humanité vit les débuts d’une ère de transcendance où la spiritualité doit, comme prédit, gagner en largeur. Une ère où les valeurs prennent le pas sur les antivaleurs, la vertu sur le vice et la justice sur l’injustice. Il n’y a pas de « dérives communautaristes » comme on veut le faire croire. La République est assez forte pour résister à toutes menaces. Dans tous les cas, il est absurde d’imaginer qu’un foulard puisse représenter une menace. Le communautarisme est un terme inapproprié et souvent mal utilisé. L’identité religieuse ne renvoie pas au concept de communautarisme ; elle n’est qu’une réponse aux impératifs de cette transcendance, de cette évolution vers le haut. A quoi faut-il résister ? A ce qui attire vers le haut ou à ce qui attire vers le bas ? A la spiritualité qui attire vers le haut ou à l’attachement au sol qui attire vers le bas ? Le haut, le sublime n’est-il pas toujours plus sûr, plus noble, plus sécurisant que le bas ? S’opposer à cette progression vers le haut, c’est naviguer à contre-courant. Non seulement les chances du succès seront faibles, c’est aussi contraire aux lois de la république et à ses engagements internationaux. Les sociétés dont sont issues les contradictions et les différences ne sont pas tombées du ciel, elles sont composées de citoyens nés sur le sol de la république et jouissant à ce titre des conditions de citoyenneté pleines et entières. Il est donc hors de question de les bannir ou de laminer uniformément leurs différences. C’est inhumain et illégal. Le fait que les lois ne soient pas figées est un moyen de gérer les contradictions. C’est par le truchement des lois qu’il convient de supprimer ou réduire le fossé entre citoyenneté et spiritualité. Quant aux musulmans, ils doivent faire un effort pour se débarrasser des légendes indûment collées à leur religion, compte tenu du fait que l’Islam est un appel permanent à l’usage de la raison, à la recherche du savoir, au règlement des conflits, à la solidarité, à la cohésion et à l’entente entre les peuples.

La diversité est une richesse et elle est inéluctable. L’histoire est là pour rappeler l’échec des tentatives d’uniformisation des comportements et des cultures. La république doit emprunter les voix qui mènent au rassemblement et non celles de l’exclusion ou de la fusion, car c’est contraire aux principes de neutralité, de liberté, de justice sur lesquels elle se fonde.

Et du fait aussi que la république a plus que quiconque les moyens de combler le fossé des incompatibilités. Chacun doit faire un pas vers l’autre. Les communautés doivent faire un pas vers la laïcité et la laïcité doit faire un pas vers les communautés. Faire un pas suppose le dépassement du repli sur soi. Et ainsi le navire « vivre ensemble » retrouvera son havre de paix.

Ahmed Simozrag
7 septembre 2007
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