3. Complémentarité et interaction entre citoyenneté et spiritualité

La citoyenneté a besoin de spiritualité et celle-ci a besoin de citoyenneté.

La citoyenneté génère des droits qu’on ne peut obtenir autrement que par la qualité de citoyen. Il s’agit de droits politiques, économiques et sociaux. Parmi ces droits, figurent le droit au travail, le droit de constituer une association, un parti politique ou un syndicat, le droit de grève, le droit à la santé, le droit à l’éducation, le droit à l’information, le droit à la sécurité sociale, le droit de participation à la gestion des affaires du pays, le droit de résistance à l’oppression et à la tyrannie, le droit d’élire, le droit de se présenter aux élections, le droit à l’égalité, le droit de participer à une manifestation, le droit de pratiquer sa religion, l’inviolabilité du domicile, la liberté de circuler, le respect de la vie privée, le respect de l’intégrité physique. Ces droits sont garantis par la plupart des constitutions républicaines en plus des instruments internationaux.
La spiritualité représente un élément de la diversité dont la république a besoin. Un des principes de la république est la diversité dans l’unité. La république ne saurait, sans s’ériger en dictature, nier la diversité des sociétés qu’elle gouverne.

La spiritualité est une dimension indispensable pour l’équilibre de la république. Celle-ci souffre d’un excès de matérialisme dont les effets pervers ne peuvent être atténués que par la spiritualité.

Un autre avantage de la spiritualité tient au fait qu’elle façonne au profit de la société des bons citoyens. Les bons citoyens sont, de mon point de vue, ceux qui ne commettent ni crime ni délit, qui ne volent pas, qui ne trichent pas, qui participent effectivement à la construction de leur pays, qui respectent les droits des autres, qui mettent l’intérêt général au-dessus de l’intérêt particulier, qui ne s’adonnent point à la drogue ni aux boissons enivrantes. A moins que la république soit partisane d’une politique de consommation à outrance de sorte qu’elle ne s’offusque pas outre mesure du nombre de citoyens buveurs et drogués, ce serait de toute façon contraire à la morale républicaine. Les ravages causés par ces fléaux sont là pour en prouver le danger.

La spiritualité est la pépinière des citoyens sérieux qui veillent au respect de l’ordre, qui respectent leurs engagements, qui accomplissent leurs devoirs envers la société et envers la république sans avoir besoin de sommations ou de rappels. Ils n’attendent point l’avertissement pour payer leurs impôts et taxes, ils n’hésitent pas à témoigner pour la vérité chaque fois qu’il est nécessaire. L’islam fait obligation au croyant d’être un auxiliaire de la justice, de venir en aide aux autres dans tous les domaines, de ne pas attenter à leurs droits et encore moins à leur intégrité physique et à leur vie.

La spiritualité forme le citoyen conscient du respect de la dignité humaine et des droits qui en découlent, le citoyen qui sait s’adapter à son milieu sociétal grâce au respect de cette dignité.

La spiritualité inculque une parfaite connaissance de la valeur du temps. Elle apprend aux citoyens comment faire l’économie du temps et comment l’employer à bon escient. Le croyant étant conscient du fait que Dieu l’interrogera sur sa vie : à quoi il l’a consacrée ? Et sur son savoir : qu’en a-t-il fait ? Et sur sa fortune : comment il l’a acquise et à quoi l’a-t-il dépensée ? Et sur son corps : à quoi l’a-t-il usé ?

« Ô fils d’Adam, dit l’Imâm al-Ghazali, tu n’es qu’une poignée de jours, chaque jour qui passe est une partie de toi-même qui s’en va ».

« Le jour et la nuit agissent sur toi, agis sur eux » disait Umar ibn Abdul-Aziz.

Grâce à la spiritualité, le citoyen s’emploie à utiliser le temps de façon optimale en vue de faire le maximum de bien avant que la mort ne vienne le faucher.

La spiritualité commande la propreté. La prière exige la propreté du corps, des vêtements et du lieu. Le musulman est tenu de se laver cinq fois par jour pour faire la prière. En plus, il doit se laver tout le corps au moins chaque vendredi et après chaque rapport sexuel. Il doit porter des vêtements beaux et propres pendant la prière, donc tous les jours. Il ne peut pas prier en étant malpropre ni avec des habits malpropres ni dans un lieu malpropre. En Islam l’impureté se confond avec le Diable. Celui-ci se nourrit de l’impureté et vit dans l’impureté.

« Dieu aime ceux qui se purifient »s9 v108

La spiritualité rend les relations socio-économiques harmonieuses et apaisées. Elle contribue à nourrir les sentiments de véridicité, de sincérité et de confiance mutuelle qui conditionnent la sérénité et l’harmonie des relations socio-économiques. Le respect de la parole donnée, la sincérité dans les échanges financiers et commerciaux, l’absence de fraude et d’abus dans la production et la vente de produits et de marchandise ne peut qu’accroître la rentabilité et rendre l’économie performante. Il y aurait moins de faillites des entreprises, moins de délocalisations et moins de hausse des prix si l’économie, le commerce, l’industrie, la gestion, la fabrication et la vente de produits, la main d’oeuvre dans l’usine, à l’entreprise et au chantier, étaient davantage imprégnés de spiritualité.

La spiritualité développe le désir d’apprendre et de s’instruire, l’esprit d’endurance et de persévérance dans l’effort, la lutte et le travail pour le bien-être ici-bas et dans l’au-delà.

La spiritualité enseigne que les droits humains sont un don de Dieu aux hommes, soit pour les éprouver, soit pour récompenser leurs mérites, soit un don tout court du Créateur aux créatures. Le plus précieux de ce don est la vie. Elle considère l’atteinte à ces droits, à ces dons comme un péché et une injustice non seulement à l’égard des victimes mais aussi à l’égard de Dieu en tant que Principal Garant des droits de Ses créatures.

La spiritualité est un frein invisible qui empêche le corps de la société de déraper et le bateau république de sombrer, d’aller à la dérive.

La spiritualité est indispensable à une époque comme la nôtre qui souffre de déséquilibres dans tous les domaines. Sans cette dimension vitale qu’est la spiritualité, l’équilibre rompra, le mal vaincra et la vie se gâtera.

D’où, il apparaît clairement que la spiritualité ne peut que servir la république dans la mesure où elle contribue à créer les conditions d’une vie citoyenne, d’un « vivre ensemble » paisible et serein. A cet égard, la complémentarité entre l’islam et la république est indéniable, malheureusement il existe des désaccords qui risquent d’occulter ou de rendre inopérants les avantages de cette complémentarité.

Il n’est pas difficile de constater que la spiritualité avance vers la citoyenneté, alors que la citoyenneté recule ; effarouchée, celle-ci refuse toute approche de la part de la spiritualité. En d’autres termes, ce n’est pas l’islam qui refuse de s’adapter à la vie républicaine, c’est la république qui refuse l’islam tel qu’il est, exigeant de lui une espèce de reniement de soi.

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