L’essentiel selon moi se jouera plus tard. Le texte officiel passera la journée du 29, tout a été fait pour qu’il «passe». Quant à la réconciliation, avec le contenu et les implications que les diverses composantes de notre peuple auraient souhaitée ou que l’Algérie actuelle est en mesure de réaliser, je crains que nous n’en soyons bien loin, pour diverses raisons tenant aux multiples fractures et à leurs imbrications. Il y faut certes un début, mais est-ce le bon pour rompre avec la fatalité?

Des tentatives ont été rejetées, d’autres ont tourné court, chaque fois les enjeux de pouvoir inavoués ont brouillé les pistes de l’espoir au détriment de la clarté dans le contenu, qui est pourtant l’essentiel.

L’après-29 septembre fera le tri entre les discours et les intentions réelles des promoteurs de la charte. A part les flatteurs et les inconditionnels, je ne crois pas que beaucoup d’Algériens, vieux routiers des scrutins-bidon, s’y trompent et attribuent une vertu magique à la recette qui sortira des urnes référendaires. La vraie solution, la réconciliation dans la voie de la justice et de la démocratie, dans l’intérêt national et celui de toutes les victimes physiques et morales, dépendra des luttes en profondeur qui seront menées pour la concevoir et la mettre en oeuvre.

Le seul mérite d’une campagne aussi ambiguë dans ses objectifs et biaisée dans ses méthodes, est qu’un problème majeur a été posé au grand jour, celui du rapport entre paix et liberté, entre sécurité et démocratie. Les partisans d’une réconciliation ancrée sur la justice et les réalités et pas seulement sur des visées politiciennes ont bien fait de se mobiliser. Mais le débat constructif, théorique et surtout concret, que méritait ce besoin lancinant d’une nation qui cherche douloureusement ses repères, les échanges porteurs d’espoirs de rapprochement, de convergence et d’unité d’action entre les courants honnêtes même les plus éloignés les uns des autres, n’a pas été engagé. Les «zernadjiat» chargées de porter le message officiel du «OUI» ont dominé massivement et agressivement la campagne jusqu’à assourdir les participants et rendre les échanges inaudibles. Pour un projet qui se réclamait d’une réconciliation générale, c’est plutôt un indice inquiétant quant aux suites.

Sur quoi débouchera «en gros et en détail» cet événement ou ce «non événement» ? Ces expressions ont été utilisées par les uns puis reprises à leur propre compte par leurs antagonistes, signe évident que le dialogue de sourds est encore tenace et prédominant. Les étiquettes sont lancées d’un camp à l’autre, dans une confusion accentuée par le fait que des ex-«éradicateurs» se sont prononcés pour le OUI et des ex-«dialoguistes» pour le NON. Je ne rejoins pas ceux qui expliquent cela seulement par des retournements de veste et des manœuvres partisanes étroites. Les commentaires contradictoires reflètent autant la complexité du problème que le manque de transparence des tenants et aboutissants du projet, à qui on peut faire dire ce que les uns et les autres veulent bien y trouver. Il entre dans le jugement des acteurs les plus honnêtes et ouverts, avec toutes sortes de nuances ou de réserves, la volonté d’inscrire leur position dans la perspective des luttes futures pour un contenu démocratique et réellement constructif. Les uns ont fait le choix de «discuter dans l’impasse», selon la formule judicieuse de Mouloud Hamrouche, alors que les autres estiment qu’il s’agit avant tout de sortir de l’impasse. Il est à espérer qu’au lendemain du 29 septembre, les courants sincèrement attachés à combler les fractures et guérir les blessures de l’édifice national se retrouveront pour les débats et les actions sérieuses, quelle que soit leur position tactique sur le référendum.

On ne peut non plus renvoyer dos à dos les protagonistes du débat, car force est de dire que le flou et le contexte politique trouble nous ramènent que nous le voulions ou non, à un repère objectif et fiable en défaveur de l’initiative officielle, celui des errements passés du système et des pouvoirs qui s’y sont relayés, ce qui n’est pas tout à fait porteur d’espoir.

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