Je me souviens d’une caricature d’un des premiers numéros clandestins de «Saout Ech-Chaâb», organe central du PAGS à la fin des années 60. Il y montrait Bouteflika conduisant une voiture et le commentaire d’un passant désemparé : «Il clignote à gauche mais il tourne à droite» ! C’était le temps où la majorité du «clan d’Oujda» s’évertuait à saboter les initiatives économiques et sociales de Boumediène, n’encourageant et ne soutenant que ses méthodes autoritaires pour les tourner contre les syndicats, les militants démocrates et de progrès, les couches laborieuses et populaires défendant leurs intérêts. La traversée du désert de la disgrâce et l’exil ont-elles porté conseil au chef de l’Etat revenu aux affaires? On le souhaiterait dans l’intérêt général.

Mais certains parmi les hommes politiques connus pour être sérieux, avisés et honnêtes, qui ont traversé avec honneur la guerre d’indépendance et n’ont pas attendu ce jour pour défendre une politique de paix, de démocratie et de concorde nationale, ont déjà répondu par un doute fort et argumenté. L’avenir confirmera ou infirmera rapidement leurs appréciations. Il reste une certitude, l’avenir heureux ou catastrophique d’un pays n’est jamais dans les seules mains du pouvoir en place, aussi autoritaire et assuré soit-il. Les pronostics seraient faussés s’ils ne prenaient pas en compte les capacités du mouvement social et démocratique algérien à faire le point, à se mobiliser par delà toutes ses composantes idéologiques. Cela aussi pose problème. Je dirai même que le mouvement social, démocratique et pacifique gagnerait autant, sinon plus, à se concentrer sur ses propres tâches et responsabilités qu’à dénoncer seulement les agissements des sphères officielles.

Surtout, ne nous cachons pas les grandes difficultés qui attendent le retour de l’Algérie à l’espoir, aux œuvres d’édification et de justice sociale. Les embûches sont le lot de tous ceux pour qui la Paix n’est pas seulement un mot ou un idéal mais signifie un contenu qui la rend souhaitable et possible : le respect des libertés et des droits citoyens sans distinction entre fils et filles de l’Algérie, le respect de leurs langues maternelles, de leur façon de vivre leur islam, de leurs convictions politiques et idéologiques, pourvu qu’elles s’inscrivent dans l’intérêt général et qu’elles donnent vie à la synthèse recommandée par l’appel du 1er Novembre 54, entre les valeurs culturelles et de civilisation de notre peuple et les aspirations sociales et démocratiques communes et naturelles à tous les peuples du monde.

Ce ne sera pas une tâche facile que de construire ce contenu de la «réconciliation», même si le texte du projet officiel était rendu plus clair et moins dépendant d’obscurs et dangereux hégémonismes. Paix, sécurité, réconciliation ! Quoi de plus noble? Quoi de plus précieux et dont on ne reconnaît la valeur que lorsqu’on l’a perdue ? On en parle, on en rêve, des hommes et des femmes de bonne volonté y travaillent partout dans le monde, parfois jusqu’au sacrifice de leur vie, et pourtant les fractures de toutes sortes s’aggravent et compromettent les attentes légitimes des peuples. Combien de conflits sans pitié et sans horizon proche de règlement, entre Etats, entre composantes d’une même nation, d’une même société et jusqu’à des groupes sociaux encore plus restreints sinon même des familles! Et pourquoi les résultats sont-ils trop souvent en contradiction ou en décalage avec les déclarations de bonnes intentions des uns et des autres ?

L’interrogation hante aujourd’hui l’Algérie, au moment où on lui offre une option «prête à porter». La raison ? Sans doute y ont été pour beaucoup les confusions, les amalgames, les propositions en forme de «ventes concomitantes», les propos contradictoires d’un jour à l’autre ou en fonction des auditoires, les promesses et arguments dilatoires (vous verrez après le 29 septembre !) de la part de ceux qui défendent sur la scène médiatique un projet officiel imprécis.

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